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Les sphères de la conscience

Ce qui fait la différence entre une intelligence artificielle et un esprit qui s’émerveille et nous rend humain est la conscience. Mais ce n’est pas si simple, car comprendre ce qui nous rend véritablement humain, nous demande de faire un véritable voyage à l’intérieur de nous-mêmes. La phrase marquée au fronton du temple de Delphes, « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux », n’est pas juste une phrase poétique nous invitant à réfléchir sur notre nombril. Elle est bien plus profonde, elle nous suggère que la clé pour comprendre l’univers est déjà en nous.

Comprenons qu’à l’ère de l’intelligence artificielle, il y a une distinction cruciale entre deux choses radicalement différentes et à ne surtout pas confondre, l’intelligence et la conscience. L’intelligence est mécanique, elle est capacité à traiter l’information, à résoudre un problème, à raisonner. La conscience est tout autre chose, elle est la présence à soi qui vient donner un sens, une valeur, une importance à ce que nous sommes en train d’examiner.

L’étincelle et le feu

Si l’intelligence est le calcul, la conscience est la lumière qui éclaire le résultat. Nous pouvons accumuler toutes les connaissances du monde, tous les faits, tous les raisonnements les plus logiques qui soient, sans cette petite étincelle de conscience, tout cela restera inerte comme un tas de bois sec. Il manque le feu pour lui donner de la vie et de la chaleur.

Cette idée d’étincelle ne date pas d’hier, Aristote, déjà à son époque, faisait une distinction assez similaire. Il parlait de l’intellect passif, qui stocke l’information à la manière d’un disque dur. Mais il décrivait également un intellect actif qu’il voyait comme éternel et spirituel. Pour lui c’est cet intellect, comme une lumière intérieure, qui éclaire la connaissance pour en faire surgir la vérité. C’est l’étincelle de la conscience.

Même la plus performante des machines ne peut que produire un raisonnement complexe, mais sans la capacité de réflexivité, ce recul qui nous permet de nous dire qu’à cet instant précis, nous sommes conscients de ce que nous pensons, et le pesons pour l’arbitrer. Ce retour sur soi-même est le propre de la conscience humaine.

Activer le dialogue intérieur

Alors, comment s’active la conscience ? par un processus intérieur qui n’est pas automatique, mais résulte d’un choix. Platon disait que la pensée, la vraie, est un dialogue de l’âme avec elle-même. Il ne parlait pas juste de ce petit brouhaha mental que nous avons tous dans la tête en permanence. Il parlait d’une conversation profonde, d’une véritable exploration de notre monde intérieur.
En fait, la conscience naît d’une sorte de retournement. Au lieu de nous laisser emporter par le courant des événements, nous choisissons de faire un pas de côté et nous détachant de la réaction purement automatique aux circonstances, nous nous retournons vers l’intérieur et commencer à nous interroger nous-mêmes. L’outil le plus puissant de ce retournement est une question toute simple : pourquoi ?

Pourquoi penser ainsi, pourquoi ressentir cette émotion ? La question du pourquoi vient casser tous nos automatismes. Elle nous force à cesser de croire nos pensées sur parole, pour aller chercher leur véritable origine et pouvoir nous prononcer. C’est la raison pour laquelle, d’anciennes traditions comme les Upanishads parlaient de cet éveil comme d’un feu sacré au creux du cœur. C’est une image très forte, parce que la conscience est exactement comme un feu, elle apporte de la clarté dans la confusion, de la chaleur dans nos relations et une détermination qui donne un sens à nos actions. Une fois que ce feu est allumé, la conscience ne reste pas immobile. Elle grandit, elle s’élargit en cercles, un peu comme des ondes qui se propagent à la surface de l’eau.

Les différentes sphères de la conscience

La première sphère de la conscience, la plus proche, est soi-même. Elle naît de la réponse à la grande question de « qui suis-je ? », mais en allant beaucoup plus loin que les étiquettes habituelles qui nous font nous définir par notre métier ou notre statut. Elle nous permet de toucher à notre identité profonde, à ce qui reste quand nous avons retiré tout ce qui est extérieur.

Puis ce cercle de conscience s’élargit et commence à inclure les autres. Nous arrêtons de les voir comme de simples outils, des obstacles ou des fonctions dans notre vie. Nous commençons à les reconnaître pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’autres êtres humains, d’autres centres de conscience. Chacun avec son propre monde intérieur. Ce n’est qu’à partir de là que la véritable empathie peut naître.

Enfin, la dernière sphère, la plus vaste, est celle de la conscience du monde. Cela ne signifie pas que nous allons tout comprendre du monde, puisque c’est impossible, mais cela veut plutôt dire que nous acceptons sa complexité, ses contradictions, ses paradoxes. L’individu qui a fait ce parcours de conscience commence alors à chercher sa juste place, non plus au centre de tout, mais comme une petite partie cohérente d’un grand ensemble qui le dépasse.

La vie est à l’image d’un récipient que nous commençons à remplir avec du sable, puis de petits cailloux pour poursuivre par de gros galets qui finalement ne rentrent plus dans le peu de place restante. Sans conscience, c’est ce que nous faisons, nous remplissons notre vie de sable, au lieu de commencer par les choses fondamentales. Le sable, ce sont les urgences, les distractions, les choses sans importance, mais à la fin, il ne reste plus aucune place pour l’essentiel.

Le rôle de la conscience dans les choix

La conscience est ce qui nous permet de choisir nos grosses pierres, nos vraies priorités, et de les poser d’emblée, pour construire notre vie autour d’elles. Le reste, le sable des circonstances, prendra sa place sans les aliéner. Ce faisant, nous découvrons alors l’impact puissant de la conscience sur nos vies, sa capacité à nous transformer, quand nous faisons le choix de qui nous voulons devenir. C’est un changement radical de perspective.

D’ordinaire, nous nous demandons ce que nous voulons faire dans notre vie quotidienne, changer de travail, déménager, partir en voyage… mais l’usage de la conscience nous pousse à nous poser la question bien plus profonde et essentielle de qui nous voulons devenir.

Le source de notre liberté

Car la conscience est une soif de devenir, un désir de grandir, de s’améliorer, de s’aligner un peu plus chaque jour avec nos valeurs les plus profondes. Et, c’est justement parce que nous sommes conscients de nos imperfections, de nos failles, mais aussi de notre incroyable potentiel, que nous pouvons nous projeter vers un avenir meilleur.
Socrate fut peut-être le plus grand exemple de cette force. Sa conscience lui dictait de respecter les lois d’Athènes, même si les lois de cette cité le condamnaient injustement à mort. Par son choix, et parce que sa voie intérieure était plus forte que son instinct de survie, il est devenu pour nous tous le modèle de celui qui reste fidèle à ses principes, quel qu’en soit le prix à payer.

Comprenons que la conscience est la seule source de notre véritable liberté, car elle seule peut nous permettre de choisir notre chemin. Elle possède cet incroyable pouvoir de transformation, de nous donner jour après jour, la force de vivre une vie qui a du sens. Une vie qui ne soit pas dictée par nos émotions du moment. Cette démarche nous conduit dès lors à la seule question qui compte vraiment, une question que chacun doit poser avec gravité au centre de sa vie : qui faisons-nous le choix de devenir ?
La question est simple… mais immense !

Article rédigé d’après la conférence donnée par Thierry ADDA le 14 mai 2025 à L’espace Le Moulin (Paris 5)

À voir sur Youtube
https://www.youtube.com/watch?v=OFMX-ULxP7o
À écouter en podcast :
https://www.buzzsprout.com/293021/episodes/17312786-les-spheres-de-la-conscience

À lire
Les sphères de la conscience
Carlos ADELANTADO
Éditions Acropolis, 2025, 100 pages, 12,90 €

Crédit image : Depositphotos.com N°46184127_S
Thierry ADDA
Président de l’association Nouvelle Acropole France

© Nouvelle Acropole

La revue Acropolis est le journal d’information de l’École de Philosophie Nouvelle Acropole France

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