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La civilisation étrusque, raffinée et mystérieuse racine de Rome

Parmi l’ensemble des populations méditerranéennes de l’Antiquité, les Étrusques sont encore aujourd’hui quasi inconnus du grand public. Le Musée de la Romanité à Nîmes met en évidence l’apport de cette civilisation hédoniste et raffinée (1). 

Couvercle cinéraire figure femme

Du IXe au Ier siècle av. J.-C., les Étrusques, qui occupaient le centre de l’Italie (Toscane, Ombrie, Latium), furent un des peuples majeurs de la Méditerranée occidentale. Pourtant, bien des aspects de leur culture restent encore inconnus par le petit nombre de textes parvenus jusqu’à nous, des épitaphes pour l’essentiel, dont le sens continue de nous échapper. 

Les Étrusques dans la Méditerranée

Les Romains les appelaient « Etrusci », les Grecs « Tyrrhenoi » (tyrrhéniens) eux-mêmes s’appelaient « Rasenna », et leurs origines sont controversées depuis l’Antiquité, d’autant que leur langue reste très mystérieuse. Hérodote estimait qu’il s’agissait de Lydiens qui auraient fui la famine et, guidés par Tyrrhénos, fils du roi de Lydie, auraient pris le nom de Tyrrhéniens. Des indices récents semblent justifier cette théorie.

Les Étrusques occupent un vaste territoire qui comprend la Toscane, le nord du Latium, une partie de l’Ombrie, la Campanie et la Plaine du Po. Ils atteignent la Corse et les centres côtiers de la Gaule méridionale (2) et même les côtes ibériques.

L’histoire de ce peuple d’habiles navigateurs et d’artisans raffinés se développe à partir du IXs. av. J.-C. et connaît sa période d’apogée entre le VIIe et le Ve siècle, avant de tomber progressivement sous la domination de Rome entre le IVe et le Ier siècle av. J.C.
Ils atteignent une grande prospérité due à l’immense potentiel de leur territoire, composé de terrains fertiles adaptés à l’agriculture mais surtout à la richesse de leurs ressources minières, en particulier métalliques, comme le cuivre et le fer. Et ils développent également un puissant réseau de liaisons maritimes, renforcé par les échanges avec les navigateurs grecs et phéniciens. 
Ils avaient une culture toujours ouverte aux apports extérieurs qu’ils ont intégrés en les transformant. Le contact avec les autres grandes civilisations méditerranéennes, a modifié considérablement le style de vie des classes dominantes. De grandes familles aristocratiques concentrent la possession des terres et le contrôle du commerce et suivent les modèles de la royauté orientale et homérique qu’ils considèrent comme des symboles de pouvoir. Ainsi par exemple, s’introduit le symposium, le « boire ensemble » qui représente l’un des plus grands moments de cohésion sociale pour les Grecs. On retrouvera ces scènes de banquet dans les tombeaux étrusques.

Le rôle de la femme

En Etrurie, les femmes jouissent d’une émancipation considérable par rapport aux autres civilisations de la Méditerranée, à l’exception de l’Égypte. Les Grecs et les Romains les considèrent avec une certaine méfiance voire du mépris. Elles participent aux événements publics et peuvent avoir des charges sacerdotales. Elles accèdent à l’écriture et ont droit de propriété et d’instruction. Elles possèdent un nom propre, à la différence des femmes romaines attachées à leur famille (gens), ce qui confirme qu’elles sont considérées en tant qu’individus au sein du noyau familial.

Le panthéon étrusque 

Si pendant la période la plus ancienne, les forces élémentaires de la nature ne prennent pas encore de forme humaine, le contact avec le monde grec produit une hellénisation radicale du Panthéon. Dès lors, les divinités étrusques prennent les mêmes aspects et prérogatives que les dieux grecs, qui seront ensuite imités par les Romains. Il reste néanmoins dans le panthéon certaines divinités d’origine italique, comme Culsans (lat. Ianus), Selvans (lat. Silvanus) et Voltumna (lat. Vertumno). 
Les noms de grandes divinités du panthéon seront :  Tinia (Zeus), Uni (Hera), Menerva (Athéna), suivis d’autres grands dieux : Laran (Arès), Turan (Aphrodite), Aplu (Apollon), Artumes (Artémis), Fufluns (Dionysos), Nethuns (Poséidon), Aita (Hadès), Phersipnai (Perséphone).

Foie de Piacenza

Art divinatoire et pratiques rituelles

Pour les Etrusques, toute la nature s’ordonne selon la volonté des dieux. Ils envoient des signes qui doivent être interprétés. Les prêtres spécialisés sont les haruspices (aruspicina) qui portent un bâton recourbé, le lituus. Ils élaborent des rituels complexes fondés sur leurs conceptions cosmogoniques et leur connaissance de la nature. Les arts divinatoires incluent diverses techniques comme l’observation des entrailles des animaux sacrifiés, en particulier du foie (voir modèle du foie de Piacenza) ; l’interprétation de la foudre et autres prodiges ; le vol des oiseaux (qui est à la base de la fondation de Rome) ou la fumée de l’encens brulé. 
De nombreuses offrandes sont déposées dans les temples ou dans les tombes. Parmi les plus célèbres figurent ces statuettes de figures humaines très allongées que l’on nomme « ombre du soir », car elles évoquent la projection de l’ombre au sol pendant le crépuscule. Ces figurines ont inspiré de nombreux artistes, dont le sculpteur Alberto Giacometti.

Stèle représentant augure

L’Au-delà et les pratiques funéraires

Comme toutes les civilisations anciennes, les Etrusques croient à une vie après la mort dans un autre monde. Leurs familles veulent perpétuer le souvenir des êtres chers en reproduisant la vie quotidienne dans les tombes et les représentants sur les couvercles des sarcophages ou les vases canopes. Sous influence grecque, cet Au-delà devient tel l’Averne homérique, un monde souterrain peuplé de divinités chtoniennes et des esprits des morts.  
Les cérémonies funéraires suivent un rituel très précis avec cortège funéraire, exposition du corps, banquet en honneur du défunt et ensuite enterrement.
Il y a deux pratiques funéraires, selon les périodes et les zones géographiques : l’incinération et l’inhumation. Dans l’inhumation, on cherche à respecter et préserver le corps du défunt, enterré avec ses tenues et ses ornements. Dans la crémation, on met l’accent sur la coupure nette en détruisant le corps par le feu pour libérer l’âme. Les urnes cinéraires sont placées dans des tombes avec également divers attributs. 
Les deux pratiques continuent à coexister, mais, pendant le période hellénistique, notamment en Etrurie méridionale, c’est l’inhumation qui prédomine comme le prouvent les nombreux sarcophages retrouvés à Tarquinia et à Tuscania. Dans la région septentrionale, c’est l’incinération qui prédomine comme le confirment les ateliers des urnes des villes comme Volterra, Chiusi et Pérouse.

Dieu Charun

Divinités infernales et voyage du défunt dans l’Au-delà

Les deux principaux êtres infernaux de la démonologie étrusque sont : la déesse Vanth et le dieu Charun. La première est représentée avec de grandes ailes, une torche et un rouleau sur lequel est écrit le destin du défunt, tel la Moire grecque, la puissance du destin. Charun est assimilé à Charon, représenté avec une barbe, un nez aquilin et des oreilles pointues, un marteau à la main. Il est le gardien des portes de l’Hadès.
Après la mort, l’âme réalise un voyage pour atteindre sa demeure souterraine. Ce voyage est représenté dans les urnes cinéraires de Volterra. En compagnie de Vanth et Charon, les âmes partent pour le voyage ultime en char, à cheval, à pied, salués par les êtres chers qui restent sur terre. Les portes de l’Hadès marquent la frontière entre les deux mondes. 

Source de la civilisation romaine

La culture étrusque, qui au cours des siècles s’est enrichie d’éléments de connaissances et de langages expressifs de la Grèce antique, constitua le substrat fertile à partir duquel Rome trouva l’élan fondamental pour son développement qui aboutit à la création d’un Empire très vaste. Raffaella Gafa, chargée d’études à la conservation du Musée de la Romanité explique : « Des recherches récentes ont montré que Rome est une création étrusque,dit-elleAvant, le site n’était occupé que par quelques villages. » Experts en urbanisme, en architecture et en hydraulique, les Étrusques ont édifié les premiers remparts de la Ville éternelle et la Cloaca Maxima, l’égout principal, qui a permis d’assainir le fond de la vallée et de développer le Forum Romanum, le cœur historique, politique et économique de la cité. Les Romains ont également hérité de leurs voisins la pratique des arts divinatoires, notamment l’observation des entrailles d’animaux sacrifiés. C’est aussi le cas de nombreux symboles de la romanité comme la toge, le siège curule, réservé aux hommes de pouvoir, et le faisceau de licteur, marque du pouvoir militaire et politique du magistrat, qui a même traversé les siècles pour devenir l’emblème de certains partis ou régimes politiques. À l’évidence, l’apport des Étrusques est tout aussi important que celui des Grecs.

1) Étrusques, une civilisation de la Méditerranée, exposition jusqu’au 23 octobre au Musée de la Romanitéhttps://museedelaromanite.fr/agenda/etrusques-une-civilisation-de-la-mediterranee – Voir le catalogue Etrusques, une civilisation de la méditerranée, Guiseppina Carlotta Cianferoni, Éditions Contemporanea Progetti SRL, 2022, 160 pages
(2 )site archéologique Lattara – Musée Henri Prades :  https://www.montpellier3m.fr/lattara
par Laura WINCKLER
co-fondatrice de Nouvelle Acropole France
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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