50 ans après la mort de Martin Luther King, que reste-t-il de son combat ?
« Je rêve qu’un jour, sur les collines rousses de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens esclavagistes prendront place tous ensemble à la table de la fraternité. […] Je rêve qu’un jour mes quatre petits-enfants vivront dans une nation où ils ne seront plus jugés sur la couleur de leur peau, mais sur leurs mérites ».
Extrait du discours de Martin Luther King prononcé à Washington – 28 aout 1963
Le 4 avril 1968, le pasteur noir Martin Luther King fut assassiné à Memphis en Alabama. Partisan de la non-violence, de la désobéissance civique, il a lutté toute sa vie pour que Noirs et Blancs aient les mêmes droits civiques, économiques et sociaux. Cinquante ans après sa mort, que reste-t-il de son combat ? L’inégalité entre les Noirs et les Blancs a-t-elle diminué ?
Né en 1929 à Atlanta (Géorgie), Martin Luther King connut dès son plus jeune âge la ségrégation raciale. Issu d’un milieu de pasteurs (père et grand-père) pratiquant le social gospel (évangélisme social défendant les plus pauvres et luttant pour l’émancipation des Noirs), rien de plus naturel pour Martin Luther King, que de continuer la lutte pour les droits civiques des noirs à Montgomery (Alabama). Suite à un boycottage des autobus de la ville pendant 382 jours, en 1956, la Cour Suprême des États-Unis déclara inconstitutionnelle la ségrégation dans les autobus, écoles et certains lieux publics.
Il dira : « une injustice où qu’elle soit, est une menace pour la justice partout ».
Partisan de la désobéissance civile et de la non-violence
Conscients qu’un mouvement de masse était nécessaire, Martin Luther King et le pasteur baptiste noir Jesse Jackson fondèrent en 1956 la Southern Christian Leadership Conference (S.C.L.C.). Martin Luther King donna des conférences et discuta des questions raciales avec les dirigeants des associations de défense des droits civiques et les autorités religieuses, aux États-Unis comme à l’étranger. En 1959, Jawaharlal Nehru, Premier ministre d’Inde, l’initia au concept de non-violence et désobéissance civile (satyāgraha) (1) développé par Mahatma Gandhi (2).
Pour Martin Luther King, la désobéissance civile est non seulement justifiée face à une loi injuste, mais également parce que « chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes ».
Martin Luther King pratiqua la non-violence car la violence, selon lui ne règlait rien. La non-violence, fondée sur la justice mais également sur l’amour en tant que principes universels, n’était pas seulement une méthode juste, mais aussi un principe qui devait être appliqué à tous les êtres humains, où qu’ils soient dans le monde.
Dans un de ses discours, il dira plus tard « […] En utilisant la violence, vous pouvez assassiner le haineux, mais vous ne pouvez pas tuer la haine. En fait, la violence fait simplement grandir la haine. […] Rendre la haine pour la haine multiplie la haine, ajoutant une obscurité plus profonde à une nuit sans étoiles. L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité : seule la lumière peut faire cela. La haine ne peut pas chasser la haine : seule l’amour peut faire cela. » (3)
De son côté, Nelson Mandela militait déjà depuis 1948 contre l’Apartheid (4) en Afrique du Sud, en pratiquant également l’attitude de non-violence, inspiré par Gandhi, avant de passer plus tard à la résistance armée.
« I have a dream »
De 1960 à 1965, Martin Luther King continua sa lutte au niveau national et international tandis que ses méthodes de non-violence active (sit-in, marches de protestation) remportèrent l’adhésion fervente de nombreux Noirs et Blancs libéraux dans toute l’Amérique ainsi que le soutien des 35ePrésident John Fitzgerald Kennedy (1917-1963) puis du 36e Président, Lyndon Johnson (1908-1973).
Le 28 aout 1963, Martin Luther King organisa à Washington une longue marche, rassemblant 200 000 personnes, Blancs et Noirs. Devant la statue du président Lincoln assassiné, il prononça le plus haut discours de sa vie « un rêve profondément enraciné dans le rêve américain », réclamant l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur couleur, devant la loi.
« Je rêve qu’un jour, sur les collines rousses de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens esclavagistes prendront place tous ensemble à la table de la fraternité. […] Je rêve qu’un jour mes quatre petits-enfants vivront dans une nation où ils ne seront plus jugés sur la couleur de leur peau, mais sur leurs mérites ».
En 1964, le Civil Right Acts déclara la fin de la ségrégation raciale. Le pasteur noir reçut le prix Nobel de la paix.
La paix et l’égalité entre tous les hommes
Dès 1965, des signes d’opposition apparurent dans les quartiers pauvres et ghettos des villes du Nord et l’Ouest des États-Unis. Le Black Power(5) dirigé par Malcholm X et les Black Panthers(6) remirent en question de façon plus radicale et violente la philosophie religieuse et non violente de Martin Luther King.
Face à ces attaques grandissantes, Martin Luther King élargit son discours en s’opposant à l’intervention américaine au Vietnam puis en s’attaquant à des problèmes économiques tels que la pauvreté et le chômage. Il mettait en garde contre l’American way of life dont la course à la consommation et le matérialisme pouvaient détourner l’homme de la cause du Bien et de la spiritualité.
Il voulut organiser une marche des pauvres à Washington mais ce projet fut interrompu au printemps de 1968 par un déplacement à Memphis (Tennessee) afin de soutenir une grève des éboueurs de la ville.
Le 4 avril 1968, alors qu’il se tenait au balcon du premier étage du Lorraine Motel, Martin Luther King fut assassiné par James Earl Gray, déclenchant des émeutes et des troubles dans une centaine de villes.
Le 09 Avril 1968, de nombreuses personnalités rendirent un dernier hommage au leader noir assassiné. La marche dura plus de neuf heures et s’étendit sur six kilomètres.
Retrouver la dignité
Figure phare et martyr du mouvement en faveur des droits civiques des Noirs, Martin Luther King a tenté de faire reculer les injustices subies par les Noirs Américains et de faire en sorte qu’aucune personne ne soit plus jugée en fonction de la couleur de sa peau. Son intelligence politique permit de toucher la conscience des Blancs américains, ce qui devait aboutir théoriquement à la fin de ségrégation sociale.
Martin Luther King a donné aux Afro-Américains le sentiment de porter en eux une histoire, non seulement de malheur (par l’esclavage) mais également de dignité retrouvée. Sa tenacité, sa persévérance, et sa grande éloquence lui ont permis de réunir autour de lui Noirs et Blancs, d’abattre des murs de méfiance et d’hostilité par la pratique du dialogue, de la conciliation et de la non-violence.
Grâce au Civil Right Acts, les Noirs purent accéder aux fonctions politiques et institutionnelles. En 1984 et 1988, Jesse Jackson se présenta au titre de candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine. Plus tard, de 2009 à 2017, Barack Obama devint le premier Président noir des États-Unis.
En matière d’éducation, Linda Brown (1942-2018) a laissé son empreinte dans l’histoire américaine. Son père ainsi qu’une douzaine de famille se sont adressés à la Justice pour que leurs enfants afro-américains puissent fréquenter des écoles de Blancs. leur avocat Thurgood Marshall fut le premier juge afro-américain à rentrer à la Cour suprême des Etats-Unis. Cette dernière prononça en 1954 l’Arrêté Brown Brown v. Board of Educationet déclara inconstitutionnelle la ségrégation raciale appliquée dans les écoles publiques.
Une victoire mitigée
En Afrique du Sud, jusqu’à sa mort, Nelson Mandela continua le combat contre l’apartheid. 23 ans après son abolition, il règne toujours l’inégalité entre les Noirs et les Blancs dans ce pays et les Noirs vivent un seuil de pauvreté important.
Aujourd’hui, aux États-Unis, aucune figure significative américaine n’a repris le combat de Martin Luther King. L’égalité des Noirs et des Blancs est loin d’être atteinte notamment en matière de revenus, de santé et d’espérance de vie, d’éducation, d’incarcération et de violence policière…
Devenir des héros au quotidien
Mais, si des personnages tels que Martin Luther King ou Nelson Mandela ont pu devenir des héros et des figures emblématiques du peuple noir, tous les espoirs sont permis aux philosophes et héros du quotidien pour aider l’humanité à avancer vers une civilisation acceptable, mue par les valeurs universelles de paix, de justice, de fraternité, de solidarité, de dignité, de respect de soi-même… en s’inspirant de héros tels que Gandhi ou d’autres qui ont œuvré pour l’humanité et en retrouvant les valeurs spirituelles universelles… Autant de défis que le XXIe siècle réserve à chacun d’entre nous, à condition que nous acceptions de devenir meilleur, que nous exprimions le meilleur de nous-mêmes pour notre bien-être et celui de l’humanité entière.