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Les exercices spirituels philosophiques #12 Mesurer ses progrès

« Garde tes pensées, mets-les par écrit, fais-en la lecture,
qu’elles soient l’objet de tes conversations avec toi-même et avec un autre. »  Épictète

Comment parvenir à mesurer quelque chose d’aussi intangible que nos progrès dans la pratique philosophique ? Comment savoir si nous sommes devenus meilleurs, si nous avons réellement surmonté cette colère ou cette mauvaise habitude ?

Pour nous situer, nous avons, bien sûr, notre sentiment subjectif mais, parfois, comme rien n’est parfait, nous retombons dans nos anciens travers et nous avons l’impression de faire du sur-place. Or ce n’est peut-être pas totalement vrai.

Si nous faisons une analogie avec des pratiques sportives ou artistiques, nous comprenons qu’il est important de rendre objectifs les résultats obtenus sur le moment mais aussi dans le temps. C’est ainsi que les sportifs prennent note de leurs performances à chaque entraînement, les personnes qui font un régime surveillent leur poids quotidiennement, celui qui a arrêté de fumer comptabilise les jours, etc. Ceci permet de déterminer une trajectoire d’amélioration et donc de mesurer ses progrès. Dans cette même veine, Epictète disait à ses disciples : « si tu veux te débarrasser d’un tempérament coléreux, compte chaque jour passé sans te mettre en colère. » 

Garder mémoire

Pour garder mémoire de nos expériences rien de tel que de les coucher sur le papier.  C’est pourquoi les anciens philosophes avaient l’habitude de consigner leurs observations sur eux-mêmes.
Sénèque disait que chaque jour nous devons demander à notre âme de rendre des comptes. C’est ainsi que, à la fin de chaque journée, le pratiquant écrivait un bref compte rendu de ses comportements. Il pouvait l’écrire pour lui-même, comme un journal intime ou le partager avec son maitre.
Ainsi Marc Aurèle, tout empereur de Rome qu’il est, pratique l’examen de conscience avant de s’endormir, passe en revue sa journée, et commente ses comportements qu’il confie à son journal, publié sous le titre Pensées pour moi-même. Il s’en ouvre également à son maître, Fronton : « Rentré chez moi, avant de me tourner sur le côté pour dormir, je déroule ma tâche, je rends compte de ma journée à mon très doux maître ».

L’exercice spirituel de la tenue du cahier 

Il s’agit donc d’instaurer un examen de soi régulier. Car, comme le dit Socrate, « une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ». Mais comment le faire de manière efficace ? Car le piège du journal intime est de tomber dans l’anecdotique ou dans la culpabilisation de soi-même ou des autres, ce qui ne va pas beaucoup nous aider dans notre examen de nous-même. 
En réalité, il ne s’agit pas tant de décrire notre journée que d’interroger notre âme. L’examen de conscience a pour but de constater si nous nous sommes comportés comme nous l’avions décidé et, le cas échéant, de noter ce qui s’en est éloigné. C’est pourquoi les philosophes nous proposent de centrer ce retour journalier sur soi autour de questions précises. Nous pouvons retenir celles instaurées par les pythagoriciens : « Qu’ai-je fait aujourd’hui ? Qu’ai-je omis ? Que ferai-je mieux demain ? »

On trouve une formulation légèrement différente chez un autre philosophe, Sextus : « De quel démon t’es-tu guéri aujourd’hui ? Quel vice as-tu combattu ? En quoi es-tu meilleur ? »
Quoiqu’il en soit, tous insistent pour que cet examen soit quotidien, car un jour efface l’autre et l’on a tendance à oublier très rapidement ce qui s’est passé. 

Isabelle OHMANN
Rédactrice en chef de la revue Acropolis
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de l’école de philosophie Nouvelle Acropole France

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