Philosophie

Aux portes de l’été

L’été est une période de détente et de ressourcement. C’est également le moment de se questionner et d’effectuer un travail sur soi.

Un été de climat irrégulier se présente devant nous et, une fois de plus, des milliers de personnes font confiance à ces mois pour se défaire, ne serait-ce qu’en partie, de la fatigue, de la routine et de l’accablement accumulés au long d’une année pleine de difficultés.

L’été et son cortège de vacances semblent offrir un doux échappatoire, quelques jours pour cesser de penser et cesser d’être touché par la souffrance ; peut-être pour se pourvoir en courage face à un nouveau cycle d’activité impossible à ajourner, peut-être en croyance que ne pas voir et ne pas entendre est une façon de nier ce qu’on ne veut pas accepter.

Le monde saigne

Ce sera un été pour lécher ses nombreuses blessures… Le monde saigne en de multiples endroits et, qu’on le veuille ou non, même le plus égoïste se demande combien de temps il faudra avant que la vague d’épouvante ne le rattrape.

Ce n’est pas le monde mais les gens qui saignent, parce que ce sont les gens qui font saigner le monde et qui souffrent le plus de cette hémorragie si difficile à arrêter. Lorsque le monde en général tourne sans rythme ni but fixe, les gens entrent dans le même courant d’anarchie vitale. Chacun est la proie de mille angoisses à raconter, de mille problèmes déchirants qu’il ne sait ou ne peut résoudre, guerre intime qui fait aussi que coule le sang rouge au cœur de ses émotions et de ses pensées.

Ce sera un été dans lequel nous redouterons le repos même, de peur qu’en profitant de cette indispensable distraction, n’éclatent de nouvelles bombes de panique là où on s’y attend le moins.

Ce sera un été pour regarder le ciel et craindre même le soleil et la lune, parce que des astres aussi nous parviennent d’étranges augures et des éclipses redoutées qu’on peut interpréter de différentes manières mais qui ne nous en font pas moins trembler car elles échappent à la maîtrise et à la volonté humaines. Les plus sceptiques se riront d’un cône d’ombre qui obscurcit la lumière de la lune ou celle du soleil ; ceux qui le sont moins imagineront dieu sait quel déchaînement d’horreurs ; mais tous, d’une manière ou d’une autre, regarderont le ciel en quête de prodiges.

Le moment de se questionner

Ce sera un été de recensements intérieurs et de questions cruciales, même sous la caresse de la mer, du vent des montagnes ou du bruissement des arbres. Que faire ? Qui croire ? Où se trouve la sortie de tant de labyrinthes où se perdent nos pas ? Croire dans les personnes est difficile, parce que le plaisir du traquenard et la compétence corrompue ont fait qu’aucun personnage important, dans aucun des champs de l’activité humaine, n’est libre de souillure. Croire dans les sentiments, comment le faire devant le déploiement de violence et d’intolérance, de mensonge et de dissimulation qui constitue la base du comportement entendu comme civilisé ? Croire dans les idées est également compliqué, car chacun se charge d’exalter les siennes et de détruire les autres ; où est donc la vérité ?

Il serait bon, en tout cas, que ce soit un été pour retrouver la confiance en soi, dans sa capacité de discernement, dans la liberté de s’informer mais aussi de sélectionner ce qui est valable parmi des monceaux de remplissage inutile. C’est un temps approprié pour se rappeler que la conquête de soi-même est ardue mais vaut la peine, parce qu’avec elle arrivent le sens commun, la bonne volonté et la capacité de découvrir quelques vérités dans une montagne de mensonges, la possibilité d’agir avec sincérité même si ce n’est pas la mode et de commencer à changer le monde à partir de la simple tâche qui consiste à se changer soi-même, en tout ce qui peut être amélioré. Au-delà ou en deçà des astres, il faut savoir, aimer et pouvoir, pour étancher les blessures de la méfiance, de l’incrédulité et de la peur. L’avenir a besoin, sans aucun doute, de plus de sourires qui surgissent du fond authentique de l’être. Il est possible qu’alors l’automne ne nous soit pas si triste ni si opaque. Un jour, il faut commencer à susciter de nouveaux bourgeons d’humanité et cette année pourrait bien être le moment.

 Par Délia STEINBERG GUZMAN

Traduit de l’espagnol par Marie-Françoise Touret

N.D.L.R. Le chapeau et les intertitres ont été rajoutés par la rédaction

Un été pour regarder le ciel et craindre même le soleil et la lune
Un été pour regarder le ciel et craindre même le soleil et la lune

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