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Arts

Dante, poète éternel

Les commémorations du 700e anniversaire de la mort de Dante sont l’occasion de découvrir (ou redécouvrir) celui qui a donné son nom à un adjectif, dantesque, synonyme de grandiose, en référence à son œuvre emblématique, la Divine Comédie

Mort à 56 ans de la malaria le 14 septembre 1321, c’est à Ravenne que le poète florentin a son tombeau. Dans cette ancienne capitale de l’Empire romain déclinant, où Dante fut exilé au tournant du XIVsiècle, on récite la Divine Comédie tous les jours à 18h depuis le 14 septembre 2020 en hommage au plus grand poète italien. Car c’est à Ravenne que le poète a composé cette œuvre majeure, couronnement poétique de son parcours philosophique et mystique. C’est à Ravenne que Dante mourut loin de sa patrie florentine. Car Dante ne fut pas un artiste en marge de la société, mais un homme pleinement engagé dans la vie politique de son temps. Impliqué dans un combat politique entre guelfes et gibelins (partisans du pape ou de l’empereur) après avoir exercé des responsabilités politiques de haut niveau, il est chassé de Florence avec toute sa famille, ses biens sont saisis et il ne reverra jamais sa ville natale.

Lire Dante

Lire Dante est une expérience, et particulièrement en ce qui concerne la Divine Comédie – dont le nom initial était Comédie signifiant sa fin heureuse, l’adjectif « divine » ayant été rajouté par Boccace quelques décennies plus tard. Car l’œuvre est saisissante par sa puissance à tous niveaux. Un poème qui s’étend sur plus de 14 000 vers ; une architecture symbolique tellement précise qu’elle se décode numériquement ; des descriptions qui forcent l’imagination – dont la plupart des contemporains retiennent surtout celles, terrifiantes de l’Enfer, sans doute par la grande difficulté actuelle d’élever l’âme à la perception d’autres dimensions plus subtiles. L’imagination est parfois soutenue par les dessins des plus grands artistes inspirés par l’œuvre, tels que Botticelli, William Blake, etc. (2) 

La Divine Comédie

L’expérience est certes rendue plus ardue par la dimension hermétique de l’œuvre. Car la Divine Comédie est truffée de références mythologiques, historiques, politiques ou théologiques, dont le sens nous échappe pour la plus grande partie. Le néophyte pourra se laisser porter par le rythme des vers, dans une traduction ou une autre – il en existe pour tous les goûts (1) – qui, en tant que telles, resteront toujours en deçà de la musique de la langue originelle du poème ; l’italien vernaculaire, ancêtre du toscan, marque, soit dit en passant, l’audace de Dante d’écrire en langue commune et non en latin, la langue savante de l’époque. Celui qui connait quelque peu l’italien se régalera des éditions bilingues et pourra laisser chanter à son oreille les vers tels qu’ils furent écrits. Le chercheur de sens aura sans doute besoin d’un guide pour pénétrer la densité de l’ouvrage et en révéler les dimensions profondes.

Béatrice, la dame aimée

La Divine Comédie, couronnement de l’œuvre de Dante, fait suite à la Vita nova, essai dans lequel Dante témoigne à la fois de sa recherche philosophique et présente le personnage de Béatrice. La Vita nova, qui signifie « la vie nouvelle », exprime à la fois les apports mais aussi les limites de la philosophie scolastique médiévale dans ses dimensions démonstratives et logiques. Beatrice y fait son apparition. D’aucuns ont cru devoir l’identifier à un personnage réel et, par conséquent, l’amour que Dante lui vouait à une histoire passionnée. Il n’en est rien. Dante fut marié et père de famille, heureux semble-t-il, et ne fait nullement référence à sa vie personnelle dans ses œuvres. Béatrice est purement une allégorie. Elle représente l’âme spirituelle du poète qui se révèle à lui dans des rencontres fugaces, puis de manière plus insistante, qui disparaît de sa vue quand il se fourvoie hors de lui-même et réapparaît comme fil rouge de la Divine Comédie, sévère et pleine de réprimandes pour ses errements et le temps perdu, et ultimement le conduit à la béatitude. Il est avéré que Dante fut en contact avec la mystique soufie de l’Islam de son époque, qui célébrait l’aimée/l’âme à travers des poèmes. La tradition occidentale s’est approprié cette mystique sous forme de l’amour courtois, objet du groupe des Fidèles d’Amour auquel Dante a affirmé appartenir.

Les mondes de l’au-delà

La Divine Comédie se présente comme un périple imaginaire dans les trois mondes chrétiens de l’au-delà : l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis. Ce parcours symbolique oppose l’Enfer, creusé au fond de la Terre et peuplé de monstres et de souffrances cruelles, au Purgatoire, montagne ascensionnelle vers le Ciel et au Paradis, lieu idyllique et purement céleste. Chaque étape de ce périple est riche d’enseignements sociaux, moraux et spirituels, qui marquent d’une part les chemins de perdition de l’âme (Enfer) et d’autre part à travers ceux de la rédemption (Purgatoire) et de la béatitude (Paradis). Dante lui-même a expliqué que son œuvre se lisait à plusieurs sens, dont celui anagogique, c’est-à-dire d’élévation spirituelle de l’âme. 

Écrit à la première personne, ce périple se veut un témoignage, un exemple, une inspiration pour l’homme éternel qui cherche la complétude. Bien qu’il s’inscrive clairement dans un cadre théologique chrétien, le message de Dante est universel, car il parle de l’âme humaine et de ses vicissitudes tout autant que de ses aspirations et déploie les multiples clés de son accomplissement. C’est ce qui fait de Dante un géant atemporel à lire ou relire.

(1) Dante Alighieri, Divine Comédie, Les Éditions du Cerf, 2021, 587 pages, 29 €. Édition richement illustrée par Gustave Doré dont les gravures sont devenues presque indissociables du texte
(2) Parmi les traductions intéressantes :
– Dante Alighieri, Divine Comédie, traduction et interprétation par Danièle Robert, Éditions Actes Sud, 2021, 928 pages, 13,50 €
Une traduction toute en vers, prouesse incontestable qui rend la musique de l’œuvre, au détriment toutefois de certaines nuances
– Dante, Divine Comédie, traduction par Jacqueline Risset, Éditions Gallimard, 2004, 384 pages, 10 €
Une édition bilingue qui fait référence depuis des décennies. Une nouvelle traduction est attendue fin septembre

Par Isabelle OHMANN
directrice de Nouvelle Acropole Paris XV
Auteur de Dante et le périple initiatique de la Divine Comédie

À paraître                                                               

Dante et le voyage initiatique de la Divine Comédie
par Isabelle OHMANN
Éditions Maison de la Philosophie
Collection Petites conférences philosophiques, 2021, 88 pages, 8 €

La Divine Comédie est une des œuvres littéraires majeures de l’Occident. Récit fantasmagorique, poétique et visionnaire, elle décrit les étapes d’un voyage intérieur situé dans la géographie chrétienne de l’au-delà : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Elle s’inscrit dans la grande tradition des épopées initiatiques qui visent à la réalisation spirituelle de l’individu. Dante y emploie un langage codé pour nous délivrer les clés de la transmutation de l’être humain, reliant la symbolique des nombres de la tradition pythagoricienne, la mystique de l’amour courtois, l’ésotérisme soufi et la voie initiatique des Templiers. Elle est encore aujourd’hui porteuse d’un message universel pour tous ceux qui sont en quête de la sagesse.

© Nouvelle Acropole

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