Société

La Fontaine, pour mieux comprendre les fables de notre temps

À partir de juillet, les mesures de confinement s’estompent. Un bon nombre parmi nous partira en vacances pour s’aérer l’esprit. C’est un grand moment pour réussir un déconfinement intérieur. Pour ce faire, quoi de mieux que de revisiter les Fables de Jean de La Fontaine ?

Le 8 juillet, on célèbrera le quatrième centenaire de sa naissance à Château-Thierry. Jean de La Fontaine n’est pas seulement un auteur pour les enfants. C’est un ami qui nous veut du bien et nous éclaire sur les contradictions humaines : « Un manque de confiance en soi, parfois un aveuglement sur ses talents réels et pourtant une profonde ambition… Une inquiétude religieuse, un questionnement métaphysique, à plusieurs reprises au cours de sa vie, et, cependant, une adhésion aux philosophies matérialistes proches de l’athéisme des libertins. » (1) Les contradictions ne l’effrayent pas. Par la poésie, il parvient à les harmoniser.
Comme il le fait de manière joyeuse et naturelle, cela lui permet de ne pas se voiler la face et de nous réconcilier avec cette nature humaine si imparfaite, en nous conseillant, gentiment, de voir et d’accepter la réalité pour agir en conséquence.

Il est de grande actualité aujourd’hui, comme le confirment les dernières publications parues (2). Il nous met en garde sur la fascination de l’argent, comme dans Le savetier et le financier (VIII, 2) et nous parle de l’importance du travail dans Le laboureur et ses enfants (V, 9). Sa dénonciation de la tyrannie de l’avoir est constante (L’avare qui a perdu son trésor (IV, 20) ; La chauve-souris, le buisson et le canard (XII, 7).

C’est un conciliateur qui parvient à faire coïncider la morale païenne avec la sagesse judéo-chrétienne. Il sut manier avec naturel la langue de la Cour et celle du peuple et parler de philosophie avec des phrases toutes simples.

Comme le signale Marc Fumaroli (3) « la vie et l’œuvre de La Fontaine dessinent ce que pourrait être, ce qu’aurait pu être, une France alliant elle-même le génie privé de la liberté et une forme politique vivante, capable de la discipliner pour mieux l’approfondir. Aucun des régimes successifs de la France n’a su trouver ce secret de mesure (concilier liberté et discipline), dont La Fontaine et son œuvre sont le réceptacle. »
La Fontaine esquisse, en réalité, l’idéal dont l’inconscient français se réclame.

Cet idéal de vie heureuse se résume dans ses Fables dans l’idée de vivre en bonne amitié, qui résume la manière française. Il prône l’amitié inspirée de Platon et Aristote. Il nous explique que quand une société est reliée par l’amitié, il n’y a plus besoin de justice distributive. « Quand les hommes sont amis, il n’y a plus besoin de justice, tandis que s’ils se contentent d’être justes, ils ont en outre besoin d’amitié et la plus haute expression de la justice est, dans l’opinion générale, de la nature de l’amitié. » Ainsi, on sort du calcul et du monde des échanges pour accéder à celui de la compréhension individuelle et collective de ce qu’il faut, sans se cantonner simplement au devoir imposé.
Il aime tirer l’homme vers autre chose que ce dont il se croit capable, lui révéler quelque chose de grand où il se dépasse lui-même.

Pour La Fontaine, la politique décide et dessine ce qu’il faut. Cette idée de ce qu’il faut clôt le livre X avec la Fable Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de Roi (X, 15), tous les quatre échoués sur un lointain rivage. Ils se demandent comment survivre. Chacun s’exprime, voulant développer ses propres compétences et privilèges. « Le Pâtre fut d’avis qu’éloignant la pensée de leur aventure passée, chacun fit de son mieux et s’appliquât au soin de pourvoir au commun besoin. La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme ? Travaillons ! C’est de quoi nous mener jusqu’à Rome. Un Pâtre parler ainsi ! Ainsi parler ; croit-on que le Ciel n’ait donné qu’aux têtes couronnées de l’esprit et de la raison ? ».
Le conseil du pâtre est le bienvenu. Cessons de nous plaindre, acceptons nos réalités individuelles et collectives et réapprenons à travailler ensemble.

Passez un bel été en la bienveillante compagnie de l’ami des hommes.

(1) La Fontaine, Fables, présentation d’Alain-Marie Bassy, Éditions Flammarion, 2019, page 8
(2) Fables, Jean de La Fontaine, Édition Jean-Pierre Collinet, illustrée par Grandville, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2021, 1248 pages
(3) Le Poète et le Roi. Jean de La Fontaine en son siècle, Marc Fumaroli, Édition de Fallois, 1997, 638 pages
par Fernand SCHWARZ
Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole

 

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