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Société

La paix est en prison

« Une fureur inouïe soulève la cité, et, avant que l’animosité publique ait pu s’amortir, on traîne à la hâte des vaisseaux à la mer, des armées s’embarquent tumultueusement. Plus de formalités, plus d’auspices ; on se précipite, sans autre guide que le ressentiment ; on fait arme de tout ce que donne le hasard ou le pillage : transports téméraires qu’expient bientôt d’affreux désastres. » (1) 

Sénèque, dit Jules Evans (2) décrit à quel point une « folie au-delà des mots », s’empare parfois de certaines sociétés, les jetant dans des campagnes militaires périlleuses et mal conçues ou dans des comportements irrationnels et passionnels qui les mènent à leur perte. 
Ce qui nous semble s’installer aujourd’hui dans de nombreux pays du globe où les populations semblent d’abord réagir par l’irrationnel – source de toutes les passions – se résument finalement dans la colère, attirant un lot d’injustices et de violences, entraînant la régression des cultures et des civilisations humaines vers des instincts animaux. 
Comme l’avait déjà signalé le philosophe antique, ne pas tenir compte des passions humaines, des sentiments qui peuvent déterminer nos comportements et actions parfois sans que nous en soyons même conscients, est un danger majeur qui empêche de préserver la paix entre les êtres humains. 
Certains pensent aujourd’hui qu’exprimer la colère qui nous pousse vers la radicalité est le dernier recours pour obtenir gain de cause, même si pour cela il faut employer la violence et parfois la sauvagerie.

Il existe un moment tout au début d’une émotion, où nous avons encore le choix 

Sénèque le philosophe stoïcien se pose la question (3), lorsqu’il écrit à son frère colérique Novatus : « La colère est-elle gérable ? Pouvons-nous maîtriser nos passions ? Surgissent-elles sans aucun contrôle possible ? » Sénèque nous prouve qu’il existe un moment tout au début d’une émotion, où nous avons encore le choix. La colère vient d’un jugement que nous portons sur une situation décrite ainsi par le philosophe : « J’ai été blessé par quelqu’un ou quelque chose, et il est normal que je me venge. » Ce jugement devient une habitude, de sorte que nous finissons par oublier que c’est un jugement et pas un fait objectif. « Mais, si nous examinons notre âme, comme Socrate nous l’a appris, nous constaterons que ce sont les croyances qui créent les passions. Nous pouvons décider alors si nous acceptons ou non ces croyances. » (4) 

Nous avons par conséquent, la possibilité de nous libérer de choix néfastes, puisque, comme l’histoire nous l’a démontré, la vengeance et la violence n’apportent aucun remède aux maux que nous ressentons. 

Aujourd’hui, la paix est en prison. Le Prix Nobel de la Paix, Narges Mohammadi, croupit en prison. Cette journaliste iranienne de 51 ans, fut récompensée en octobre dernier « pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et la liberté pour tous. » Son courage est immense et il s’exprime sans rage, avec une détermination exemplaire de cette mère de jumeaux, vivant aujourd’hui à Paris avec leur père. « Elle mélange la foi dans la lutte et la foi dans la vie » comme l’exprime un sociologue iranien sous couvert d’’anonymat. 
Cicéron définit la paix par ces mots latins : pax est tranquilla libertas (la paix est la liberté tranquille) (5). Sans la paix, la vraie liberté est impossible.  Et c’est le grand danger d’aujourd’hui. 

Kant considéra que la paix entre les hommes n’était pas un état naturel, mais devait être instituée « parce que le manque d’hostilité ne signifie pas encore de la sécurité, et si la paix n’est pas garantie d’un voisin à un autre ou d’un État à un autre, celui-ci peut traiter comme ennemi celui qui réclame en vain cette garantie. » (6) 

Pour la nature humaine, œuvrer pour la paix est un enjeu fondamental qui permet à la civilisation d’exister. C’est par l’éducation parentale, scolaire et dans la rue, qu’elle doit être enseignée et garantie.
L’erreur actuelle, surtout en Occident, consiste en avoir oublié que chaque génération doit renouveler les acquis obtenus par la précédente dans ses efforts pour devenir plus humaine. Si l’effort se relâche, l’instinct revient au galop. 

Le tragique de l’histoire nous rappelle à l’ordre : nous devons cesser de donner des leçons et apprendre une bonne fois pour toute la leçon que la réalité nous renvoie. Libérons la paix de nos propres lâchetés. 

(1) Sénèque, De la providence ou pourquoi les gens de bien sont sujets au malheur, lorsqu’il existe une providenceLettres à Lucilius, traduction de Joseph Baillard, Independently published, 2022, 410 pages
(2) Jules Evans, La philo c’est la vie, Éditions Marabout, 2013, 320 pages
(3) Sénèque, De la colère, Éditions Payot et Rivages, 2014, 185 pages
(4) Jules Evans, La philo c’est la vie, Éditions Marabout, 2013, page 89
(5) Cicéron, Discours, Tome XIX Les Philippiques, I-IV, Éditions Les Belles Lettres, 2022, 320 pages
(6) Kant, Pour la paix perpétuelle, Éditions Le Livre de poche, 2002, 188 pages
Fernand SCHWARZ
Fondateur de nouvelle Acropole en France
 © Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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