« Prajñâ », la Sagesse supérieure
Dans l’enseignement du bouddhisme de « L’Octuple Sentier », après les exercices de la discipline mentale, nous sommes conduits à nous exercer à la sagesse « Prajna » qui se définit par la pensée juste et la compréhension juste.
Il s’agit d’un entraînement de l’esprit, pour dépasser la souffrance causée par nos désirs et nos projections.
Prajñâ est l’accès à la réalité ultime. Son développement augmente d’autant que l’attachement diminue. Elle est issue de l’écoute, de la réflexion personnelle et de la mise en pratique des enseignements. Elle consiste en pensée juste et compréhension juste.
Le mot prajña vient de la racine sanskrite jña, qui veut dire « connaître », renforcée par le préfixe d’insistance, pra. La Prajñâ est donc une connaissance suprême, c’est-à-dire la connaissance de la réalité, des choses telles qu’elles sont réellement, dans leur profondeur ultime, dans leur dimension transcendantale.
Elle permet une vision directe de la réalité, et en particulier des trois caractéristiques de l’existence : absence de soi, impermanence et souffrance.
S’effacer et se détacher
L’absence de soi commence par l’effacement de son égocentrisme, se retirer au-delà de ses propres références. Nous faisons partie d’un tout, et le « je » n’existe pas. Dans ce monde d’impermanence, où tout finit par disparaître, nous sommes appelés à nous oublier nous-mêmes, à ne pas nous occuper tant de notre ego. Car par cette loi d’impermanence, nous observons que tout a un début et une fin, rien ne dure éternellement et finalement tout passe. Le monde change en permanence. Sans cette prise de conscience, nous sommes conduits à la souffrance, car nous voulons toujours plus et nous sommes d’éternels insatisfaits. Le désir nous attache au désir.
L’existence est ainsi une invitation à l’entraînement du détachement. Ainsi détachement de soi, acceptation de l’impermanence et cessation de la souffrance, deviennent les graines de sagesse indispensables pour vivre notre existence.
Cette sagesse consiste donc à voir tout phénomène de l’existence au-delà du voile de représentations et d’illusions qui les couvre.
La compréhension juste
La compréhension juste c’est adopter le point de vue du Bouddha, qui lui, ne souffre plus. Elle commence par la compréhension des quatre Nobles Vérités de son enseignement. Notre manière de voir les choses est erronée et nous fait souffrir. Tous les phénomènes sont impermanence, insatisfaction, et n’existent pas en eux-mêmes ; ils sont conditionnés. Concrètement nous pouvons pratiquer cette compréhension juste en nous habituant au changement, à la vieillesse, à ce qui passe, et ne pas vouloir retenir les plaisirs.
Nous devons nous attendre à ce que les choses finissent, puisque nous allons mourir et perdre ce que nous possédons. L’entraînement à l’impermanence est quotidien. Comme le rappelaient les stoïciens : « Rappelle-toi que tu es mortel ».
Le terme « juste » nous signifie l’idée de justesse, l’attitude qui est en accord avec les choses. Or la pensée ordinaire fonctionne à partir de l’ego. La justesse c’est donc d’adopter le point de vue de Bouddha, qui a cette vision juste.
La véritable compréhension est profonde et s’appelle « pénétration ». Cette pénétration n’est possible que lorsque l’esprit est libéré de toute impureté et complètement développé par la discipline mentale.
La pensée juste
La pensée juste ou motivation juste combat le fait que les humains cherchent en permanence les plaisirs qui ne les satisfont pas pleinement. Cette motivation juste, c’est ne plus rechercher cette satisfaction et agir sans chercher à se satisfaire égoïstement.
Il nous faut nous repenser pour ne pas nous sentir le centre du monde. On se croit propriétaire de soi, de son corps, de ses pensées et l’attitude juste, c’est d’observer ses propres réactions, pour voir à quel point ce n’est pas moi qui suis au centre de cette réaction, ce n’est pas l’autre qui en est responsable, mais ce sont les circonstances, les conditions qui ont fait naître la colère en moi. Si une personne nous frappe avec un bâton, nous n’accusons pas le bâton de nous faire du mal, nous accusons la personne. Mais il faudrait aller plus loin et voir derrière la personne, la colère ou la haine qui tient la personne. Et c’est ainsi, toujours remonter aux causes des phénomènes, qui ne sont qu’apparences. Derrière chaque phénomène, il y a une cause à trouver. Cette compréhension juste des choses fait naître en nous la bienveillance et la compassion. C’est une forme de détachement des circonstances qui nous libère.
La pensée juste permet de ne pas disperser son énergie. Le monde dans lequel nous vivons est une errance. Nous avançons de manière égarée, d’une recherche d’un plaisir à l’autre. Or cette pratique de la pensée juste nous permet de rassembler notre énergie dans une seule direction qui est celle de l’éveil et de la compréhension.
L’intention juste
La pensée juste est aussi appelée « l’intention juste ». Une compréhension correcte de la vue juste aidera le pratiquant à discerner les différences entre la bonne intention et la mauvaise intention. La bonne intention est celle qui repose sur le renoncement, et un plus grand engagement en soi. Elle est discernement juste, dénué d’avidité, de haine et d’ignorance. Elle détermine nos actes et nos paroles ; elle les précède et les affecte.
En effet, tous nos conditionnements nourrissent généralement un instinct de conservation excessif. Nous nous protégeons derrière les histoires que nous nous racontons et auxquelles nous croyons. Ils influencent notre perception de la réalité. Nous en avons hérité de notre éducation et de nos expériences de vie. Or une pensée juste se débarrasse de ces conditionnements négatifs trop étroits.
Exercice philosophique :
Prenez 10 mn pour réfléchir à ces deux questions :
Quelle est la plus grande qualité de ma manière de penser ?
Quelle est sa plus grande faiblesse ?
Écoute musicale pour votre méditation :
G.F. Handel – Addio, mio caro bene – Jakub Józef Orliński & Natalia Kawałek – YouTube