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ÉducationSociété

Qui veut la peau de la méditation ?

Le 5 février dernier, le Figaro publiait à quelques pages d’écart deux articles intéressants, l’un sur « Les enfants, premières victimes de la surexposition aux écrans » et l’autre « Méditation de pleine conscience : Jean-Michel Blanquer dit non » (1).
Le premier nous expliquait les conséquences graves de la perte d’attention qui atteint déjà une grande partie de la population et le deuxième s’opposait à une des rares pratiques simples qui permet justement de redonner vie à notre attention.

Florent Souillot et Yves Marry, auteurs d’un livre choc La Guerre de l’Attention, Comment ne pas la perdre (2) et cofondateurs d’une association courageuse et créative Lève les yeux ! (3), nous parlent sans détour de cette nouvelle ressource juteuse pour les manipulateurs : l’attention. 
En effet, dans notre monde hautement numérisé, on se prépare à une nouvelle exploitation honteuse, aux effets très néfastes pour l’être humain. En 2019, on a constaté que les adultes passent dix heures par jour en moyenne devant un écran et les enfants de moins de 12 ans, entre trois et quatre heures. Et la crise du Covid n’a fait qu’aggraver cette tendance. En dix ans, le smartphone a fait doubler le temps passé devant un écran. « Il s’agit-là d’une rupture anthropologique et nous parlons de la naissance d’un nouvel homo numericus. » (4

La captologie ou les technologies de la manipulation

Tout ceci est savamment orchestré par les maîtres d’une Matrix bien réelle qui développent la captologie (Computers as Persuasive Technology) qui désigne les méthodes de manipulation de la technologie. Ainsi, de nombreuses applications permettent d’hameçonner l’utilisateur et l’arrimer dans la durée, pour le plus grand profit du réseau émetteur.

« Ces procédés sont créés par des équipes regroupant des développeurs, cogniciens, designers, dont l’objectif est de cibler nos biais cognitifs, nos faiblesses, pour stimuler ou inhiber nos différents régimes attentionnels. L’algorithme est constamment en évolution, capable de mesurer immédiatement son effet et de s’ajuster. Quelques personnes parmi les mieux payées dans les entreprises les plus riches de la planète peuvent désormais, grâce à la captologie, influencer en temps réel les actes de milliards d’autres. » (5)

L’homme diminué ?

Nous sommes passés de l’utopie de « l’homme augmenté » à la réalité de l’homme « diminué ». Ce qui se traduit chez les enfants par des retards de langage, baisse de la concentration, de la mémoire, de l’intelligence, du sommeil, hausse de l’obésité, de l’agressivité, du mal-être. Et ceci touche en priorité les milieux défavorisés moins aptes à contrôler ou discerner l’usage dangereux des technologies.
On peut, dans ce cadre, se demander si le projet de numérisation de l’école apporte réellement des avantages pédagogiques. « La numérisation de l’école grève les finances publiques, a un coût écologique massif et aggrave la surexposition aux écrans des jeunes. » (6)
En outre on constate que les tablettes fournies par l’école servent davantage à l’usage récréatif que pédagogique. « L’idée d’un numérique moteur d’une nouvelle pédagogie, personnalisée et adaptée à notre temps, est un mythe promu par des entreprises qui voient dans l’école une opportunité commerciale et se soucient peu de sa mission éducative. » (7)
Et si on revenait au contact humain, aux livres, aux cahiers (8) et à une bonne relation entre l’enseignant et ses élèves ?

La méditation pour développer l’attention

Parmi les pratiques utiles pour développer l’attention, des initiatives voient le jour, comme la musique dans les écoles avec laquelle on consolide également les liens de solidarité, l’écoute et l’attention, ou les ateliers de philosophie et pratique de l’attention promus par Frédéric Lenoir et son association SEVE (9).
Mais beaucoup se tournent vers la méditation, pratique ancestrale présente dans différentes traditions, connue pour sa capacité de centrage. Récemment, une tribune signée par un collectif de scientifiques a présenté les résultats des recherches opérées depuis plus de 30 ans sur pratiques de méditation de pleine conscience (10). 
Faisant l’objet de plus de 20.000 publications scientifiques, ces études montrent clairement les nombreux bénéfices de la méditation pour la santé mentale et le fonctionnement cognitif. Elles confirment les expériences réalisées dans des laboratoires américains avec les moines tibétains, dont Matthieu Ricard, qui ont prouvé que leurs états méditatifs modifiaient positivement le cerveau activant les zones de l’empathie, un mental plus clair, développant fortement l’attention et la mémoire. 

Santé mentale et apprentissage

On a constaté, par ces études et l’expérience sur plus de 20.000 élèves qui ont participé à des ateliers de pleine conscience « des effets bénéfiques sur la santé mentale des jeunes et des adultes : réduction des symptômes de stress, d’anxiété, de dépression et de l’épuisement professionnel des enseignants  » (11) ainsi que sur les performances cognitives et les processus qui orientent les comportements, les pensées et les émotions. Elles améliorent notamment la mémoire de travail, une fonction-clé des apprentissages. » (12)
Et de conclure : « Ainsi, les pratiques de pleine conscience peuvent représenter un intérêt dans le champ de l’éducation pour favoriser la santé mentale des jeunes et des adultes en milieu scolaire comme l’ont souligné la Haute Autorité de santé et le Haut Conseil de la santé publique. (13) À une époque où la capture de l’attention des jeunes par mille stimulations autour d’eux semble incessante, il serait dommage de priver les élèves de pratiques utiles pour leur parcours scolaire. » (14)

Qui veut la peau de la méditation ?

Malgré tous ces arguments probants et l’engagement de ces scientifiques, ce qui ressemble fort à une cabale a vu le jour. Orchestrée par une quinzaine de syndicats et d’associations – dont certaines anti-sectes – elle s’est attachée à dénigrer les ateliers de méditation de pleine conscience, traitant cette technique « de porteuse d’une pratique aux conséquences incertaines et potentiellement risquées sur le développement psychique des enfants » (15). Leurs arguments sont spécieux.

Brandissant l’épouvantail d’une laïcité menacée, ils étiquettent arbitrairement ces ateliers de méditation comme de « tendance bouddhiste». Ils balayent, sans aucun élément objectif, le fait que ces pratiques aient trouvé leur application dans le domaine de la psychologie et la psychiatrie tout à fait laïques à travers des médecins qui les ont utilisées avec succès dans le traitement des problématiques de stress, burn out et troubles comportementaux. Au contraire, l’inventeur de ces protocoles de méditation de pleine conscience, Jon Kabat-Zinn est présenté comme l’agent de dangereuses officines New Age, « matrice de nombreuses psycho sectes qui inondent la planète depuis les années 70 ». Ils en viennent donc à jeter la suspicion sur les intervenants, qualifiés sans distinction et avec mépris « d’adeptes » de cette pratique ou de « militants qui veulent mettre de la pleine conscience dans toutes les sphères de la vie » avec des accusations ad hominem contre, par exemple, le « médiatique psychiatre Christophe André » ou les associations œuvrant dans le domaine qui feraient nécessairement du « prosélytisme sournois vers le New Age, et le bouddhisme » (16). 
On reste confondu devant ces sophismes aussi subtils que celui qui affirme que parce que Hitler était végétarien, alors tous les végétariens sont nazis.
Le résultat immédiat fut pourtant que « le ministère de l’Éducation mit fin à la proposition d’expérimentation à grande échelle de la méditation de pleine conscience à l’école. » (17)

La liberté menacée

On ne sait pas ce qu’il faut déplorer le plus : le pouvoir de ces groupes de pression agressifs porteurs d’idéologies d’un autre âge ? La faiblesse des convictions et de l’appréciation des priorités des responsables de l’éducation des enfants, incapables de s’ouvrir à des techniques et des enseignements éprouvés depuis plus de deux mille ans et largement utilisés au bénéfice de tous dans nos sociétés modernes ? Ou, par-dessus tout, l’abandon des jeunes à la tyrannie des écrans, car le choix de l’Education nationale revient à cultiver l’homo numericus diminué.
Et pourtant ! Il est prioritaire est de repenser la liberté de choix de l’être humain, pour qu’il puisse s’orienter dans un monde incertain et construire demain. Mais pour bien penser et bien choisir, faut-il encore récupérer sa concentration, son attention et sa lucidité mentale.

Que choisir, la pilule rouge ou la pilule bleue ? les voies qui font grandir l’homme global dans une humanité réconcilié ou celles de l’homme craintif et dépendant dans une humanité déchirée.

(1) Les enfants, premières victimes de la surexposition aux écrans, Eugénie Bastié, paru dans Le Figaro, 5 février 2022 et La méditation de pleine conscience Jean-Michel Blanquer dit non, Caroline Beyer, paru dans Le Figaro, 5 février 202
(2) Paru aux Éditions L’Echappée en 2022
(3) Voir sur Internet :  https://www.levelesyeux.com/collectif/qui-sommes-nous/
(4 à 7) Extraits de Les enfants, premières victimes de la surexposition aux écrans, Eugénie Bastié, paru dans Le Figaro, 5 février 2022
(8) On sait qu’on retient mieux les leçons écrites à la main, connectée avec le cerveau, que ce qu’on écrit ou lit sur un écran
(9) SEVE https://asso.seve.org/ à l’initiative de Frederic Lenoir
(10 à 12) Extraits de l’Article, La méditation de pleine conscience est très loin des images ésotériques et des odeurs d’encens, paru dans Le Monde du 02 Février 2022 
(13) Extrait d’un rapport sur la prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel publié en mars 2017 et dans un avis relatif à l’impact du Covid-19 rendu en juillet 2021
(14) Extrait de Les enfants, premières victimes de la surexposition aux écrans, Eugénie Bastié, paru dans Le Figaro, 5 février 2022
(15) Émission Ateliers de méditation de pleine conscience à l’école : 5 points pour tout comprendre sur la polémique, Sidonie Canetto, diffusée sur France 3 régions, 20 janvier 2022
(16 et 17) Extraits de Les enfants, premières victimes de la surexposition aux écrans, Eugénie Bastié, paru dans Le Figaro, 5 février 2022
(18) La méditation de pleine conscience Jean-Michel Blanquer dit non, Caroline Beyer, paru dans Le Figaro, 5 février 202
par Laura WINCKLER
Co-fondatrice de Nouvelle Acropole France
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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