Rencontre avec James Becht, libraire, éditeur et docteur en philosophie. Une aventure humaine et philosophique en milieu rural

Jankélévitch
« On peut vivre sans philosophie, mais on vit moins bien ! »
James Becht (1) a ouvert la librairie « Convergences » à Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe, village de l’Orne. Un lieu de rencontre et de réflexion autour de la philosophie.
La librairie est située au cœur d’un bourg rural. Elle se nomme Convergences, un nom bien trouvé à deux titres. D’abord parce qu’elle est installée à l’intersection de deux routes départementales bien fréquentées. Ensuite parce que la librairie propose un grand éclectisme et elle est un lieu où se croisent des gens très différents. C’est un lieu qui vend des livres mais également un espace de rencontre et de réflexion.
Entre les livres, le bon café, le thé parfumé, les petits plats succulents et les petites douceurs, James et sa femme Charlotte ont su créer un véritable lieu de vie très accueillant pour le village et ses alentours.
James et Charlotte y animent aussi un café philo, une maison d’édition, une galerie d’art et un salon de thé.
La revue Acropolis est allée à la rencontre de James Becht pour découvrir cette aventure originale qui a commencé fin 2023.
Revue Acropolis : Comment est née cette aventure philosophique ? Pourquoi un tel projet ?
James Becht : Lorsque j’étais lycéen à Paris, je travaillais avec un bouquiniste. J’ai ensuite étudié la sociologie et la philosophie, jusqu’à l’obtention d’un doctorat. Sur le plan professionnel, j’ai été libraire à Paris. Par la suite, après le décès des responsables, j’ai travaillé dans la cybersécurité. Et, il y a dix ans, nous nous sommes installés avec nos enfants dans l’Orne. Le projet de tenir une librairie dans notre village s’est concrétisé il y a un peu moins de deux ans.
Revue Acropolis : La devise du lieu, dites-vous c’est : « Les gens pensent ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
J.B. : Ce qui me semble essentiel c’est d’accompagner chacun pour ouvrir la possibilité d’exprimer une pensée. Tout le monde a capacité à penser, d’où notre devise : « les gens pensent ». La philosophie est avant tout un exercice qui se pratique au quotidien. Elle n’est pas une discipline universitaire, ni un bavardage superficiel. Ici, i n’y pas de « prêt-à-penser ». Dans nos cafés philo, il y a la tentative d’une expérience de pensée, avec quelques exigences pour en assurer le déroulement.
Revue A. : La librairie avec le salon de thé est ouverte tous les jours, même le dimanche ?
J.B. : Jusqu’à récemment, la librairie était en effet ouverte tous les jours de 9h à 19h (sauf le dimanche jusqu’à 17h). Nous avons décidé de fermer le lundi et le jeudi, non pas faute d’affluence, mais tout simplement pour redonner plus de place à notre vie familiale. Ceci étant dit, à la campagne, les gens viennent de loin et ont l’habitude de se déplacer. Assurer une forte présence est essentiel, ne serait-ce qu’au niveau du service proposé. Nous prévoyons d’ailleurs d’ouvrir à nouveau les lundis et jeudis, une fois que nous nous serons réorganisés pour cela. Cela signifie une présence et une disponibilité très importantes que nous assurons, Charlotte et moi.
Revue A. : Qui sont vos clients ?
J.B. : La campagne, contrairement à de nombreux préjugés, n’est pas un désert culturel et il n’est pas vain d’y proposer des activités. Dès le début, l’accueil de la population a été enthousiaste. Entre un tiers et la moitié de nos clients sont des urbains qui ont des maisons secondaires, ou qui sont en train de se sédentariser ici. Il y a aussi une clientèle de passage, car nous sommes situés sur un axe routier assez important. Et puis, les habitants de longue date viennent aussi. Pour ce qui est des nouveaux arrivants, dont la plupart viennent de Paris ou de la région parisienne, ils demandent à trouver ici un petit peu de ce qu’ils ont laissé derrière eux. C’est ce que nous faisons à notre humble échelle, comme d’autres commerces du village. C’est essentiel.
Revue A. : Avez-vous constaté un besoin de culture en milieu rural ?
J.B. : Après un an et demi d’activité, on peut affirmer que des lieux comme le nôtre répondent à un réel besoin de la population. Il y a une forte demande d’offre culturelle. La réflexion, la pensée, la création doivent être valorisées dans notre territoire. L’absence d’offre culturelle rendrait les gens plus vulnérables. Bien sûr, il y a toujours des habitants qui hésitent à pousser la porte d’une librairie, qui n’osent pas, car ils s’imaginent que ce n’est pas pour eux. Nous sommes aussi là pour leur démontrer le contraire, en étant toujours attentifs à leurs besoins et à leurs demandes.
Revue A. : Comment choisissez-vous les livres de votre librairie ?
J.B. : Chaque rayon est approvisionné avec soin. Nous sommes une librairie de fond. Chaque rayon est traité comme une librairie spécialisée en miniature, avec un choix éditorial précis. Nous couvrons les mêmes thématiques que toute librairie généraliste : littérature générale et littérature de l’imaginaire, jeunesse, sciences humaines, histoire, critique sociale, bandes dessinées (européenne, manga, comics…), nature et écologie, philosophie, spiritualité, arts, poésie, cuisine, jardins… sans oublier un considérable rayon équestre, qui est l’une de nos spécialités. Nous avons fait le choix d’un éclectisme qui nous correspond dans le choix des thèmes et des auteurs.
Revue A. : Vous organisez de nombreux événements culturels variés. Que pouvez-vous en dire ?
J.B. : La librairie propose de nombreux événements : des cafés philo, qui ont lieu tous les samedis à 11h, un café théologie, qui a lieu un mercredi matin sur deux. Un espace exposition a également été ouvert à l’étage. Et il y a aussi des activités à thème : soirée littérature, soirées contes, animations autour du cheval et de l’équitation.
Revue A. : Quel est votre bilan après un an et demi d’activité ?
J.B. : Je constate que nous répondons à une réelle attente et cela nous encourage à poursuivre. Je dirais qu’il y a beaucoup de gens différents aux idées différentes. On n’a pas besoin de penser pareil pour vivre ensemble. Et réaliser cela, c’est une vraie richesse. Nous sommes un lieu-ressource dans le village, et jusqu’à 30-40 kilomètres alentours. Nous en sommes très heureux.
Revue A. : Nous vous souhaitons une bonne continuation pour votre projet si humain et chaleureux. Et que vivent la culture et la philosophie !




