Philosophie

Dans des temps instables, pensons notre avenir avec philosophie

Nous avons vécu cet été une situation de chaos planétaire qui semble s’accélérer. La planète a été secouée par des incendies, des inondations extrêmes et des tremblements de terre. L’effondrement de l’Afghanistan initie une nouvelle époque géopolitique remplie d’incertitudes.  Quant à la pandémie, qu’on pensait plus ou moins régulée avant l’été, elle nous file entre les doigts, provoquant des réactions parfois irrationnelles. 

Comme le signale l’éditorialiste Jacques Julliard : « Il y a en France deux sortes d’urgences : dans les phénomènes naturels, la lutte contre le réchauffement climatique ; dans les phénomènes cognitifs, la lutte contre la glaciation intellectuelle. » (1) 
Il est clair que nous avons besoin davantage de résilience que de résistance, davantage besoin d’apprendre à agir pour que d’agir contre. En clair, pour sortir du chaos, au lieu de voir ce qui est négatif, voyons ce qui est positif et ce que nous pouvons construire avec les moyens que nous possédons. 

En nourrissant le ressenti de la frustration, de la peur, de l’anxiété et en recherchant des réponses rapides et simples qui excluent la dimension de la complexité, nous ne visons pas à obtenir une vision d’ensemble au quotidien mais à nous conforter dans nos croyances ou nos opinions. Or, sans une compréhension juste de la réalité, il est toujours difficile d’agir sur elle.

Le professeur d’économie Jeremy Ghez tente d’apporter une réponse à notre difficulté à rechercher véritablement une vision d’ensemble dans notre quotidien. Il constate que nous sommes devenus de plus en plus dogmatiques et qu’il est devenu extrêmement difficile de changer d’avis à notre époque. En même temps, Internet offre des visions de plus en plus fragmentées et les réseaux sociaux sont devenus une caisse de résonnance où, loin de nous exposer à des points de vue différents, ils nous présentent de manière quasi exclusive des raisons de continuer à croire en nos convictions profondes. (2) Un tribalisme s’installe, empêchant une vision d’ensemble. 

Richard Baldwin, professeur à Genève, nous explique que nous avons tendance à sous-estimer radicalement les phénomènes exponentiels à leur début, et à les surestimer radicalement par la suite. 

La théorie du chaos de Lorenz/Prigogine peut nous éclairer. Le chaos n’est jamais seulement chaotique, mais il porte en lui en gestation, un nouvel ordre non prévisible, en rupture avec le passé et le présent. La Grande Vague du peintre japonais Hokusai peut nous inspirer dans notre lecture de l’ère que nous traversons. D’une part, par le sentiment d’impuissance face à un phénomène naturel devant lequel on se sent démuni : la vague s’apprête à engloutir de frêles barques qui l’approchent. En même temps, ce chef d’œuvre de l’art traditionnel de l’estampe japonaise, qui a su intégrer des techniques européennes, exprime un sentiment de maîtrise. En arrière-plan, derrière le chaos de la vague et comme porté par les flots, le mont Fuji, symbole pour le Japon de ses racines inamovibles, nous invite à entrevoir des temps d’avenir plus stables. Malgré l’impressionnante fureur de la vague, la vision du mont Fuji nous rassure. Il symbolise le nouvel ordre à naître au milieu du chaos.  
Donc, nous sommes en présence d’un chaos générateur, créatif, qui essaie de répondre aux causes de notre maltraitance de la Terre, de l’humanité et de nous-mêmes. 

En ce moment d’extrême tension et d’incertitude, nous sommes invités à une véritable conversion intérieure.
L’unique arme dont nous disposons aujourd’hui pour dégeler les cœurs et les cerveaux est l’éducation. Mais, comme le dit le grand éducateur espagnol, Antonio Marina, ce n’est pas n’importe quelle éducation. Il s’agit de l’éducation de l’être. C’est par là que nous récupérons notre enthousiasme, notre capacité d’apprendre à découvrir les possibilités poétiques de la réalité ; c’est-à-dire, une clé pour vivre, appréhender la réalité d’une autre manière. 
Pour lui, l’intelligence sert à connaître la réalité et à en découvrir les nombreuses possibilités. De là dit-il, procède la joie, la possibilité de rester ouvert et de faire face à ce qui est étroitesse et angoisse.

L’apprentissage essentiel n’est pas d’ordre cognitif. Il consiste à apprendre à ajuster le tempérament à l’environnement, à garder la maîtrise de soi et à développer sa force intérieure sur laquelle on pourra toujours s’appuyer pour faire face aux difficultés. 

Que cette rentrée nous inspire un retour vers l’intériorité pour agir avec détermination et bienveillance envers nos semblables.

(1) Article Au pays de Descartes et du Père Ubu, paru dans Le Figaro, 16 août 2021
(2) Article La grande vague d’Hokusai, une image pour penser notre avenir, paru dans The Conversation, 12 août 2021
par Fernand Schwarz
Fondateur de Nouvelle Acropole France
© Nouvelle Acropole

Par Fernand Schwarz
Fondateur de Nouvelle Acropole France

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