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Découverte de traces d’ « Homo sapiens » dans la grotte de Mandrin, il y a 54 000 ans

Stupeur dans le monde archéologique ! La grotte Mandrin dévoile de nouveaux secrets à propos de l’« Homo sapiens » et fait reculer son arrivée en Europe occidentale à 54.000 ans avant l’ère chrétienne et confirmerait ses échanges avec Néandertal.

L’intérêt archéologique de la Grotte Mandrin est né dans les années 1960, lorsque Gaston Etienne y découvre des traces humaines datant de l’âge de Bronze. Dès 1991, elle fait l’objet de fouilles programmées.
Située à une dizaine de kilomètres au sud de Montélimar (Drôme), la grotte Mandrin recèlerait la preuve que l’homme de Néandertal et l’homme moderne (Homo sapiens) auraient successivement habité la même caverne, dans un intervalle d’à peine une année.
Cet abri sous roche est situé à environ 2,5 kilomètres au sud-est du centre-ville de Malataverne, au pied d’un rocher calcaire, à 245 mètres d’altitude, sur la rive gauche du Rhône. L’ouverture d’environ 12 mètres de large est orientée au nord. Le plafond de la grotte atteint une hauteur de 2,5 mètres dans la zone d’entrée puis se réduit à 1 mètre vers le fond de la cavité. La surface est d’environ 25 m².

Découverte d’une dent de lait

Hormis les 70 000 vestiges de faune (cheval, cerf ou bison), la preuve irréfutable de la présence de l’homme moderne est une dent de lait, d’un petit sapiens de 2 à 6 ans. À Mandrin, les chercheurs ont trouvé 9 dents à divers endroits. Grâce à un scanner à très haute résolution, il a été déterminé que la dent de lait trouvée dans la couche « E » est la seule dent d’homme moderne trouvée à cet endroit. La communauté des préhistoriens et paléoanthropologues, commente largement cette découverte qui bouleverse bien des présupposés. « On a très, très peu de données des restes humains d’Homo sapiens antérieurs à 40 000 ans. De manière relativement sûre, pour toute l’Europe continentale, en 150 ans d’archéologie, on n’a trouvé que cinq dents, ça fait très peu et c’est la sixième, donc, que l’on apporte dans notre étude » explique Ludovic Slimak, spécialiste des sociétés néandertaliennes au CNRS, en charge du programme de recherche de la Grotte Mandrin depuis 1998.
Pour Ludovic Slimak, de nombreux et fascinants mystères restent à élucider : quels étaient les comportements de Néandertal, ses modes de production ? Son rapport au monde était-il similaire à celui d’Homo Sapiens, dont le passage par la grotte Mandrin a été identifié jusqu’à il y a 42.000 ans (soit 6.000 ans avant l’arrivée dans la grotte de Chauvet) ? Y a-t-il eu – et comment – interaction entre les deux espèces ?

« Homo sapiens » à Mandrin… il y a 54.000 ans 

D’abord, notre ancêtre aurait mis pour la première fois les pieds dans la grotte Mandrin 54.000 ans avant notre ère : c’est 10.000 ans plus tôt que ne l’avait établi l’anthropologie jusqu’ici. Ludovic Slimak estime possible « qu’une communauté sapiens probablement venue du Levant » ait fait une incursion dans la vallée du Rhône ». Mais le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin, quant à lui, estime que cette hypothèse reste à confirmer.
Pour déduire avec une telle précision chronologique la présence d’Homo sapiens dans la grotte Mandrin, les chercheurs se sont largement appuyés sur des outils retrouvés dans les sédiments. Tous font partie d’une technologie nommée le Néronien, avec des lames et des pointes très fines, d’une complexité dont Néandertal était incapable. Or cette technique avancée n’a jusqu’ici été retrouvée que dans des fouilles menées au Liban, à 3.000 kilomètres de la vallée du Rhône. La similarité entre les techniques utilisées fait supposer que Mandrin est le premier site répertoriant Homo sapiens en Europe.
« La paléogénétique nous dit qu’il y a des hybridations », poursuit Clément Zanolli, « et nous possédons nous-mêmes de l’ADN de Néandertal ». C’est donc bien qu’il y a eu contact entre les deux populations et pas seulement pour s’entretuer. La grotte Mandrin et ses alentours pourraient donc bien être l’un des lieux de cette rencontre, une première en Europe. L’explication commune est le changement climatique. Les climats en Europe et en Asie étaient instables, il y avait de constantes variations extrêmes de température.
Chris Stringer, directeur de recherche sur l’évolution humaine au musée d’Histoire naturelle de Londres, a étudié la découverte de l’équipe toulousaine : « Ce que cette découverte montre, c’est que la disparition de Néandertal s’est faite sur le long terme, avec de nombreux flux et reflux des populations. Et il y a cette dispersion précoce des humains modernes dont nous ne savions rien, qui avaient des outils en pierre très distinctifs que nous appelons l’industrie néronienne ». La compréhension des coexistences ou alternances des deux espèces est indispensable pour expliquer « pourquoi nous sommes devenus la seule espèce humaine restante » précise Ludovic Slimak.

L’histoire de l’Homo sapiens en Europe serait-elle à réécrire ? 

Lire sur Internet
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/carbone-14-le-magazine-de-l-archeologie/il-y-a-54-000-ans-l-arrivee-d-homo-sapiens-en-france-la-grotte-mandrin-drome-8411930
https://www.dailymotion.com/video/x87tcpl
https://information.tv5monde.com/video/science-une-dent-de-lait-bouleverse-ce-qu-croyait-savoir-sur-homo-sapiens
https://malataverne.fr/la-grotte-mandrin/

Par Michèle MORIZE
Formatrice de Nouvelle Acropole Paris V

© Nouvelle Acropole

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La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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