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Philosophie

La grande extinction du Bouddha, la mort de Sariputta

Ce texte extrait de « Vie et Enseignements du Bouddha », évoque la mort du Bouddha et les derniers enseignements qu’il a transmis à ses disciples.

Pendant son séjour à Vesali, durant sa quarante-cinquième retraite depuis son Éveil, le Bouddha tomba gravement malade. Le voyant ainsi, le vénérable Ananda, l’un de ses plus proches et fidèles disciples, avoua au Maître qu’il ne pouvait pas les quitter car il n’avait pas encore dicté son ultime testament.
Le Maître répondit :
« Ananda, qu’attendez-vous encore de moi, vous et la sangha (1) ? J’ai enseigné le dharma (2), dans sa plénitude et dans sa profondeur. Pensez-vous que j’aie occulté quoi que ce soit ? Ananda, le refuge le plus sûr est la pratique de l’enseignement. N’essayez pas d’en trouver un hors de vous-même. Vivez en accord avec l’enseignement. Chaque personne devrait être, intérieurement, semblable à une lampe rayonnante ou à une île inébranlable. Le Bouddha, le dharma et la sangha sont présents en chacun. […] Nul ne peut nous enlever ces trois refuges. […] Ils sont la vraie demeure. […] Personne, même un grand maître, ne pourra jamais être un refuge plus stable que votre propre île de Pleine Conscience (3), les Trois Joyaux (4) qui sont en vous. » (5)
À la fin de la retraite, le Bouddha était quasiment rétabli.

Un matin, le novice Cunda informa Ananda que le vénérable Sariputta, dont il était l’assistant, venait de mourir à Nala. Informé, le Bouddha resta silencieux. Lorsque Ananda lui exprima sa tristesse, le Bouddha le regarda et lui dit :
« Ananda, votre frère a-t-il emporté avec lui vos préceptes, votre concentration, votre compréhension et votre Libération (6) ? […] Vous devez transcender le monde de la naissance et de la mort, de l’apparition et de la dissolution. Sariputta était une énorme branche qui a accompli son devoir en aidant à nourrir le tronc solide de l’arbre. Cette branche est toujours présente sur le tronc qu’est la communauté des bhikkhus (7) pratiquant le dharma de l’Illumination. […] Observez, Ananda, et vous verrez Sariputta partout. Ne pensez pas qu’il n’est plus parmi nous. Il est là et le sera toujours. […] Sariputta était un bodhisattva (8), une personne illuminée usant de sa compréhension et de son amour pour mener tous les êtres vers la rive de l’Illumination […]. Ananda, si les générations futures continuent à étudier et à pratiquer le Chemin de la Libération, des bodhisattvas apparaîtront à nouveau en ce monde.» (9)

La préparation du Bouddha pour le grand départ

Le Bouddha, accompagné d’Ananda, poursuivit sa route jusqu’au temple de Capala. Il s’y installa. Alors qu’Ananda faisait une marche méditative, cheminant paisiblement, il sentit la terre trembler sous ses pieds. Son corps et son esprit se mirent à vibrer. Lorsqu’il fut de retour au temple, l’Éveillé lui annonça : « Le Tathagata (10) a pris sa décision. Dans trois mois, il ne sera plus ».
Il fit convoquer tous les disciples de la région dans la forêt de Kutagara et leur annonça sa décision :
« Bhikkhus et bhikkhunis ! Vous devez étudier, observer, pratiquer et vérifier par vous-mêmes tout ce que le Tathagata vous a transmis, avec attention et intelligence, afin de le partager avec les futures générations. Le vécu et la pratique de la Voie doivent continuer à assurer la paix, la joie et le bonheur de tous les êtres. » (11)
Tel le roi éléphant retournant vers sa terre natale quand il sait son heure venue, l’Éveillé se dirigea vers le nord durant les ultimes journées de sa vie. Kusinagara fut sa dernière destination. Arrivés dans la forêt d’arbres sala, appartenant au peuple Malla, Ananda lui prépara une place entre deux arbres. Le Bouddha s’y allongea sur le côté droit, la tête au nord. Tous les bhikkhus s’assirent autour de lui, conscients de son passage imminent dans le nirvana, cette nuit-là.

Le Bouddha était émerveillé par les fleurs rouges qui couvraient les arbres alors que le printemps n’était pas encore arrivé. Des pétales tombaient sur la robe du Maître et sur les disciples, tandis que le soleil couchant embrasait la forêt. Il dit à ses disciples : « Moines, si vous voulez m’être agréables et exprimer votre gratitude et votre respect envers le Tathagata, vous ne le pouvez qu’en incarnant l’enseignement. » (12)
Ananda se tenait debout, caché derrière un arbre, pour pleurer. Le Maître lui dit : « Votre mérite est grand, mais vous pouvez encore progresser. Avec un petit travail supplémentaire, vous vaincrez la naissance et la mort, atteindrez la Libération et transcenderez votre peine. Vous en êtes capable. Rien ne me rendrait plus heureux.» (13)

L’instant du grand départ

Quand le peuple de Malla apprit que le Bouddha s’apprêtait à quitter le monde, ils vinrent lui rendre un dernier hommage. Il livra son dernier enseignement : « Bhikkhus, soyez vigilants dans vos efforts pour atteindre la Libération ! » (14) Il ferma les yeux. La terre trembla. Les fleurs sala tombèrent en pluie. Chacun sentit son esprit et son corps trembler et sut que le Bouddha était entré dans le paranirvana, l’extinction suprême du nirvana final.
Quelques bhikkhus exprimèrent dramatiquement leurs lamentations. Le vénérable Anuruddha les apaisa, les invitant à se rasseoir, à suivre leur respiration et à demeurer en silence. Il fit réciter des sutras (15) connus de tous sur l’impermanence, la vacuité du soi, le non-attachement et la Libération. Une digne sérénité gagna le groupe.
Les Malla allumèrent des torches. Les vibrations des chants se répercutaient dans la nuit sombre tandis que chacun concentrait sa Pleine Conscience sur les enseignements. Tout au long de la nuit, les disciples plus proches prirent la parole. Les cinq cents bhikkhus et les trois cents disciples laïcs écoutaient avec attention. Ainsi, jusqu’au bout de la nuit.

À l’aube, tout le peuple apprit la nouvelle et la population se rendit en masse dans la forêt, les bras chargés d’offrandes de fleurs et d’encens. Pendant six jours et sept nuits, les offrandes continuèrent ainsi que les danses et la musique. On célébra des obsèques royales. Son corps fut enveloppé de plusieurs vêtements et placé dans un cercueil en fer inséré dans un autre plus grand. On le déposa sur un grand bûcher funéraire de bois odorant. Le bûcher fut allumé, on sonna la cloche et l’on récita des versets sur l’impermanence, la vacuité du soi, le non-attachement et la Libération. Les chants s’élevaient.

Quand le feu s’éteignit, on répandit du parfum sur les cendres et l’on plaça les reliques du Bouddha dans une jarre en or, disposée sur l’autel principal du temple. Les disciples plus avancés les veillèrent. Ayant reçu la visite des délégations des royaumes voisins, on offrit à chacune d’elles des reliques du Bouddha pour les mettre dans les stupas (16).
Après ces cérémonies, les bhikkhus reprirent la route de leurs centres respectifs pour pratiquer et enseigner.
Le Bouddha avait été la graine du puissant arbre de la bodhi (17) qui avait germé et donné de solides racines implantées fermement dans le sol. Peut-être, devant l’arbre, les gens ne distinguaient-ils plus la graine ? Mais elle n’avait pas disparu. Elle était devenue l’arbre. L’Éveillé avait changé de forme mais il était toujours présent. Aussi longtemps que le dharma et la sangha resteraient forts, le Bouddha rayonnerait de sa présence.

(1 ) « Assemblée », communauté de pratique bouddhiste composée des moines, des moniales et des novices
(2) Littéralement « loi », la Voie de la compréhension et de l’amour enseignée par le Bouddha ; loi morale juste, lorsque le Bouddha délivre son premier enseignement, il met en mouvement la roue du dharma
(3) L’énergie d’être ici et pleinement attentif à ce qui se passe dans le moment présent, conscient de ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur
(4 ) (Triratna en sanscrit), le Bouddha, le dharma et la sangha. On parle aussi des Trois Trésors et des Trois Refuges
(5) Sur les traces de Siddharta, Thich Nhat Hanh, Éditions J.-C. Lattès, Pocket, 1996, pages 478 et 479
(6) Voir nirvana : extinction des idées, des concepts et de la souffrance basée sur des idées et des concepts ; la dimension ultime de la réalité, la Vérité absolue
(7) Moine, mendiant, membre masculin de la sangha ayant abandonné sa maison et reçu l’ordination. L’activité principale du bhikkhu est la méditation et l’enseignement de la doctrine. Il n’a pas le droit de travailler
(8) Disciple ayant fait le grand vœu d’aider tous les êtres à se libérer de l’ignorance, sans peur de la souffrance ni de l’adversité
(9) Sur les traces de Siddharta, Thich Nhat Hanh, Éditions J.-C. Lattès, Pocket, 1996, pages 479 et 480
(10) « Celui qui a trouvé la Vérité » ou « celui qui vint ». Terme désignant un être parvenu à l’Illumination suprême sur la Voie de la Vérité. Un des titres du Bouddha dont il se servait en parlant de lui-même ou des autres bouddhas
(11) Ibidem, Sur les traces de Siddharta, Thich Nhat Hanh, Éditions J.-C. Lattès, Pocket, 1996, page 482
(12) Ibidem, page 485
(13) Ibidem, page 486
(14) Ibidem, age. 488
(15) Littéralement « fil ». Récit écrit, notamment un texte attribué selon la tradition à un discours du Bouddha ou de l’un de ses disciples
(16) Monument symbolisant l’Éveil, utilisé parfois comme monument funéraire
(17) (Arbre de la bodhi) : arbre de l’éveil, un figuier pipal,.
Texte extrait de Vie et Enseignements du Bouddha, par Jorge A. Livraga et Laura Winckler, Éditions Nouvelle Acropole, 2005, 112 pages, 6 €
par Laura WINCKLER

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