Société

L’Afrique, épicentre des enjeux géopolitiques du XXIe siècle entre la Chine et les États-Unis

Depuis quelques années, le continent africain est convoité par les deux grandes puissances, les États-Unis et la Chine, qui exercent un mode d’influence différent. Qui remportera la bataille ?

Depuis quelques années, le continent africain est convoité par la Chine et les Étas-unis qui rivalisent dans les relations commerciales avec les pays de ce continent.
Depuis quelques années, le continent africain est convoité par la Chine et les Étas-unis qui rivalisent dans les relations commerciales avec les pays de ce continent.

Depuis le début du XXIe siècle, la Chine exerce une influence très importante en Afrique, notamment dans la partie subsaharienne (1). En douze ans, elle a multiplié par quinze le commerce et les financements avec l’Afrique et construit une grande partie du réseau des infrastructures du continent.

 La Pax americana dans le Tiers monde

 À la fin de la seconde guerre mondiale, un tiers de la population mondiale fut sous le contrôle de la Pax americana (2) et cette tendance s’accentua après l’effondrement du Mur de Berlin en 1989 qui engendra la chute de l’hégémonie communiste.

En 2008, la crise financière traumatisante marqua un tournant dans l’influence américaine. En effet, le «hard power» (2) américain reste incontestable, mais les Etats-Unis parviennent difficilement à redresser l’économie sur une base durable (soft power) (2). Ceci n’est-il pas la conséquence d’une corruption d’un pouvoir absolu ?

Ainsi, l’Histoire démontre que le pouvoir incontesté, mû par l’égoïsme humain, nuit aux valeurs morales. Si l’on rajoute à cela le désengagement du citadin moderne et la paralysie de la démocratie face à l’adversité, nous découvrons ainsi les causes principales de la faillite morale et la banqueroute de l’Occident (3). En vérité, le monde n’a plus de leader (4).

L’enjeu géopolitique du XXIe siècle en Afrique appartiendra à la puissance qui réussira à trouver la forme adéquate d’une co-évolution de pax sino-americana pacifique dans ce continent. Elle devra tout d’abord trouver un compromis entre deux visions du monde très différentes : celle d’un capitalisme démocratique-libéral et celle d’un captalisme d’État autoritaire. Le défi principal est que chacun assume ses valeurs nationales d’être unique et d’un genre auquel les autres peuples aspirent naturellement (5).

Cependant, la prédisposition des États-Unis est celle d’être missionnaire. Ils ont l’obligation de diffuser leurs valeurs universelles (démocratie et liberté) à toutes les parties du globe et en toutes circonstances. En revanche, la prédisposition de la Chine est l’influence culturelle. Elle ne fait pas de prosélytisme, n’a aucune prétention d’imposer la pertinence de ses institutions aux autres pays. Ainsi, le premier mobile de l’intervention de la Chine en Afrique est la sécurité d’approvisionnement des matières premières et de l’énergie. Or, un conflit idéologique entre le capitalisme d’État et le capitalisme ultra-libéral semble probable face aux liens sino-africains qui deviennent de plus en plus étroits.

Les États-Unis en Afrique, libre-échange et subventions

Depuis plus de soixante ans, les alliés essentiels des États-Unis sont l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Israël, la Corée du Sud et le Mexique (6). Ainsi, la priorité de sortir les états africains sub-sahariens de leur pauvreté était, jusqu’à aujourd’hui, faible. De ce fait, l’aide envoyée à l’Afrique était plutôt politique ou militaire.

En 2000, les États-Unis changèrent leur politique en permettant à une sélection d’exportations en provenance des états africains subsahariens d’entrer librement sur le marché américain, pour inciter la croissance économique de l’A.G.O.A (2). Ensuite, pour favoriser une meilleure aide humanitaire, combattre la corruption et développer les droits de l’homme et la démocratie, le Millenium Challenge Accounts (M.C.A.) fut introduit en 2004 (2).

Depuis 2004, un budget annuel d’environ six cents millions de dollars a été attribué à vingt-cinq pays. Parmi eux, douze états font partie de l’Afrique sub-saharienne et en 2012 ont reçu une aide. Le succès de cette politique d’aide est encore incertain. Ses défenseurs mettent en avant la dominance des critères que sont la bonne gouvernance, la transparence et l’état de droit dans plusieurs États. Ses détracteurs invoquent le fait que les pays les plus démunis et corrompus (République démocratique du Congo, Somalie, Soudan, Zaïre, Zimbabwe, Angola…) n’ont pas les critères adéquats pour recevoir les fonds du M.C.A. D’ailleurs, l’échantillon de pays éligibles est limité et les critères trop étroits pour juger de la qualité des finalités (7). De plus, le M.C.A. est très souvent perçu comme étant paternaliste et imposé par les États-Unis.

La Chine en Afrique

Les finalités de la présence chinoise en Afrique sont au contraire très différentes selon les époques

Entre 1949 et 1977 le régime de Mao Tse Toung a favorise le développement  en Afrique en matière de  formation technique, éducation, santé, agriculture et transports avec notamment le chemin de fer Tanzam.
Entre 1949 et 1977 le régime de Mao Tse Toung a favorise le développement en Afrique en matière de formation technique, éducation, santé, agriculture et transports avec notamment le chemin de fer Tanzam.

Entre 1949 et 1977 le régime de Mao Tse Toung (8) a exporté le concept de révolution. Ainsi, la priorité était la formation technique, l’agriculture (irrigation, amélioration des semences), l’éducation et santé. Cette époque a surtout vu la création d’un mouvement des pays «non-alignés» (2) et la construction du chemin de fer de Tanzam (2). Après la mort de Mao, entre 1978 et 1992, Deng Ziao Ping (9) a pratiqué en Chine une longue période de consolidation et de pragmatisme, gardant un profil bas vers l’étranger. Ainsi la ruée de la Chine en Afrique a vraiment commencé vers la fin des années 1990 avec les incitations de gouvernement pour que les grandes entreprises chinoises deviennent internationales.

 Le modèle de capitalisme d’État chinois en Afrique

Les caractéristiques particulières du modèle de capitalisme d’État chinois sont la philosophie utilisée et la réalisation des objectifs. En premier, la souveraineté des pays d’accueil est toujours respectée. L’Afrique et la Chine partagent une sombre histoire de colonialisme et ce lien d’affinité a facilité les accords d’entraide: de sud à sud, d’égal à égal, de gagnant à gagnant. Ensuite, la Chine ne donne pas de leçon. Elle explique au pays d’accueil le succès de la stratégie employée et invite celui-ci à l’adapter en tenant compte de sa culture et de sa capacité de mise en œuvre. Finalement, chaque projet est accompagné avant, pendant et après sa mise en œuvre par un conseil technique assisté par une diaspora dynamique (10).

Pour les Anglo-saxons, le capitalisme d’État est un oxymore (11). Ce constat est certainement vrai pour l’agriculture familiale et les petites entreprises, mais en ce qui concerne les grandes entreprises, c’est assez ambigu, dans un univers de mondialisation où la taille et l’accès au crédit est critique (12). Ici, l’approche chinoise est pragmatique : il y a une gamme de choix possibles, selon le contexte. De ce fait, la propriété d’entreprises est un faux débat. La vraie question est l’efficacité dans la réalisation des objectifs (13).

Depuis 1978, la Chine est hostile aux monopoles. Ainsi, tous les marchés sont ouverts à la libre concurrence (entreprise publique, entreprise privée ou entreprise étrangère). Donc, la concurrence est le garde-fou du système proposé par les Chinois. Elle est moteur d’innovation, d’investissement dans la recherche et la clé du succès.

 La corruption, cancer de l’Afrique

 

Dans certains pays africains, règnent la pauvreté, notamment en Angola, en raison de la corruption.
Dans certains pays africains, règnent la pauvreté, notamment en Angola, en raison de la corruption.

Un grand obstacle au développement est le vol des richesses abondantes de ressources naturelles par une élite corrompue (notamment dans la République démocratique du Congo, au Nigeria et au Zaïre). Les peuples sont ainsi relégués à la pauvreté. L’Angola en est un exemple intéressant : de 1975 à 2002, suite à une guerre civile qui a engendré 1,5 millions de morts, le pays s’est trouvé très endetté mais ses réserves abondantes de pétrole étaient un gage d’avenir. En 2004, le Fonds monétaire international (F.M.I.) et le Club de Paris (2) ont insisté sur des réformes structurelles profondes, l’élimination de la corruption, et un audit international concernant la comptabilité obscure des revenu pétroliers. En l’échange, le F.M.I. s’est engagé à accorder son aide. Sans autre possibilité de choix, l’Angola accepta ces conditions. En 2005, au dernier moment, la Chine proposa un prêt de 2 milliards de dollars, sans aucune condition. Cette offre entraîna une avalanche de critiques de la part des Occidentaux arguant que la duplicité chinoise était un danger du nouveau colonialisme, sans oublier de mentionner la complaisance de la Chine avec les dictateurs en poste, la méprise flagrante des droits de l’homme, la corruption, la démocratie et l’environnement !

Après le prêt consenti par la Chine, une vague de banques occidentales a également débloqué des prêts pour garder leur marché en Angola. Plus fascinant encore, les élites angolaises corrompues n’ont jamais vu un centime des deux milliards de dollars de prêt ! Tous les fonds furent bloqués dans la Banque de développement de Chine et une fois que les projets d’infrastructure furent approuvés par les Angolais, ils furent réalisés par des entreprises chinoises. En bref, ce fut grâce au mode de fonctionnement angolais que les hôpitaux, écoles, routes, égouts, systèmes d’irrigation et de purification de l’eau furent reconstruits après quarante ans d’oubli. Les Angolais profitèrent de la richesse de leur pays. D’ailleurs, en 2007, l’Angola remboursa toutes ses dettes au Club de Paris et mit en place d’elle-même les réformes demandées par le F.M.I. (14).

Le mode de fonctionnement angolais est-il parfait ? Non, mais depuis l’an 2000, l’Angola fait partie des dix pays dont la croissance est la plus rapide du monde.

Que pensent les Africains de la Chine ? Les sondages d’opinion, notamment de l’institut de sondage américain Pew Research Center (15), composé de l’élite intellectuelle de neuf pays, montrent que la Chine est plus appréciée comme partenaire de développement que les États-Unis (16). Ainsi, les actions semblent plus éloquentes que les mots.

L’héritage de l’Occident en Afrique

Pour comprendre l’impact de la Chine en Afrique, il faut expliquer qu’en 1950, les États de l’Afrique subsaharienne avaient un Produit intérieur brut par personne (P.I.B.) 50 % plus élevé que celui de l’Asie de l’Est mais en 2012, l’Asie est huit fois plus riche ! Cet écart important est dû à l’industrialisation et à la mondialisation. Après presque soixante ans d’indépendance, 3 à 4 produit de grande consommation (café, cacao, caoutchouc et surtout minerais et pétrole…) représentent environ deux tiers d’exportations subsahariennes, dont la plus grande partie de bénéfices est reversée aux élites des États. Ainsi les Africains restent assez pauvres et très vulnérables face aux prix très fluctuants des prix des produits de grande consommation, et la chute des prix par rapport aux produits manufacturés qui a eu lieu cinquante à soixante années de suite. Pire encore, cette richesse (en minerai et en énergie) a défavorisé le développement de l’industrie de base, des infastructures (usines, machines…) et de la politique d’éducation et de santé publique. Les médias occidentaux objectent souvent que l’essor des importations chinoises est un fléau pour l’industrie locale africaine. Ceci est de la pure hypocrisie. L’industrie locale africaine n’a presque jamais existé (sauf en Afrique du Sud). De plus, il ne faut pas oublier les bénéfices énormes des consommateurs (disposant de faibles revenus) dû à l’accès aux biens durables (machine à laver, téléphones, télevision, radio) et simples aux prix concurrentiels. En vérité, le but du colonialisme n’est pas de développer une industrie dans le pays ou de mettre en place une croissance durable mais d’exploiter les pays d’accueil. D’ailleurs, l’industrialisation reste encore bloquée par l’héritage colonialiste dans un bon nombre d’États africains de petite taille, hétérogènes, peu accessibles à cause d’une infrastructure primitive.

 Le mode de fonctionnement Shenzen

Dans un continent aussi complexe que l’Afrique, la Chine ne propose pas un modèle, mais plutôt une carte d’entrée à une stratégie de développement appelé le vol motif d’oies (17). Ainsi la première action a été la construction d’un réseau d’infrastructures. Ensuite il y a eu le succès des Zones d’économies spéciales (Z.E.S.) (2) chinoises à l’île Maurice, au Nigeria, en Zambie, en Égypte et en Ethiopie, basées sur celle de Shenzen (2). Ces Z.E.S. ont suscité un grand intérêt car les projets Z.E.S. africains (gérés par les gouvernements des États) ont été décevants. Pourquoi les Chinois ont-ils réussi ? Il y a plusieurs raisons : la gestion privée, l’efficacité due à la concurrence venant des exportations vers les marchés chinois et asiatiques, et une stratégie longue terme avec les bénéfices mutuels.

En somme, la Chine apporte la gestion, les finances, les subventions d’état et l’accès assuré au marché chinois énorme, pendant que le pays d’accueil bénéficie de l’emploi, la technique, la formation humaines et une base industrielle. Donc, malgré des difficultés politiques, économiques et sociales qu’il faut résoudre, la politique pratiquée par la Chine en Afrique est un processus «d’apprentissage par la pratique» avec un avenir potentiel.

L’avenir de l’Afrique

 

Depuis l’an 2000, six des dix pays qui ont la croissance la plus rapide du monde sont en Afrique (Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad, Mozambique et Rwanda).
Depuis l’an 2000, six des dix pays qui ont la croissance la plus rapide du monde sont en Afrique (Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad, Mozambique et Rwanda).

Depuis l’an 2000, six des dix pays qui ont la croissance la plus rapide du monde sont en Afrique (Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad, Mozambique et Rwanda). Face à un continent que l’on pensait «sans espoir», il y a quarante ans, ce changement est radical ! Les raisons ? D’abord l’intégration de ces pays dans le monde et ensuite l’essor du commerce avec l’Asie, plus particulièrement avec la Chine.

Comment juger l’impact de la Chine ou des États-Unis sur l’Afrique ? Il est difficile de comparer. D’abord, les montants de l’aide accordée et les investissements étrangers sont difficilement comparables. Ainsi, le commerce extérieur semble l’indicateur le plus fiable pour mesurer l’influence des deux grandes puissances. En l’an 2000, le commerce (exportations et importations) s’élevait à 10,6 milliards de dollars pour la Chine et à 38,6 milliards de dollars pour les Etats-Unis. En 2012 le montant du commerce des États-Unis vers l’Afrique a triplé et s’est élevé à 99,8 milliards de dollars. En même temps, celui de la Chine vers l’Afrique a été multiplié par dix neuf, atteignant presque les deux cents milliards de dollars ! L’aide américaine apportée à l’Afrique sub-saharienne a représenté 1,4 milliards de dollars en 2001, 9,2 milliards de dollars en 2012. Pour la Chine, les chiffres ne sont pas comparables mais ne semblent pas très éloignés de ceux des Etats-Unis (18). Enfin, les chiffres concernant les investissements directs étangers en Afrique (usines, entreprises…) sont fortement contestés, mais la Chine semble être en train de rattraper rapidement son retard sur les États-Unis.

En 2009, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique devant les États-Unis. En 2011 elle est devenue le plus grand exportateur du monde. Cette tendance n’est que le début d’un partenariat stratégique à long terme entre la Chine et l’Afrique, si l’on en juge l’envol des investissement directs étrangers, le transfert de technologie et l’échange culturel et scientifique. Symboliquement, l’hégémonie de la Pax americana, l’inévitable triomphe de capitalisme ultra-libéral et la démocratie sont vivement contestés aujourd’hui par un modèle plus étatiste, équitable, pragmatique et holistique (19). Si les pays du Tiers monde montrent une attirance pour le modèle chinois c’est pour l’éventualité d’une croissance durable, et une sortie de la pauvreté avec une promesse de garder leur souveraineté et leur propre destin. Mais la bataille entre la Chine et les États-Unis n’a pas encore commencé. Pour établir une vraie alternative de choix, la Chine devra réaliser de vraies réformes sociales, politiques, environnementales et surtout de droits de l’homme. Paradoxalement, la meilleure façon de concrétiser «le rêve chinois» du Président Xi Jinping (20) serait de suivre l’ancienne tradition de la pratique des vertus confucianistes.

 Par James H. LEE

(1) L’Afrique subsaharienne est située au sud du Sahara

(2) Voir glossaire des termes géopolitiques

(3) En 2011, les intérêts de la dette publique s’élèvent à 452 milliards de dollars, représentant 66% des dépenses militaires (sur un montant de 682 milliards de dollars de dépenses militaires). Ainsi, les États-Unis ne peuvent guère jouer le rôle de gendarme du monde car leur principal créditeur est la Chine

(4) Après la Seconde Guerre mondiale, il y eut le G-2 (en géopolitique, Groupe des deux, groupe informel de discussion et de partenariat économique entre les États-Unis et l’Union soviétique) qui se transforma ensuite en G-7 (groupe des sept) et ensuite en G-20 (groupe des vingt). Après la crise économique de 2008, les États-Unis ne peuvent désormais plus jouer le rôle de leader mondial et la Chine refuse de prendre ce rôle

(5) Voir On China, Henry KISSINGER, Éditions Penguin Press, New York, 2011, pages 2 et 3 ; traduit en français, De la Chine, 2012, éditions Fayard

(6) Ces priorités expliquent des fortes aides militaires américaines envers Israël, l’Irak, l’Égypte et l’Afghanistan

(7) L’exemple classique d’indicateurs fallacieuxs est le montant requis du pourcentage des enfants inscrits à l’école ou de patients traités dans les hôpitaux, sans pour autant augmenter le nombre de professeurs ou de médecins (ou les matériaux nécessaires textes, livres), pour maintenir les chiffres standards des indicateurs. Ces indicateurs sont très précis, mais la difficulté consiste à réaliser les objectifs qualitatifs, malgré les critères quantitatifs

(8) Chef militaire chinois, fondateur et dirigeant de la République populaire de Chine (1893-1976)

(9) Secrétaire général du parti communiste chinois et dirigeant de la République populaire de Chine (1904-1997) après Mao Zedong

(10) Les échecs des projets occidentaux sont souvent dus à leur non adaptation aux conditions locales et au faible suivi technique. Pendant la construction du chemin de fer Tanzam, les ingénieurs chinois ont partagé avec les ouvriers africains les conditions pénibles de construction dans la brousse. Par contre, jusqu’à une date récente, les cadres occidentaux étaient logés dans les hôtels de luxe en Afrique et transportés sur les sites par hélicoptère

(11) Selon cette vision (figure de style qui vise à rapprocher deux termes, un nom et un adjectif, que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire), un organisme hybride (public/privé) est condamné à l’échec – parce que le marché libre est toujours un meilleur juge de rentabilités d’un projet que des bureaucrates. Ce constat s’est confirmé par les piètres résultats du communisme et la planification d’État en Chine avant 1978 et en Inde de 1949 à 1991

(12) Le capitalisme ultra-libéral est critiqué pour sa vision étroite de la rentabilité à court terme, qui favorise la spéculation au détriment de l’environnement, la rentabilité à long terme, l’investissement dans les ressources humaines, la recherche et le développement et la négligence des responsabilités sociales et civiques. Les mêmes failles existent dans le capitalisme d’État, mais on peut les résoudre plus rapidement s’il y a une volonté du pays

(13) En fait, les grandes entreprises américaines, disposant de milliers d’actionnaires sont souvent contrôlées par une poignée de minorités d’investisseurs qui détiennent moins de 10% des actions

(14) Voir Brautigam, D. (2009), The Dragon’s Gift : The real story of China in Africa, Oxford University Press

(15) Grand organisme de sondage et d’analyse américain qui fournit des informations sur les attitudes et tendances qui influencent les États-Unis et le monde

(16) Sautman B., and Hairong Y. (2009), African Perspectives on China-Africa Links in China Quarterly special issue, China and Africa : Emerging Patterns in Globalization and Development, Strauss and Saavedra, Ed. Cambridge

(17) Le vol «motif d’oies» est un paradigme asiatique pour rattraper l’Occident basé sur une hiérarchie régionale où la production de biens de consommation courante (les textiles et chaussures de sport) se déplace continuellement des pays les plus avancés vers les pays les moins avancés. Un exemple est la migration successive des usines Nike, chaque fois que le prix de la main d’œuvre est trop cher. Ainsi, les pays sous-développés de la région sont alignés en formation et successivement derrière les pays industriels avancés, selon l’ordre de leurs stades de développement, comme le vol «motif d’oies». L’oie de tête est le Japon et le second rang est composé de pays industrialisés (Corée du Sud, Taiwan, Singapour et Hong-Kong). Ensuite viennent les Philippines, l’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie. Enfin, ce sont les grands États les moins avancés de la région: la Chine, le Vietnam… constituent l’arrière-garde, quoique certains secteurs d’industrie chinoise aujourd’hui rivalisent avec ceux des pays de deuxième rang de la formation.

(18) Les montants de l’aide étaient un secret d’État jusqu’à une date récente. L’aide chinoise inclut l’aide directe : En 2012, les emprunts à taux bas ou sans intérêts s’élèvent à 15 milliards de dollars, l’annulation des dettes anciennes représente 3,8 milliards de dollars. La construction d’infrastructures, de matériaux et de services gratuits, difficilement mesurables représentent 40% de l’aide fournie par la Chine. Grâce à ces projets, la Banque de développement chinoise est devenue le premier prêteur de fond devant la Banque mondiale. En 2012, la Chine a doublé ses lignes de crédit pour créer l’infrastructure en Afrique, soit un montant de 20 milliards de dollars. Elle a élargi l’entrée d’exportations de produits à prix libres, a accordé un fond d’investissement de 5 milliards de dollars pour l’agriculture, l’infrastructure et les ressources naturelles avec un engagement et a diversifié le commerce et accéléré le transfert de technologie.

(19) En 1989, Francis Fukuyama (né en 1952), philosophe, économiste et chercheur en sciences politiques américain a argumenté que le monde évoluerait inévitablement vers la démocratie et le capitalisme du marché. Or en 2013, septième année consécutive du recul de la démocratie (voir Freedom House, organisation basée à Washington qui étudie l’étendue de la démocratie dans le monde), malgré une forte croissance africaine depuis l’an 2000, l’avancement de la démocratie a calé ou reculé. Voir The End of History and the Last Man, Francis FUKUYAMA, 1989, publié dans le journal The National Interest (en français, La fin de l’Histoire et le dernier homme, 1993, éditions Flammarion)

(20) Xi JINPING (né en 1953) président de la République populaire de Chine depuis 2013, secrétaire général du Parti communiste chinois et président de la Commission militaire centrale

 

Glossaire des termes sociopolitiques

 The African Growth and Opportunity Act ou A.G.O.A. (Acte de croissance et d’opportunité pour l’Afrique) : Loi établie en l’an 2000 par le Congrès américain pour soutenir l’économie des pays africains en leur facilitant l’accès au marché américain s’ils suivent les principes de l’économie libérale. Pratiquée en Afrique sub-saharienne, cette loi a permis l’exportation vers les États-Unis de 6000 produits africains avec la liberté des prix.

Chemin de Fer Tanzam : chemin de fer construit entre la Tanzanie et la Zambie dans les années 1970, sur 1860 kms, pour désenclaver la Zambie, pays sans accès à la mer et créer une alternative au chemin de fer passant par la Rhodésie du Sud et l’Afrique du Sud, deux États soumis à un régime d’apartheid et boycottés par la plupart des pays indépendants d’Afrique. Ce projet, d’abord rejeté par les Britanniques et la Banque mondiale parce que considéré comme impossible à construire et non rentable, a été construit entre 1970 et 1976 par la Chine dans des conditions difficiles. Ce projet d’aide chinoise été le plus important de l’Histoire et a coûté 5% du PIB de la Chine, quand celle-ci était encore très pauvre.

Club de Paris : cré en 1956, ce groupe informel de créanciers publics (19 pays développés) a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiements de pays endettés. Ils leur accordent un allègement de la dette (rééchelonnement de la dette, réduction des obligations du service de la dette pendant une période définie ou une date fixée) pour les aider à rétablir leur situation financière. Le Club de Paris  a conclu 429 accords avec 90 pays endettés pour un montant de 573 mlliards de dollars.

Hard power et Soft power : termes géopolitiques proposés par Joseph Samuel Nye Jr, le géopolitologue américain, spécialisé en relations internationales et président du groupe Nord américain au sein de la Commission trilatérale depuis 2009 (organisation privéee regroupant 300 à 400 personnalités à fort pouvoir de décision, les plus influentes au niveau économique, politique et intellectuel de l’Europe occidentale, d’Amérique du Nord et de l’Asie pacifique pour promouvoir et construire une coopération politique économique entre ces trois zones clés du monde). Il est l’auteur de Understanding International Conflicts, édité par Public Affairs New York en 2002.

Hard power ou «puissance dure» : capacité d’influencer le comportement par la contrainte, et la coercition d’éventuelle utilisation de force militaire.

Soft power ou «puissance douce» : puissance d’influence et de persuasion par des moyens économiques, idéologiques et culturels.

Millenium Challenge Accounts : fond de développement bilatéral créé par le gouvernement du président Georges Bush en janvier 2004, destiné à aider des pays qui ont réalisé une certaine performance dans les trois domaines suivants : bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques ; création d’un environnement favorable à l’initiative privée et engagement de l’État à faire des investissements conséquents dans le secteur social. Le but de ce partenariat est la réduction de la pauvreté, par le biais de la croissance économique. Pour bénéficier de ce programme, le pays doit répondre à 17 indicateurs

 Mouvement des pays non-alignés : la déclaration de Bandung en 1956 a créé des «pays non-alignés», organisation internationale créée durant la Guerre froide, regroupant en 2012, 120 États qui se définissent comme n’étant alignés, ni avec, ni contre aucune grande puissance mondiale, pour accorder une voix au États du Tiers-monde

 Pax americana : «Paix américaine» désigne l’hégémonie des États-Unis dans le monde et son rôle de gendarme

 Shenzhen : Ville sous-provinciale de la province du Guangdong en Chine, située en bordure de Hong Kong. En 1979, une partie de son territoire acquit le statut de Zone économique spéciale. Elle connut un essor économique et démographique spectaculaire. En 2010, elle comptait environ 10 millions d’habitants et constitue actuellement une des municipalités les plus riches de Chine. Par extension, la ville de Shenzhen désigne un modèle de statut économique que les Chinois ont tenté de reproduire dans d’autres villes que la Chine, notamment à l’étranger .

Zone d’économie spéciale (Z.E.S.) : région géographique qui n’applique aucune taxe sur les importations de matières premières, de machines et d’équipements et dans laquelle les lois économiques sont plus libérales (notamment par l’exonération des impôts sur la société et l’attribution de subventions pendant une longue période) pour attirer les investissements étrangers.

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