Société

Le prix du vrai bonheur

Ce mois de décembre clôture notre périple de l’année 2019. Il devrait nous inviter à nous recueillir, à réfléchir au sens de ce que nous avons vécu ces douze derniers mois et à en tirer des leçons positives, malgré les difficultés rencontrées et grâce à des aides positives du destin.

Comment trouver ce moment d’intimité essentiel pour faire le silence en nous et nous retrouver nous-mêmes, dans ce raz-de-marée des appels à la consommation avec les Black Friday (1) et autres bons plans à l’approche des fêtes ?

Qu’est-ce qu’une société de consommation ? Elle se définit comme une société au sein de laquelle les consommateurs sont incités à consommer des biens et des services de manière abondante.
Pour le sociologue Jean Baudrillard (2), la société de consommation est un élément structurant des relations sociales au sein de nos sociétés postmodernes. Au niveau individuel, elle n’est pas un moyen de satisfaire des besoins mais plutôt une manière de se différencier, de se distinguer en fonction du produit que l’on achète.

Le sociologue Razmig Keucheyan (3) nous explique que « la désirabilité des objets, amenée au paroxysme par notre société, est historiquement construite et  pourrait donc être déconstruite, afin de permettre au désir de s’investir ailleurs que dans le fétichisme de la marchandise. De nombreuses recherches montrent que passé un certain stade, la relation entre la possession matérielle et le bien-être de la personne s’inverse : l’accumulation de biens ne rend pas plus heureux, au contraire. » (4)
C’est en effet, la conception du monde matérialiste, individualiste et marchande qui nous pousse à acheter au-delà de nos besoins. Le capitalisme génère entre autres, par la publicité et l’obsolescence programmée, des besoins artificiels, souvent aliénants et écologiquement non soutenables. Des mythologies commerciales visent à élargir le règne de la marchandise.

Ces besoins artificiels correspondent à ce que Socrate appelait les biens accessoires. Ils ne sont ni bons ni mauvais parce que leur valeur est purement instrumentale. Ils n’ont d’intérêt que par rapport aux services qu’ils peuvent rendre, s’ils sont réellement nécessaires. Ils ne contribuent pas à un bonheur durable parce qu’ils sont périssables et peuvent nous être enlevés. On ne peut être véritablement heureux si on conditionne son bonheur à des possessions ou des conditions extérieures qui relèvent de l’apparence, de l’avoir et non de l’être.
En effet, le vrai bonheur ne peut être perdu. Il s’agit d’un état intérieur, c’est la raison pour laquelle il ne peut être réductible à l’avoir car en réalité, on ne peut rien posséder si ce n’est soi-même.
Socrate comme Simone Weil bien plus tard, proposent comme fondement du bonheur de l’individu et des sociétés, de produire et de développer les biens métaphysiques, notamment la justice, l’amour, le courage, la tempérance ou la piété qui sont des biens moraux.

Sous la plume de Platon, se référant aux autres biens secondaires et accessoires, Socrate dit : « Nous serons plus heureux avec eux que sans eux, mais seulement si nous les utilisons correctement, puisqu’ils ne sont pas  « bons simplement par eux-mêmes ». S’ils sont séparés de la sagesse, ils tourneront à l’aigre pour nous, et nous serons en moins bonne situation que nous ne l’aurions été sans eux. » (5)

Si tout doit disparaître, comme nous y incite le mantra des annonces marketing, faisons en sorte de nous débarrasser du superflu, de la superficialité, d’une certaine naïveté qui nous égare, de la dévalorisation de soi-même ou de la peur de l’inconnu.

Nous devons retrouver notre équilibre intérieur pour clôturer l’année 2019 de la meilleure façon possible et nous préparer aux incertitudes de 2020.

(1) Traduit par vendredi noir ou vendredi fou. À l’origine, cet événement a lieu le lendemain de la fête américaine de Thanksgiving (fête d’action de grâce – 3e jeudi du mois de novembre). Pendant cette journée ou cette période, les commerçants proposent des remises et des soldes très importantes, notamment avant les fêtes de fin d’année. Le Black Friday a été repris en France à d’autres périodes
(2) Philosophe et auteur français (1929-2007) connu surtout pour ses analyses des modes de médiation et de communication de la postmodernité
(3) Auteur de l’essai Les besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme, paru aux éditions Zone, 2019, 250 pages, 18 €(4) Extrait d’un article de Nicolas Santolaria, Les mythologies commerciales visent à élargir le règne de la marchandise, paru dans le journal Le Monde, les 24 et 25 novembre 2019
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/11/26/black-friday-le-capitalisme-genere-des-besoins-artificiels-non-soutenables-ecologiquement_6020616_4497916.html
(5) Extrait de La voie du bonheur, la philosophie vivante de Socrate, par Fernand Schwarz, Éditions Acropolis, 2014, 200 pages
par Fernand SCHWARZ
Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole

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