L’humanité a-t-elle failli disparaître, il y a 900 000 ans ?
Dans une étude controversée, les scientifiques assurent que les ancêtres de l’homme moderne seraient passés tout près de l’extinction, il y a 900 000 ans. Leurs résultats, publiés par la revue Science (1), entrent en résonance avec de très anciennes traditions.
Difficile d’imaginer, alors que nous sommes plus de 8 milliards à évoluer sur Terre, qu’il fut un temps où nous étions une espèce menacée. Mais, en remontant le fil de l’évolution, par une étude du génome de 3154 individus modernes, un groupe de chercheurs chinois et italiens ont mis en lumière une époque où les ancêtres des différentes branches de l’évolution humaine ont subi une perte démographique de … 98,7 %. De 100 000 individus, la population aurait en effet diminué pour atteindre une masse critique d’environ 1280 individus en âge de se reproduire.
Yi-Hsuan Pan, spécialiste en biologie moléculaire de l’évolution à l’Université Normale de la Chine de l’Est, et co-autrice de l’étude, explique « en regardant l’ADN des humains modernes, nous pouvons reconstituer l’histoire de notre passé en utilisant diverses astuces mathématiques ». Par un processus de coalescence (2), il est possible de contourner la difficulté d’un manque d’archives et de retracer les historiques de populations.
Un goulot d’étranglement
Yi-Hsuan Pan explique que les équipes sont parvenues à identifier ce qu’elle qualifie d’ancien « goulot d’étranglement » à partir de l’étude génomique de cinquante-deux populations humaines modernes. « Nous avons établi plusieurs modèles pour valider l’existence de ce goulot d’étranglement et déterminer que la dispersion depuis l’Afrique pouvait influencer son identification ».
Nick Ashton, archéologue au British Museum de Londres, a corédigé une étude connexe, qui interroge le chiffre étonnamment bas du nombre d’individus hominidés qui auraient survécu sur une longue période, aux côtés du Professeur Chris Stringer, paléontologue britannique. Il précise que les généticiens de la présente étude ont étudié les « variations génétiques dans les populations modernes, en utilisant des taux de mutation définis pour remonter dans le temps et estimer la taille de la population dans le passé ».
Quelques doutes sur la méthode ?
Devant le décompte extrêmement précis pour une population qui a vécu il y a aussi longtemps, Cécile Bon (3), paléogénéticienne au Musée national d’Histoire naturelle apporte toutefois quelques nuances quant aux limites de cette approche. En effet, la taille de la « population efficace » ne correspond pas au nombre de personnes qui vivaient à ce moment-là ». « Ce n’est pas une vraie taille de population, mais la taille qu’aurait une population théorique ayant la même diversité génétique – population théorique car le modèle suppose que, dans cette population, on n’ait des enfants qu’avec des personnes de sa génération, que tous les couples aient le même nombre d’enfants, qu’on choisisse son conjoint au hasard, qu’il n’y ait pas de sélection naturelle, ni migration, ni métissage, etc. »
Un autre point de discussion est la date précise donnée par le modèle. La biologiste poursuit : « En effet, les méthodes fournissent un nombre de générations, mais pas de date. Pour accéder à cette donnée, il faut multiplier par le temps de génération, soit l’âge moyen des parents au moment de la naissance. Or il est probable qu’il ait changé au cours du temps et qu’extrapoler sur les temps de génération actuel ne soit qu’un pis-aller ». Enfin, cette étude ne parle pas du tout de ce qui s’est passé chez les humains qui n’ont pas donné naissance aux populations humaines actuelles.
D’autres voix dans la communauté des généticiens se sont également élevées comme par exemple Stephan Schiffels, spécialiste de la génétique des populations à l’Institut allemand d’anthropologie évolutionnaire Max-Planck, reprochant aux chercheurs de ne pas avoir tenu compte des incertitudes statistiques en la matière. Selon lui, il n’est pas possible d’utiliser l’analyse génomique des humains modernes pour arriver à un chiffre aussi précis que 1280 individus ayant vécu il y a si longtemps.
Un phénomène sévère de réduction démographique
Toutefois, la possibilité d’un goulot d’étranglement dans l’évolution de la population en question, c’est-à-dire un phénomène de réduction sévère du nombre d’humains n’est pas remis en cause. Ce déclin de nos ancêtres semble s’être produit assez brusquement. Une ère glaciaire particulièrement rude, sèche et longue, s’étendant sur une période d’environ 80 000 ans est, selon les chercheurs, la raison principale qui pourrait expliquer un tel déclin de population sur une période aussi longue.
Que s’est-il passé il y a 900 000 ans ?
De nombreuses questions restent aujourd’hui sans réponse et il reste difficile d’établir ce qu’il s’est réellement passé il y a environ 900 000 ans. Très curieusement, cette date fait écho à d’anciennes traditions orientales rapportées par la théosophe Héléna Petrovna Blavatsky dans son ouvrage monumental, La doctrine secrète (4).
Elle parle de récits du déluge, en lien avec le mythe de l’Atlantide, qui aurait été provoqué par un tsunami planétaire géant, il y a environ 850 000 ans. Et qui s’en serait suivi d’une quasi-extinction de l’humanité. Cette coïncidence troublante n’est pas l’unique dans l’œuvre de la philosophe.
Solidarité humaine
Quoiqu’il en soit, la découverte d’un « goulot d’étranglement humain ancien » montre que nous avons tous les mêmes racines. Yi-Hsuan Pan souligne ainsi que « nos ancêtres ont failli disparaître et ont dû travailler ensemble pour survivre. Cela nous rappelle qu’aujourd’hui, nous devrions nous unir à l’échelle mondiale, en particulier lorsque nous abordons des questions environnementales. Notre histoire met l’accent sur la nécessité d’un travail d’équipe pour faire face à un avenir incertain ».