Éducation

Rites et rituels dans l’éducation

Nous explorons, dans cet article et ceux qui suivront, l’importance des rites et l’intérêt de les rétablir, actualisés, dans l’éducation.

Rite de remise des diplômes
Rite de remise des diplômes

J’ai connu un vieux couple qui, chaque après-midi, sans jamais y manquer sauf raison impérieuse, se retrouvait de côté et d’autre d’une ancienne petite table en bois, près de la porte-fenêtre qui donnait sur leur jardin, pour une partie de scrabble.
Dans ce rituel anodin  mais chargé de sens et capital pour les personnes concernées – que savons-nous de la qualité de la rencontre que leur permettait le truchement du jeu ? – on retrouve les caractéristiques du rite.

L’omniprésence du rite

À commencer par son omniprésence dans notre vie d’humains… pour ne pas parler des animaux. Quelles que soient les réticences de certains qui craignent toute mainmise d’une collectivité sur leur vie et leurs propres choix, il nous faut bien admettre cette omniprésence.
Aussi loin qu’on remonte dans le temps dans l’histoire de l’humanité, il est présent, tels les rites de funérailles dont les fouilles archéologiques nous révèlent l’existence. Ou encore les rites présidant à la chasse dans les sociétés dites primitives où nos ancêtres s’adressaient à l’âme groupale d’une espèce animale pour lui demander son accord pour prélever parmi ses individus de quoi se nourrir.

De nos jours, on a tendance à penser que les rites sont en perte de vitesse. Cependant, si certains disparaissent parce que devenus caduques ou ne répondant plus aux besoins des hommes d’aujourd’hui, ils restent bien présents et nos contemporains les font aussi évoluer et en inventent de nouveaux.
C’est ainsi que, lors de ma lointaine jeunesse, les anniversaires se fêtaient exclusivement en famille : repas de fête, gâteau, bougies, cadeau. De nos jours, le rite a pris de l’ampleur. Il inclut désormais la classe d’âge du héros du jour : invitations solennelles de copains et copines choisis, cadeau apporté par chacun, activités organisées par les adultes pour les participants, gâteau garni des bougies traditionnelles, apporté en grande pompe en chantant. La célébration est souvent doublée : l’une avec les copains, l’autre avec la famille.
« Animal social, l’homme est un animal rituel. Supprimez une certaine forme de rite, et il réapparaît sous une autre forme, avec d’autant plus de vigueur que l’interaction sociale est intense » (1).

Ce qui caractérise le rite

Il peut être individuel. Collectif, il est particulièrement puissant. Religieux, laïque, lié à une collectivité de tout genre, familiale, régionale ou nationale, politique ou culturelle, à l’âge, au milieu social, professionnel…

Tous les rites partagent des caractéristiques communes :

  • Il concerne un événement marquant pour la collectivité et les individus concernés.
  • Il se déroule dans un espace et un temps précis, choisis pour la circonstance, se répète régulièrement selon un calendrier déterminé, ou en fonction du retour des circonstances concernées.
  • Il est codifié, préparé avec soin, animé par une ou des personnes dont l’autorité dans le domaine est reconnue.
  • Il fait appel à l’intériorité de chacun et induit un côté solennel et cérémoniel, dans l’état d’esprit, l’attitude, les gestes et le comportement des participants.
  • Il suscite chez les participants qu’il soude entre eux un sentiment d’appartenance et de communion, dans le partage de quelque chose qui dépasse chacun et les unit tous ; où l’individu a sa place, par-delà ce qui est vécu dans la vie quotidienne courante qu’il nourrit et régénère en lui apportant un sens et des sentiments partagés.
  • Il crée des liens, de chacun avec soi-même, avec les autres et ce qui, bien que non visible, n’en est pas moins présent.
  • Il brise la solitude et comble le sentiment de manque que nous ressentons tous plus ou moins intensément.

Rites et éducation aujourd’hui

Deux aspects du rite nous intéressent particulièrement par rapport aux besoins éducatifs actuels : d’une part, l’intérêt de la ritualisation des activités dont on souhaite qu’elles aient un impact particulier. D’autre part,  les rites de passage, que connaissent toutes les sociétés traditionnelles et dont l’absence se fait sentir aujourd’hui.
Si les rites de passage disparaissent de nos jours en Occident, explique Tobie Nathan dans la préface de Une boussole pour la vie, les nouveaux rites de passage, « en l’absence de ces initiations fortes et ancrées culturellement, on observe chez les jeunes des pays développés des comportements que l’on pourrait considérer comme des rites de substitution : l’initiation à la violence, à la drogue, à la délinquance ou à l’intégrisme religieux… Comme s’il existait une insistance sociale, une permanence de la fonction psychologiques des rituels… »

Nous traiterons ces deux sujets dans des articles à venir, en lien avec des expériences menées dans ce domaine avec des enfants et des adolescents.

(1) Mary Douglas, De la souillure, cité par Fabrice Hervieu-Wane dans Une boussole pour la vie, les nouveaux rites de passage, Albin Michel, 2005
Par Marie-Françoise TOURET
À lire

Assistantes maternelles : un monde extraordinaire
par Jean EPSTEIN
Éditions Philippe Duval, 2013, 302 pages, 19,50 €

Les chroniques de l’auteur publiées par Assistantes Maternelles Magazine regroupées en 4 axes : histoires d’assistantes, l’enfant dans tous ses états, coéduquer et communiquer avec les parents, et la société dans tout ça ? Dans un style familier, touchant et  juste, l’auteur nous fait partager son enthousiasme pour ce métier si beau et difficile à la fois !

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