500e anniversaire de la naissance de Raphaël, « L’école d’Athènes »
Le 500e anniversaire de la mort de Raphaël (1483-1520) est l’occasion de redécouvrir un peintre majeur de la Renaissance italienne (également nommé Raffaello Sanzio ou Raffaello Santi). Formé par Le Perugin (1448-1523), peintre de l’école ombrienne de la Renaissance italienne, Raphael exerça à Florence puis à Rome. Il rencontra Léonard de Vinci et Michel Ange qui l’inspirèrent dans son art. Le pape Jules II le nomma peintre officiel du Vatican. Il mourut à 37 ans et fut enterré au Panthéon de Rome. Il laissa derrière lui de nombreuses œuvres dont « L’École d’Athènes ».
Raphaël exprime à la perfection le classicisme de la Renaissance à travers l’harmonie et la grâce présentes dans toutes ses œuvres aussi quantitatives que qualitatives. L’atelier qu’il dirigea imposait un tel niveau d’exigence que sa peinture fut reconnue de son vivant et le peintre prit une dimension mythique. Il fut considéré comme un être intermédiaire entre l’humain et le divin. Giorgio Vasari (1511-1574), peintre, architecte et écrivain toscan (1), écrivit de lui : « La nature fit ce présent au monde lorsque, vaincue par le génie sublime et terrible de Michel-Ange Buonarroti, elle voulut l’être aussi par l’art et l’amabilité de Raphaël… ».
Le projet de « L’École d’Athènes »
Le Pape Jules II demanda à Raphael de peindre des fresques au Vatican. À l’époque, peindre pour le Pape était une reconnaissance officielle et la réalisation entre autres de la fresque de L’École d’Athènes fut la validation d’une carrière déjà florissante de l’artiste qui n’avait que vingt-cinq ans. L’œuvre répondait parfaitement à la volonté de la Renaissance de faire découvrir et renaître la pensée antique en Europe.
L’École d’Athènes est une fresque décorant la salle appelée Camera della Segnatura (Chambre de la Signature ou Stanza) des musées du Vatican à Rome. La Stanza était l’endroit, où le pape signait ses brèves et ses bulles. Cette salle devint ensuite la bibliothèque privée du Souverain Pontife puis la salle du Tribunal des Signatures Apostoliques de Grâce et de Justice et plus tard, celle de l’instance suprême d’appel et de cassation.
La construction et la distribution de la chambre s’inscrivirent idéalement dans la tradition des bibliothèques de l’époque. La tradition voulait que sur chaque mur de la pièce, soient représentées les idées platoniciennes. Sur le premier mur fut réalisée la fresque de L’École d’Athènes, sur le mur opposé, La Dispute du Saint-Sacrement. Le troisième mur fut consacré à la Justice et le quatrième à la Poésie.
À travers lLÉcole d’Athènes, le Pape Jules II, convaincu d’être investi de missions temporelles et spirituelles, voulut célébrer l’accord entre la Foi et la Raison ou la victoire de la Foi sur la Raison.
Le thème de la fresque fut inspiré de la vision néo-platonicienne de Marcile Ficin (1433-1499), traducteur de Platon au sein de son Academia de Careggi et médecin et astrologue de Cosmo de Médicis (1389-1464). Le programme philosophique des fresques avait prévu que le Vrai, le Beau et le Bien devraient cohabiter, selon la doxia platonicienne : le VRAI, sous les deux forme, la Théologie, la vérité révélée et la Philosophie, la vérité naturelle ; le BEAU, sous l’égide du Parnasse, par l’entremise de la poésie et de la musique ; le BIEN, sous les vertus du Droit et la Justice…
L’école d’Athènes symbolise la philosophie à la recherche du Vrai par les philosophes, les mathématiciens et les astronomes de l’Antiquité. Elle montre la place centrale de l’Homme et de la Connaissance, caractéristique de la Renaissance italienne. Raphaël utilise ici des regroupements de personnages qui symbolisent différents aspects de l’histoire de la philosophie et des croyances grecques.
L’École d’Athènes a été peinte de 1509 à 1512. Elle représente 58 figures majeures de la pensée antique. Elle possède des dimensions impressionnantes : 770 X 440 cm, dont une partie arrondie de 770 X 250 cm. L’utilisation de la lumière et de l’ombre était, à l’époque, une particularité.
Un décor antique reconstitué à l’identique
L’école d’Athènes se passe à l’époque classique comme l’indiquent les vêtements des personnages ainsi que le cadre architectural majestueux : un temple parfait, inspiré du projet de Bramante (2) pour la réalisation de la basilique de Saint-Pierre à Rome, des arcades puissantes sous une voûte à caissons, des murs troués de niches qui abritent des statues antiques, et une coupole centrale percée de fenêtres. Raphaël voulait faire de la Rome moderne l’équivalent de la Grèce antique.
Raphael a relevé le défi en créant un vaste catalogue de croquis préparatoires pour toutes ses fresques. Ces croquis seraient ensuite transférés à grande échelle sur le plâtre humide. Travaillant en même temps que Michel-Ange, on pense que cela l’a aidé et inspiré en stimulant sa compétitivité.
Dès 1550, Giorgio Vasari décrivit cette fresque d’une façon très détaillée.
Les personnages se regroupent aux premier et deuxième plans.
On peut diviser cette fresque en cinq grandes parties : trois niveaux horizontaux et deux verticaux.
À gauche, les Théoriciens, véhicules de la mathématique spéculative, de Pythagore jusqu’à Platon de gauche à droite, dominés par la statue d’Apollon.
À droite, les empiristes, disciples de la mathématique pratique, d’Euclide à Aristote surplombés par la statue de Minerve.
Le premier plan : le groupe des « Théoriciens »
Au premier plan, du centre de la fresque vers l’extrémité gauche, se trouve le groupe des «Théoriciens » :
Héraclite (VIe siècle av. J.-C.), philosophe pessimiste, isolé des autres (à cause de son mauvais caractère) s’appuie sur un bloc de marbre, pour écrire son nouveau traité. Il est représenté sous les traits de Michel-Ange, connu également pour son caractère brutal et changeant.
Parménide, dressé derrière Héraclite semble contester la démonstration de Pythagore.
Pythagore, assis avec un livre, un encrier et un crayon, annote ses impressions sur la figure sur l’ardoise noire à ses pieds.
François Marie Della Rovere, futur duc d’Urbin, jeune homme vêtu d’une toge blanche est dans le dos de Parménide.
Pythagore est entouré de trois disciples dont Averroès, coiffé d’un turban blanc, qui permit à l’Europe de redécouvrir les connaissances grecques et orientales.
Plus à gauche, Épicure, couronné de pampres, écrit sur un livre, appuyé sur un petit chapiteau. Selon certains, ce personnage serait Bacchus, embrassé par Morphée, endormi derrière lui. Dans le dos d’Épicure, Frédéric de Mantoue, enfant aux cheveux bouclés, en otage à la cour de Jules II. À l’extrême gauche, se trouvent un vieillard barbu (Zénon de Cition ou Zénon d’Élée) et un nouveau-né. Ils symbolisent la naissance de la vérité (l’enfant) et la sagesse et l’expérience du vieil homme.
Tous ces personnages se trouvent à la diagonale de la déesse Minerve.
Au centre, légèrement à droite, Diogène de Sinope, philosophe cynique allongé sur les marches. Il tient dans sa main gauche une feuille vierge et devant lui à sa droite, une écuelle. Pour lui, la faim physique est plus importante que la faim intellectuelle. Il est isolé des autres personnages car il s’est isolé des hommes et a toujours refusé les hommages et les honneurs que ses contemporains lui offraient.
Euclide ou Archimède), sous les traits de Bramante, se tient penché en train de montrer avec un compas son nouveau théorème, tandis que les quatre garçons qui l’entourent se montrent intéressés, voire impressionnés. Raphaël en profite pour signer son œuvre dans le galon (3) du cou, de la mention RVSM (Raphael Urbinas Sua Manu). Ptolémée d’Alexandrie, vêtu d’une veste orange sombre et de dos, soutient le globe terrestre (la géographie) tandis que son interlocuteur, Zoroastre soutient une sphère céleste (astronomie). Raphaël réalise son autoportrait à droite de Ptolémée et regarde fixement le spectateur. Pérugin, son maître, ou (le Sodoma, son ami) écoute attentivement les explications de Ptolémée.
Second plan : les platoniciens et les empiristes
Au second plan, au centre et au point de fuite de la peinture, sont représentés les philosophes Platon et Aristote. Ils sont majestueux avec leur toge romaine. Platon (4) tient dans sa main un dialogue, le Timée et tend sa main vers le ciel (monde des idées) (5), tandis qu’Aristote a son Éthique à la main et désigne la Terre (rationalisme et empirisme).
À gauche de Platon, un attroupement dans lequel se trouve Socrate, le maître de Platon. En soldat romain, le chef athénien Alcibiade ou Alexandre le Grand (qui fut lui-même élève d’Aristote) et en bleu le poète Xénophon, discutent avec Socrate, qui semble compter sur ses doigts des arguments de sa dialectique.
Derrière Alexandre, un personnage (peut-être un bibliothécaire) arrête un autre personnage en train de courir, pour éviter de déranger les philosophes et les scientifiques.
Dernier plan : La perspective – Apollon et Minerve
À l’arrière-plan, on découvre une architecture développée en perspective, donnant une illusion de profondeur. C’est une église en forme de croix grecque (les deux branches de la croix ayant des dimensions égales, forme architecturale la plus harmonieuse) ; le plafond est une coupole (utilisation conjointe du cercle et du carré, deux formes géométriques équilibrées). Elle serait une représentation des plans de Bramante pour la nouvelle basilique Saint-Pierre de Rome.
Dans la niche de gauche on voit la statue d’Apollon (les Romains ont gardé le même nom grec d’Apollon), le dieu des arts, du soleil et de l’harmonie et dans celle de droite, celle de Minerve (Athéna chez les Grecs), déesse de la sagesse et de l’intelligence. Apollon et Athéna sont tous deux protecteurs des arts et de la philosophie. La voûte abrite plusieurs médaillons dont l’un représentant une femme semblable à l’Artémis d’Éphèse – allégorie de la Philosophie – et deux petits anges sans ailes. Le médaillon abrite aussi la formule latine Causarum cognitio (« la connaissance des causes ») qui évoque la citation de Virgile, Felix qui potuit rerum cognoscere causas (« Heureux est celui qui peut connaître la causes des phénomènes » (6).
Raphael a été longtemps considéré comme le plus grand peintre, non seulement par son génie mais pas sa nature bienveillante. Son art, fait de mesure, de grâce et d’harmonie a profondément influencé la peinture occidentale jusqu’au XIXe siècle. Ce qui a rendu Raphaël cher aux humanistes, ce n’est pas tant son adhésion aux intérêts culturels (la mise en avant de l’humanisme, la place centrale de l’Homme et de connaissance ; l’importance de l’héritage gréco-romain antique) que sa capacité à donner forme à ce qui est ressenti comme étant indicible, en donnant un visage à la beauté, une perfection et une vraie dimension métaphysique à la forme.