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À lire : Le Quartet d’Oxford. Quand quatre femmes britanniques réinventent la philosophie

Ce livre est une biographie croisée qui met en lumière quatre philosophes britanniques majeures du XXesiècle, quoique largement méconnues  : Elizabeth Anscombe, Philippa Foot, Mary Midgley et Iris Murdoch. 

Le « quartet » fait référence à leur groupe d’amies et à l’influence collective qu’elles ont eue sur la pensée philosophique, souvent sous-estimée face aux « grands hommes » de l’époque. 
Ces quatre femmes, brillantes étudiantes à l’université d’Oxford, au moment où les hommes partent au front de la Seconde Guerre mondiale, ont profondément marqué le renouveau de la philosophie morale, à une époque où celle-ci était souvent perçue comme stagnante ou déconnectée des réalités humaines.

Dans l’Angleterre de l’après-guerre, la philosophie morale était dominée par le positivisme logique et l’émotivisme. Pour simplifier, ces courants affirmaient que les énoncés moraux n’étaient pas des faits objectifs, mais de simples expressions d’émotions (« Voler, c’est mal » équivalait à « Je n’aime pas le vol ») ou des conventions linguistiques. 
L’idée était que la science pouvait nous dire ce qui est, mais pas ce qui devrait être. 

La morale était reléguée au rang de simple préférence subjective. Cela avait des conséquences profondes : si la morale n’est qu’une question de goût, alors il n’y a plus de base rationnelle pour juger les actions bonnes ou mauvaises, ni pour construire une société éthique. 
C’est dans ce contexte, marqué par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et les totalitarismes, que le Quartet a ressenti un besoin pressant de redonner ses lettres de noblesse à la philosophie morale.

Les quatre philosophes s’interrogent sur des questions fondamentales comme « Comment penser l’action humaine ? », « Qu’est-ce qu’une vie bonne ? » ou « L’homme est-il un animal comme les autres ? ».

Malgré leur condition féminine qui les relègue à l’arrière-plan de la vie intellectuelle, elles développent des postulats d’une modernité étonnante, parfois en parallèle avec l’existentialisme qui bat son plein sur le continent. Elles y intègrent des perspectives issues de la psychologie, de la biologie (notamment Midgley) et de la littérature (notamment Murdoch) pour enrichir leur compréhension de la moralité, reconnaissant que la vie morale est complexe et ne peut être réduite à des formules logiques ou à des calculs. 

L’impact de leur travail a été immense. Elles ont non seulement contribué à la renaissance de l’éthique de la vertu, mais ont aussi ouvert la voie à de nouvelles approches de la philosophie morale qui sont aujourd’hui au cœur des débats contemporains. Leur refus de cantonner la morale à l’irrationnel ou au purement subjectif a été une libération pour la discipline, la reconnectant avec des questions fondamentales sur la vie humaine et ce qui la rend digne d’être vécue.

Dans ce livre, qui explore, parfois dans des détails, dont la finesse échappe au lecteur français méconnaissant les traditions et la vie anglaise, les amitié, les vies tumultueuses et les parcours intellectuels de ces quatre femmes, mêlant l’intime et la quête intellectuelle, nous découvrons une « contre-histoire » passionnante de la philosophie du XXe siècle.

Le quartet d’Oxford
Quand Elizabeth Anscombe, Philippa Foot, Mary Midgley et Iris Murdoch réinventaient la philosophie

Clare Mac CUMHAIL et Rachael WISEMAN
Éditions Flammarion, Essais, 2024, 486 pages, 28 €

Isabelle OHMANN, rédactrice en chef de la revue Acropolis
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de l’École de Philosophie Nouvelle Acropole France

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