Sciences humaines

Champollion et la naissance de l’égyptologie

En 1822, Jean François Champollion perce le mystère des hiéroglyphes égyptiens. Le 200e anniversaire de cette découverte célébré le 27 septembre 2022 est une occasion de redécouvrir un génie français qui a amené le goût de l’égyptologie.

Jean-François Champollion s’est intéressé à l’Égypte par la Pierre de Rosette (1). Il ne la jamais vu car celle-ci, bien que découverte par les Français a été remise aux Anglais après une défaite. Mais grâce à des reproductions réalisés par les Français, il a pu en étudier le texte.

Études de Champollion sur la Pierre de Rosette

La Pierre de Rosette contient trois textes écrits en écriture hiéroglyphique, en égyptien démotique et en écriture grecque. Les trois textes sont la même version. 
En étudiant les textes, Champollion constate que le texte hiéroglyphique (1710 hiéroglyphes et écriture démotique confondus) contient trois fois plus de signes que de mots grecs (486). Il en déduit que les hiéroglyphes ne sont pas seulement des idéogrammes mais peuvent indiquer également des signes phonétiques (lettres ou des syllabes). 
Il détermine si le système d’écriture utilisé est alphabétique (une quarantaine de signes maximum), syllabique (environ une centaine) ou idéographique (plusieurs milliers).
Il repère la famille linguistique pour en reconnaître la structure. 
Il compare les trois textes et tente de faire correspondre les mots grecs répétés, aux séquences de signes qui se répètent elles aussi dans les versions hiéroglyphiques et démotiques.
La suite, nous le savons, c’est la traduction de la Pierre de Rosette qui achève le déchiffrement des hiéroglyphes. 

Champollion a écrit une littérature très abondante sur l’Égypte : des notes sur l’Égypte, des dessins et calques contenant des cartouches avec des inscriptions et leur signification. Cela représente 88 volumes conservés à la Bibliothèque nationale. Ses notes ont servi plus tard à constituer sa grammaire égyptienne.

Le déchiffrement des noms de Cléopâtre, Ramsès et Ptolémée

En 1822, par ses intuitions et les transcriptions extraites de temples, Champollion déchiffre les noms de Cléopâtre, Ramsès, Ptolémée et Thoutmosis.

Pour le nom de Cléopâtre, Champollion s’intéresse à un cartouche inscrit sur un obélisque du temple d’Isis à Philae, comportant un texte grec mentionnant le nom de Kleopatra (Cléopâtre). Connaissant le P, le T, le O et le L qui figurent dans le nom, Champollion voit un vautour (qui vaut A) apparaître deux fois. Il reconstitue donc par déduction le nom de Kleopatra.

Concernant le nom de Ramsès, le cartouche comprend : 
– Le signe Râ (dieu du Soleil)
– Un hiéroglyphe à trois jambages que Champollion retrouve dans la Pierre de Rosette. En copte, la notion de naissance se dit « mès ». Champollion lit le rébus Ramèses (littéralement, Râ l’a engendré), ce qui donnera Ramsès.

L’histoire raconte, qu’après avoir déchiffré le rébus, Champollion va voir son frère aîné, Jacques-Joseph, son mentor depuis l’enfance et s’écrie « Je tiens mon affaire ! » avant de s’écrouler victime d’une syncope, sous le coup d’une grosse émotion.

Concernant le nom de Ptolémée, Champollion identifie chaque signe, chaque phonème, car pour rédiger les noms étrangers – notamment des rois d’origine grecque –, noms qui ne signifiaient rien pour les Égyptiens, ces derniers utilisaient un système complètement phonétique. Ainsi, les sept signes utilisés pour écrire Ptolmys (Ptolémée) sont donc identifiés. 

Champollion et l’égyptologie

Vincent Rondot, égyptologue français et directeur du département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre depuis 2014 dit : « C’est une découverte géniale en sciences humaines en ce sens qu’elle change notre rapport au monde, au même titre que la découverte de l’Amérique ou celle de la relativité générale. […] Il (Champollion) a créé une science, l’égyptologie. Si vous apprenez les hiéroglyphes, vous vous engagez à comprendre toute la civilisation égyptienne. »

Avant Champollion, les hiéroglyphes étaient considérés comme des symboles païens, magiques, à la signification obscure. Grâce à Champollion, le monde découvre les noms des pharaons bâtisseurs de pyramides, la traduction des livres des morts trouvés dans les tombeaux et de nouvelles connaissances sur la civilisation égyptienne. 

(1) La Pierre de Rosette se trouve au British Museum de Londres. Lire l’article de Julian Palomares Champollion et la Pierre de Rosette dans la revue page…

Les différents types d’écriture en Égypte antique :
L’écriture hiéroglyphique (du grec hieroglúphos, formé de hiéros « sacré » et glúphein « graver ») (fin du IVe millénaire avant notre ère en Haute-Égypte, jusque vers 380 ou l’empereur romain Théodose 1er ordonne la fermeture des lieux de culte païens). Elle est utilisée par les scribes pour prendre des notes, rédiger des actes administratifs, des textes scientifiques, littéraires, religieux, de médecine ou de magie. D’abord disposée en colonnes verticales, elle devient vite horizontale. Elle est composée de :
– Idéogrammes (signes-mots) qui représentent des objets, figures de dieux, animaux… et par métonymie une action
– Phonogrammes (signes phonétiques) qui notent un son (consonne, suite de consonnes ou voyelle)
– Signes déterminatifs : signes muets, placés en fin de mot qui ne se prononcent pas mais qui précisent le sens du mot.

L’écriture démotique est une simplification des hiéroglyphes, utilisée par les scribes pour écrire plus vite. Elle s’utilise dans les documents de la vie quotidienne (administratifs, juridiques, économiques), puis dans la littérature et les ouvrages scientifiques.

Écrtiure copte et arabe

L’écriture copte est un mélange entre les 24 caractères de l’alphabet grec et 7 caractères de l’écriture démotique. Elle apparaît au IIIe siècle et petit à petit, les Égyptiens, sous l’effet de la christianisation au IVe siècle, passent du démotique au copte. 
La langue copte est utilisée dans le monde pour une littérature essentiellement religieuse (traductions de la Bible, livres liturgiques). À partir du VIIe siècle, avec la conquête musulmane, elle sera peu à peu remplacée par l’arabe sauf pour la liturgie de l’Église d’Égypte.

par Marie-Agnes LAMBERT
Rédactrice en chef de la revue Acropolis
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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