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Société

« D’un monde à l’autre » un nouvel état de conscience

Le livre, « D’un monde à l’autre, le temps des consciences », dialogue à deux voix, fait le constat d’un monde et d’un système en crise devenu fous et des logiques qui l’animent.

Qu’est-ce qui constitue un véritable progrès pour l’être humain ? Sur quelles valeurs fonder notre existence individuelle et collective. Quel est le sens de la vie ? Autant de questions auxquelles le livre tente de répondre en abordant de nombreux thèmes comme le plaisir et le désir, l’économie, le politique, l’intérêt individuel l’unité et la diversité, le réel et le virtuel, l’être et l’avoir.
Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir partent du constat que notre monde actuel, en état de crise, est voué à disparaître, si nous continuons à agir dans le même état d’esprit. Par contre, la crise peut être une formidable opportunité de changer de paradigme et d’état de conscience en appliquant rapidement des actions concrètes et réalistes.

Depuis les années 70 et le rapport Meadows (1) suivi du Club de Rome (2), les communautés scientifiques et économiques n’ont cessé d’alerter le monde sur le danger encouru d’une production et d’une croissance infinie, au nom du mythe du Progrès : consommation à l’extrême, délocalisation de la production, hyperindustrialisation, épuisement des ressources naturelles, disparition de la biodiversité, destruction des écosystèmes, pollution massive, réchauffement climatique entraînant les exodes de population, culte de l’argent, accentuation des inégalités économiques… Un degré de plus a été ajouté avec la récente pandémie de la COVID-19, qui a entraîné confinement et arrêt de l’économie au niveau mondial.

Les auteurs ne nient pas les progrès obtenus pour l’humanité dans le domaine de la santé, les droits de l’homme et droits sociaux, l’amélioration des conditions de vie, la démocratie… Mais à quel prix et pour quel but ?

« La science fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des Hommes » Jean Rostand

La pandémie, avec un simple virus, nous a rappelé notre extrême fragilité alors que nous nous pensions tout-puissants. Mais par-dessus tout, elle pourrait être le prélude à bien d’autres désastres possibles, si nous continuons dans cette logique absurde de croissance infinie dans un monde fini, de pillage, de destruction de la planète au détriment des équilibres naturels, de compétition à l’échelle mondiale au détriment des équilibres sociaux. Nous pourrions vivre d’autres catastrophes écologiques, sanitaires, sociales et à ce rythme, l’homme pourrait bien disparaître un jour.

Au XVIIIe siècle, la Modernité a pensé que le progrès de la raison, de la science et des techniques impliquait nécessairement un progrès humain et sociétal. Au XXe siècle l’illusion est tombée. Non seulement le progrès n’a pas empêché les tragédies (deux guerres mondiales, camps d’extermination des juifs, catastrophes nucléaires, sanitaires…), mais il les a accompagnées et leur a donné une ampleur inédite. Certaines technologies nous dépassent et sont incontrôlables car elles ne sont pas pensées dans leurs applications, leurs effets, leurs conséquences et leur éthique.
Le progrès doit rester à dimension humaine et jamais nous aveugler. Il doit permettre à l’homme de vivre de façon sereine et non de le détruire.

L’homme s’est coupé de la Nature

Max Weber  (3)  a montré que depuis des millénaires, l’homme a initié un processus de rationalisation, qui l’a mené  à se couper de la Nature et à vivre un désenchantement du monde. Ce phénomène s’est particulièrement accentué au XVIIe siècle avec René Descartes (1596-1650) puis avec la Révolution industrielle, le développement de la science expérimentale et le capitalisme. La Nature a cessé d’être un organisme vivant pour devenir un objet, de la matière que l’homme, qui en est devenu le possesseur et le maître, a commencé à exploiter sans limite et sans aucune responsabilité des actes ni des conséquences. La nature a perdu son côté magique et sacré et l’homme est rentré dans une grande solitude, n’étant plus relié ni à la nature ni au Cosmos.

Les auteurs proposent une nouvelle alliance entre l’Homme et la Nature afin que chacun retrouve son équilibre. La Nature est un organisme vivant dans lequel toutes les parties sont interreliées et interdépendantes. L’homme en fait partie, au même titre que tout ce qui y est contenu.
De plus, la Nature est belle, elle nous enseigne l’harmonie, la juste mesure, l’ordre, depuis l’infiniment grand jusqu’à l’infiniment petit. La beauté nous guide vers ce que certains appellent Dieu ou le côté sacré, et nous amène au premier matin du monde. Elle est une force d’émerveillement pour celui qui sait orienter son regard, ses sensations et ouvrir ses champs émotionnels de conscience. Sa contemplation doit nous rendre humble, face à sa magnificence, sa grandeur et sa complexité.

De « l’hubris » et les plaisirs illimités…

En quelques années, nous avons épuisé les ressources de la Terre, accumulées pendant des millions d’années. Nous avons oublié qu’il y avait des limites à tout y compris dans l’Univers et la Nature.
La revue Nature prévoit un effondrement des écosystèmes en 2100 si on utilise 50 % des ressources terrestres. Or nous en utilisons actuellement 45 % ! Selon l’organisme de recherche Global Footprint Network, si tous les habitants du monde consommaient sur l’année autant que les Américains, il faudrait cinq planètes comme la nôtre pour répondre à leurs besoins. 3,7 planètes pour la France et seulement 0,7 planète pour l’Inde ! Notre excès nous fait envisager un horizon où se profile la rareté.

La société moderne pousse l’homme vers l’assouvissement sans limites des plaisirs. Elle crée sans cesse de nouveaux besoins, attentes et désirs que nous ne soupçonnions pas la veille, et que nous abandonnons aussitôt après les avoir assouvis, pour nous projeter vers d’autres. Ces plaisirs sont éphémères superficiels et inutiles, voire compulsifs, nous amenant à la dépendance et à l’addiction.
Cette attitude de surconsommation, du « toujours plus » pousse l’homme à l’hubris (4), au pillage et à la destruction, à jeter plutôt qu’à réparer.
Un plaisir sans limites nous fait perdre la vision de là où nous allons et surtout de là où nous pouvons aller. Il peut engendrer la destruction de la civilisation.
Dans son livre Effondrement (5), le biologiste et historien Jared Diamond, démontre qu’il existe un dénominateur commun à toutes les civilisations qui ont péri. Toutes ont franchi les limites en échouant à trouver l’équilibre entre leur soif de consommer et ce que l’écosystème pouvait leur fournir.

… à la fixation de limite et l’adoption de comportements modérés

Les écoles de philosophie antiques, comme les stoïciens et les épicuriens prônaient la modération et la limitation des plaisirs pour en goûter la profondeur et la densité.
Pour le philosophe néerlandais Baruch Spinoza (1632-1677), le désir n’est pas négatif. S’il est mal orienté, il crée de la frustration, du malheur, de la dépendance et nous diminue. S’il est éclairé par des idées justes et orienté vers des choses ou des personnes qui sont bonnes pour nous et pour les autres, s’il est guidé par une vraie connaissance de soi, du monde et du réel, s’il s’inscrit dans une responsabilité, il nous fait grandir. Cela implique de bien appliquer notre discernement, de changer nos croyances, nos habitudes et nos modes de vie pour mieux orienter nos choix.

Au niveau collectif, les États devraient fixer des limites pour mieux répartir et partager les ressources. Cela permettrait de réduire les inégalités dans le monde. Entre ceux qui militent pour une société égalitariste et ceux qui optent pour un monde ultralibéral, il s’agit de trouver un équilibre pour inventer une société fondée sur la coopération, la protection et le juste échange. La solidarité, qui est la recherche d’équité doit être encouragée, guidée et reconnue par les responsables politiques et pratiquée dans tous les pays du monde.

Un nouveau regard, un nouveau sens

Au-delà des souffrances qu’elle nous inflige, la crise actuelle est une opportunité pour changer notre regard sur le monde, transformer en profondeur notre état d’esprit et modifier nos comportements.
Comme beaucoup, nous aspirons à un monde différent, la fois plus humain, plus respectueux de la nature, un monde fondé non pas sur la force et la compétition mais sur l’humilité et la collaboration. Un monde plus équitable, plus fraternel, davantage relié à la Terre. Un monde où les croyances religieuses et les origines culturelles ne seraient plus des obstacles entre les individus. Un monde où l’argent serait moins convoité que la chaleur d’une étreinte ou le partage d’un sourire. Pour Vaclav Havel (6), « ce monde ne pourra advenir que par une révolution globale de la conscience humaine ». Cela suppose de trouver un nouveau sens pour créer un monde nouveau et meilleur, où l’humanité entière partagerait la même vision et le même idéal, mettrait en commun ses savoirs, son intelligence, et s’unirait sur des valeurs universelles, essentielles et vitales.

Redécouvrir des valeurs universelles

Nous devons redécouvrir les valeurs universelles indispensables pour mieux vivre avec soi-même, les autres et avec notre environnement : la beauté, la justice, l’altruisme, la bienveillance, l’empathie, la compassion, la solidarité, la fraternité, la liberté tant politique qu’intérieure, la tempérance, la force, la prudence, la responsabilité, l’intelligence en action…

Parmi elles, la solidarité est d’autant plus nécessaire que tous les êtres humains sont liés et interdépendants. Elle se nourrit de la bienveillance et l’altruisme.
Matthieu Ricard, moine bouddhiste et auteur de nombreux ouvrages, nous montre que le fait d’être bienveillant, rend plus heureux, comme l’a montré la grande vague de bienveillance et de gratitude qui a entouré les soignants pendant cette crise et qui a fait du bien à tout le monde, autant aux soignants qu’à nous-mêmes.
Au-delà de l’altruisme, il y a la bienveillance, l’empathie et la compassion.

L’autre valeur qui découle de la solidarité, mais qui est plus affective, c’est la fraternité car tous les humains sont frères, égaux en dignité et se doivent secours mutuel. Nous avons tous une même communauté de destin et nous ne pourrons pas seuls tirer notre épingle du jeu. La Providence c’est l’humanité. Il n’y aura pas de Je sans Nous.
Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve disait Friedrich Holderlin, poète allemand (1770-1843). Parce qu’il y a du péril, l’occasion d’être fraternel devrait être encore plus forte.

De nombreuses enquêtes sociologiques menées à travers le monde montrent que le premier critère du bonheur pour les êtres humains où qu’ils vivent, c’est l’amour, la qualité des relations affectives qu’ils nouent avec leurs proches mais également la qualité des liens sociaux et du vivre-ensemble. Vivre avec les autres, sans leur faire de mal et en les respectant.

Pour la première fois, la pandémie de la COVID-19, doublée d’une crise écologique et économique, touche toute la planète et fait prendre conscience à l’humanité entière de sa communauté de destin. Nous sommes tous dans le même bateau, « la Terre est devenue notre patrie » dit Edgar Morin.
Nous vivons sur le fil du rasoir, en déséquilibre et en dysharmonie avec nous-mêmes, avec les autres et avec l’environnement. Mais en même temps, ne serait-ce pas une formidable opportunité de relier toute l’humanité entière autour d’un idéal collectif, de créer de nouveaux horizons, d’assumer des défis inédits ? Cela est possible grâce à la pratique de la philosophie et de ses valeurs atemporelles qui ont aidé l’humanité à traverser les différentes crises tout au long de l’Histoire.

À lire
D’un monde à l’autre
Le temps des consciences
par Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir
Éditions Fayard, 2020, 360 pages, 21,50 €
(1) Publié d’abord en 1972 sous le nom de Halte à la Croissance ? aux Éditions Fayard puis en 2012 sous le nom de Les Limites à la croissance (dans un monde fini) (The Limits to Growth), le Rapport Meadows », écrit par Donella et Dennis Meadows et Jorgen Randers, envisage différents scénarios d’une croissance économique et démographique sans limites et ses conséquences sur les ressources naturelles et écologiques. Il a été présenté en 1972 au Club de Rome
(2) Groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, des industriels de 52 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu’en développement
(3) Économiste et sociologue allemand (1864-1920) dont les interrogations portent sur les changements opérés sur la société avec l’entrée de la Modernité
(4) Terme grec qui signifie la démesure, acte transgressif considéré comme un crime, comportement ou sentiment violent inspiré par les passions, l’orgueil, l’arrogance, l’excès de pouvoir et le vertige qu’engendre un succès trop continu
(5) Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Jared Diamond, Éditions Folio, 2009, 880 pages
(6) Dramaturge, essayiste et ancien président de la République fédérale tchèque 1936-2011)
par Marie-Agnès LAMBERT

 

La Grande Implosion
Rapport sur l’effondrement de l’Occident 1999-2002
par Pierre THUILLIER
Éditions Fayard, 1995, 470 pages, 24 €

Une vision prémonitoire d’un effondrement, imaginée il y a vingt-cinq ans, nous plonge sous la forme d’un roman, dans une enquête imaginée par  un groupe de recherche qui réfléchit sur la mort de la culture occidentale au début du XXIe siècle. L’auteur, historien des sciences et philosophe, organise sa réflexion suivant cinq thèmes : Homo Occidentalis, Homo Urbanus, Homo Economicus, Homo Corruptus, Homo Technicus et Homo Scientificus. Dans chacun de ces thèmes il démontre que le monde civilisé est tombé dans une torpeur spirituelle qui est la cause de cet effondrement ! Il apporte les preuves de ses intuitions qu’il n’a pu voir se réaliser puisqu’il est mort en 1998 mais que les lecteurs peuvent voir concrètement en 2020.

 

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