Philosophie

Les exercices spirituels philosophiques #4 Le contrôle des représentations

« Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais leurs jugements sur ces choses. »

Épictète

Voyons-nous vraiment la réalité telle qu’elle est ? Rien n’est moins sûr hélas. D’autant que d’autres la voient différemment et il n’est pas sûr qu’ils aient tort !

La citation d’Épictète nous explique pourquoi : ce ne sont pas les choses qui nous troublent, mais seulement notre jugement sur ces choses. La conséquence est qu’il faut accepter qu’il n’y a pas de problème objectif mais seulement des réactions subjectives, les nôtres !

Surveiller ses pensées

Alors comment gagner en objectivité ? Comme de très nombreux philosophes, Épictète nous invite à être vigilant à nos pensées. Il utilise la métaphore du gardien de nuit qui ne laisse pas entrer n’importe qui dans la ville ou dans la maison, ou alors celle du vérificateur de monnaie qui, lorsqu’on lui présente une pièce, la regarde, la soupèse, vérifie le métal et l’effigie.
Pour Épictète, surveiller nos pensées ce n’est pas seulement constater leur présence, c’est aussi être capable de reconnaître si l’on est ou pas atteint ou ému par la chose à laquelle l’on pense et pourquoi. Car c’est l’attachement à une idée ou l’émotion suscitée par un problème qui vont colorer la situation d’une couleur particulière. Nous avons tous expérimenté que parfois nous nous énervons là où d’autres ne réagissent pas devant la même situation.

Ce qui dépend de nous, ce qui ne dépend pas de nous.

Ayant repéré nos pensées, il faut donc s’entraîner à plus de détachement. « Pouvez-vous faire machine arrière en pensée et ainsi saisir toutes choses ? Donner la vie et la nourrir, avoir sans posséder, agir sans attentes, diriger sans essayer de contrôler : voici la vertu suprême » nous exhorte Lao Tseu. Dans ce sens, Épictète recommandait à ses élèves un exercice de contrôle des pensées. Il s’agissait de pratiquer l’application du critère ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas : « Le père d’un tel l’a déshérité. Que t’en semble ? – Cela ne dépend pas de nous, ce n’est pas un mal… – Il s’en est affligé. – Cela dépend de nous, c’est un mal. – Il l’a vaillamment supporté. – Cela dépend de nous, c’est un bien. » De telles pratiques nous permettent de gagner de la distance vis-à-vis d’un certain nombre de problèmes.

Pratique de la vigilance des pensées

Cependant, prendre conscience de nos représentations mentales n’est pas suffisant pour complètement les contrôler. Il faudrait, en plus, pouvoir y opposer d’autres pensées plus fortes et plus puissantes. C’est le rôle des grands principes philosophiques sur la mort, la maladie, la souffrance, les ruptures, la vie sentimentale, sociale, etc.
Alors prenons le temps une fois par jour de nous arrêter pour observer nos pensées et nos réactions, et identifier ce qui dépend de nous ou pas. Et, dans le même temps, cultivons la lecture quotidienne ou la mémorisation d’une phrase philosophique pour qu’elle soit, selon la métaphore de Plutarque, comme la voix du maître qui retentit quand apparaît l’agitation intérieure et qui sait la faire taire.

Isabelle OHMANN
Formatrice en philosophie à Nouvelle Acropole,
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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