Le château de l’araignée
Une adaptation de Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval du XVIe siècle.
En adaptant le Macbeth de Shakespeare dans le japon médiéval du XVIe siècle aux temps des guerres civiles et sur les pentes du Mont Fuji Kurosawa, le cinéaste japonais Akira Kurosawa, dit l’empereur utilisa le théâtre Nô, voie de l’épuration : décors dépouillés, gestuelle des comédiens, travail sur les masques Heita. Une partie de l’oeuvre se passe dans une forêt inquiétante baignant dans le brouillard et où des ombres hallucinées s’affrontent. Le guerrier irréprochable Washizu/Macbeth (Toshiro Mifune) et son compagnon Miki rencontrent l’esprit de la forêt qui leur prédit un funeste destin. La brume cache aux humains leurs passions ; la forêt (forêt de l’Araignée) et le brouillard égarent les hommes dans la confusion du temps et de l’espace, et comme dans le samsara (1) des bouddhistes, on y tourne en rond sans trouver son chemin. Une voix dans la forêt dit «Voyez donc, voyez ce qui reste des rêves de ces hommes, les obsessions dont ils étaient prisonniers résonnent encore en ce lieu ; hantés par les passions les plus folles, ces hommes sont tombés dans la voie du sang» […] «Hommes d’hier, hommes d’aujourd’hui, rien n’a changé». La voix de la forêt conclut : «Dès leur naissance ils sont prisonniers de leur passions, ils brûlent leur vie immodérément dans les flammes des cinq désirs. Quand ils meurent leur corps pourrit et sur cette pourriture vont pousser des fleurs». Toute la gamme des émotions traverse le personnage Washizu. On y sent aussi son glissement vers la folie lorsque la forêt se met en marche vers lui. Asaji/Lady Macbeth (Isuzu Yamada), au visage blanc sans expression, à la démarche spectrale empruntée au théâtre du Nô, est l’incarnation du mal ; elle y entraîne par ses faiblesses Washizu. Une dimension intérieure du film est aussi très présente. Réalisé en 1957, ce film ne se démode absolument pas.
(1) Roue des réincarnations dans le Bouddhisme