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Éducation

Le jeune enfant et son maître intérieur

Éduquer ou formater ? dilemme auquel est confronté tout éducateur et sur lequel cet article apporte un premier éclairage.

L’enfant est en fait dans les bras d’un maître intérieur qui le guide dans ses apprentissages, et lui fait suivre un programme méticuleusement orchestré pour se construire.
L’enfant est en fait dans les bras d’un maître intérieur qui le guide dans ses apprentissages, et lui fait suivre un programme méticuleusement orchestré pour se construire.

Lorsqu’il apprend à marcher, l’enfant tombe et se relève entre 2000 et 3000 fois ! L’apprentissage oral de la langue maternelle par imprégnation est tout aussi impressionnante : quel émerveillement quand l’enfant prononce ses premiers mots, puis sa première phrase !
L’enfant est en fait dans les bras d’un maître intérieur (1). Celui-ci le guide dans ses apprentissages et lui fait suivre un programme méticuleusement orchestré qui l’amène à se construire (2).

L’enfant, « constructeur de l’Homme » qu’il va devenir

L’enfant entre 0 et 6 ans, guidé par son maître intérieur, pose des bases fondamentales pour son avenir. L’enjeu de cette période de la vie est de taille. Entre autres compétences, l’enfant développe dès la première année de sa vie, mais particulièrement entre 3 et 5 ans, ses « compétences exécutives ». Ce sont avec ces compétences-socles que l’individu, tout au long de sa vie, pourra entreprendre des projets et des actions. Ces compétences sont au nombre de trois :
– La « mémoire de travail » permet à l’individu de réaliser la succession de tâches menant jusqu’au terme d’une action. Il est important pour l’enfant de suivre un enchaînement d’actions cohérent qu’il lui sera toujours demandé d’appliquer. Par exemple, pour préparer son goûter : se laver les mains, mettre un tablier, sortir les ustensiles nécessaires, éplucher et couper les fruits ; ensuite, faire la vaisselle, ranger et nettoyer la table avant d’ôter son tablier et de déguster son goûter.
– Le « contrôle inhibiteur » permet de se concentrer dans l’action et de ne pas céder aux distractions. Dans une classe d’éveil pour enfants de moins de 3 ans que nous connaissons, sont favorisés un environnement avec une décoration sobre et du matériel bien nettoyé et en bon état, avec des couleurs unies, des teintes naturelles pour limiter le plus possible les motifs de distraction et permettre à l’enfant de se concentrer sur la finalité de son travail.
– La « flexibilité cognitive » permet de détecter ses erreurs et de se corriger avec créativité. L’enfant doit pouvoir se tromper et progressivement apprendre de ses erreurs, grâce à l’accompagnement d’un adulte qui laissera l’enfant expérimenter sans intervenir tant qu’il n’est pas face à une trop grande difficulté.

Ces trois compétences « sont souvent plus prédictives de la réussite globale, professionnelle et sociale, que le QI. » (3) Pour qu’elles soient acquises, il est nécessaire que l’enfant s’exerce et trouve dans son environnement les activités propices au bon moment. Comment alors aider le maître intérieur en l’enfant à accomplir son œuvre ?

L’adulte, un précieux accompagnateur

L'adulte est là pour accueillir l’enfant dignement en ce monde et le lui rendre le plus accessible possible.
L’adulte est là pour accueillir l’enfant dignement en ce monde et le lui rendre le plus accessible possible.

L’éducation est « une Aide à la Vie » (4). Le petit enfant qui inspire à ses parents un amour immense et naturel est un être à part entière, habité par la nécessité et même l’urgence de se développer physiquement et psychiquement. Les adultes ont un rôle-clé à jouer : « Si nous reconnaissons ce maître inconnu, nous pouvons avoir le privilège et le bonheur de devenir ses fidèles serviteurs, en l’aidant comme de bons collaborateurs. » (5) Les adultes sont là pour accueillir l’enfant dignement en ce monde et le lui rendre le plus accessible possible.
Pour cela, il s’agit d’impliquer totalement l’enfant dès son plus jeune âge dans la vie de famille, c’est-à-dire le rendre acteur. C’est en participant aux activités de la vie quotidienne que l’enfant développe de manière optimale son autonomie et ses compétences, notamment les compétences exécutives citées plus haut. Aller chercher le journal, beurrer ses tartines, nourrir le chat, s’habiller seul, soigner les plantes, épousseter, cuisiner… Plus tôt les moyens sont donnés à l’enfant de réaliser de telles activités, mieux il se développe (6).

Les adultes sont donc invités à préparer l’environnement de l’enfant, dès qu’il peut se déplacer, pour le mettre à sa mesure et lui éviter tout danger. Comment permettre à l’enfant de participer à laver la vaisselle ou aider à la cuisine ? On peut entre autres fabriquer « une tour d’observation » (7).
Il est important de se souvenir, pour mesurer la nécessité de ce type d’aménagement, que « tout ce qui est aide inutile constitue une entrave au développement des forces naturelles » (8) de l’enfant. L’adulte adoptera donc une posture en retrait, demandant pour être juste une belle qualité de présence et d’observation, afin que l’enfant exécute le plus possible par lui-même les actions qui le concernent.

Une autre difficulté est de concilier le rythme de l’enfant, plus lent, avec celui de la vie quotidienne, souvent trépidant, des adultes. Plus l’enfant est autonome, plus cela doit avoir lieu dans son rythme et avec un sens des détails particulièrement développé. L’enfant est une invitation, pour l’adulte qui l’accompagne, à imprégner sa présence, ses gestes et ses activités d’un autre rapport au temps, plus lent mais aussi plus plein.
Enfin, cet accompagnement demande un double lâcher-prise. Il faut d’une part accepter que l’enfant gagne en indépendance très tôt, ce qui nous rappelle à ce que Khalil Gibran a écrit : « Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même, ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. » (10)

L'important n’est pas que l’enfant réussisse parfaitement ce qu’il entreprend mais tout ce qu’il développe intérieurement en menant de bout en bout une activité.
L’important n’est pas que l’enfant réussisse parfaitement ce qu’il entreprend mais tout ce qu’il développe intérieurement en menant de bout en bout une activité.

Un lâcher-prise matériel généreux est également nécessaire : l’enfant a en effet des gestes moins assurés. Entre ses mains, la vaisselle peut glisser et se briser, la farine se répandre en dehors du saladier : l’important n’est pas que l’enfant réussisse parfaitement ce qu’il entreprend mais tout ce qu’il développe intérieurement en menant de bout en bout une activité.

Accompagner l’enfant et son maître intérieur relève d’une direction éducative qui, nous l’avons vu, donne une place importante à l’autonomie au quotidien du jeune enfant, pour son plus grand bien : si nous parvenons à ce que l’enfant grandisse et se développe main dans la main avec son maître intérieur, cela le met sur la voie pour, une fois adulte, faire des choix en fonction de ses aspirations profondes.

(1) Cet article se base sur les apports de Maria Montessori (1870-1952) et plus près de nous, les développements récents de Céline Alvarez
(2) L’esprit absorbant de l’enfant, Maria MONTESSORI, Desclée de Brouwer, 2010, page 12
(3) Les lois naturelles de l’enfant, Céline ALVAREZ, Les arènes, 2016, pages 278-279. Cf. aussi celinealvarez.org et https://lamaternelledesenfants.wordpress.com
(4) L’enfant, Maria MONTESSORI, Desclée de Brouwer, 2006, page 69
(5) La formation de l’homme, Maria MONTESSORI, Desclée de Brouwer, 2005, page 68
(6) Un magnifique exemple nous est donné dans le film « Edison’s Day » où l’on voit Edison, 20 mois, réaliser, avec une autonomie qui semble extraordinaire pour son âge, toutes ces activités au fil de sa journée (disponible à la location en ligne sur https://vimeo.com/ondemand/edisonsday)
(7) Exemple de tour d’observation : https://youtu.be/T6UyQ8j9f7k
(8) Pédagogie scientifique tome 1 : La maison des enfants, Maria MONTESSORI, Desclée de Brouwer, 2015, page 44
(9) Le prophète, Khalil GIBRAN
Par Séverine GUIET

 

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