La splendeur des Amberson d’Orson Welles
Ce film décrit la fin d’un monde traditionnel et la naissance de l’Amérique industrielle
Avec cette oeuvre datant de 1942 mais sortie seulement en 1946, Orson Welles, réalisateur,acteur, romancier, producteur et scénariste américain (1915-1985), conte avec une nostalgie poignante et critique, la fin d’un monde. Il montre le déclin des valeurs anciennes et la naissance de l’Amérique industrielle, notamment avec l’arrivée de l’automobile.
La fin de la famille Amberson est jugée par une opinion versatile et colportée à travers la subjectivité du bon peuple. Les Amberson vivent à une autre époque à un autre rythme sans la possibilité de s’adapter à la vitesse du nouveau siècle ainsi qu’à un nouveau modèle économique qu’ils ne comprennent pas. Bien passionnant parallèle avec notre monde actuel gagné par la vitesse, les portables, internet et la remise en question d’un système économique qui s’effondre.
Le génie de Welles est d’avoir su capter tout cela d’un siècle à un autre. La force du film vient de sa construction narrative à la fois linéaire et en même temps totalement non conventionnelle. La voix off omniprésente d’Orson Welles fait écho aux commentaires des voisins qui, tel un coeur antique, sont à l’écoute des allées et venues des gens de la maison familiale, en développant une rumeur, celle des ignorants et des imbéciles. La demeure est un magnifique château à la silhouette surannée aux décors baroques et majestueux avec des escaliers impressionnants utilisés par Welles d’une manière dramatique et oppressante. Comme dans Citizen Kane mais d’une autre manière, le génie du réalisateur, avec ses mouvements de camera stupéfiants et ses travellings inouïs, capte par degrés successifs l’écoulement du temps et précipite la fin des Amberson.
Entouré de techniciens prodigieux, Stanley Cortès pour l’image, Albert S. d’Agostino pour les décors, Bernard Hermann pour la musique et avec la complicité des comédiens de sa tribu, Joseph Cotton, Dolorès Castello, Anne Baxter, Agnès Moorehead, Orson Welles construit un récit qui englobe l’histoire du monde. La fin du film fut mutilée par les producteurs qui désirèrent une fin plus conventionnelle mais malgré cela l’oeuvre conserve toute sa beauté et la force de son message.
Par Lionel Tardif