Le respect de la Terre, Une nouvelle façon de vivre
Le mode de vie actuel menace la planète et les êtres vivants qui l’habitent. Si nous voulons les sauver, nous devons changer notre vision du monde.
« Les tendances négatives actuelles de la biodiversité et des écosystèmes compromettront les progrès pour réaliser 80 % (35 sur 44) des objectifs ciblés de développement durable, liés à la pauvreté, à la faim, à la santé, à l’eau, aux villes, au climat, aux océans et à la terre (ODD 1, 2, 3, 6, 11, 13, 14 et 15) » (1).
Il est clair que le mode de vie d’un peuple répond à sa vision du monde. Réfléchir à quelques idées qui ont façonné la vision du monde occidental au fil du temps nous permettra de comprendre pourquoi notre mode de vie menace clairement la planète et les êtres vivants qui l’habitent.
D’une manière générale, nous avons tous la « certitude incertaine » que nous nous dirigeons vers une catastrophe écologique et humaine sans précédent, et que les mesures et tentatives locales et mondiales pour y faire face sont insuffisantes et très difficiles à accomplir, se heurtant à des intérêts contraires de toutes sortes. En analysant les causes, nous trouverons invariablement la croissance démographique, la technologie et l’exacerbation de la consommation pour maintenir ou accéder à la soi-disant « société de bien-être ». Le problème de fond, cependant, est une certaine façon de voir et de comprendre la vie qui s’est développée en Occident et a fini par contaminer la plupart des cultures de la planète.
Abandon de la dimension sacrée
La catastrophe a commencé à prendre forme il y a un peu plus de deux mille ans, lorsque la dimension sacrée, spirituelle, implicite dans tout ce qui est manifesté, a été oubliée et que la Terre et ses êtres ont été considérés comme de simples choses au service de l’être humain. Cette simplicité, stimulée par les religions du Livre, a fini par s’imposer comme une partie importante de la mentalité occidentale au XVIIe siècle, quand se sont dessinées les lois imposées à la nature par un Dieu qui lui est étranger.
Il était seulement question que la créativité et la diligence humaine, sous cette prémisse, soient en mesure de développer des machines de plus en plus efficaces pour cette exploitation. La cerise sur le désastre vient un peu plus tard quand, très « scientifiquement », au dogme s’ajoute l’affirmation qu’il n’y a aucune finalité, aucune intelligence derrière cela, aucun sens de « où aller », que tout le mécanisme de la nature est simplement le fruit du hasard et que seule la sélection naturelle donne le rythme et la direction. Ces « certitudes », ancrées comme des dogmes dans la mentalité occidentale, sont la raison de croire que nous avons le droit d’agir en toute impunité sur n’importe quelle zone de la planète et sur ses êtres pour notre propre bénéfice. Aujourd’hui encore, le principal argument pour freiner la détérioration écologique reste égoïste et homocentrique ; d’où l’énorme difficulté d’appliquer des mesures.
Une nouvelle vision
Cette croyance que la nature et ses êtres sont au service de l’homme s’est ancrée au cours des siècles de telle manière qu’elle en est parvenue à constituer la vision du monde dans ce que l’on a appelé l’Occident, dont l’arrogance à se croire en possession de la vérité, et son empressement et son pouvoir à l’imposer lui ont permis de se répandre dans le monde entier.
Les nombreuses tentatives pour changer cette vision de la nature se sont révélées infructueuses à toutes les époques, neutralisées efficacement par l’hégémonie religieuse monothéiste et matérialiste, en symbiose avec la science elle-même dès ses premiers pas.
Au cours des cinquante dernières années, alors que l’on voit déjà la catastrophe vers laquelle nous nous dirigeons, les mesures que l’on tente de mettre en place pour la freiner sont clairement inefficaces, au désespoir de beaucoup.
Encore une fois, l’action ne se fait pas en tenant compte de l’origine du problème – une vision déterminée et simpliste du monde –, les mesures proposées sont donc en contradiction avec la manière même de penser et de vivre de ceux qui les proposent. Il n’est pas possible d’affirmer et d’encourager la consommation comme base de notre système et, en même temps, de vouloir faire prendre conscience de consommer moins.
On ne peut pas demander à d’autres peuples de vivre avec moins alors qui luttent et s’efforcent clairement de vivre avec plus. On ne peut pas jeter des déchets polluants dans la cour du voisin pour que la nôtre sente le propre : s’il y a une chose dont on est sûr, c’est qu’il n’y a qu’une cour. Il n’est pas possible de continuer à épuiser la planète pour fabriquer une quantité immense de machines inutiles, éphémères et superflues. Il n’est pas possible de continuer à entretenir la vision que nous ne sommes qu’un corps, et de l’encrasser en permanence sous la devise de « vivre à tout prix ».
Nous ne pouvons pas continuer à ignorer la dimension sacrée ou spirituelle (pas nécessairement religieuse) de la nature et de tous ses êtres, y compris l’être humain, que tous les peuples de la terre ont eu avant l’ère commune, et que les sages de tous les âges nous ont laissé ; nous ne pouvons pas continuer à nous croire meilleurs qu’eux tous. Nous ne pouvons ignorer les enseignements tirés du mode de vie des peuples autochtones qui, aujourd’hui encore, ont conservé une partie de cette autre vision du monde, dans laquelle chaque être, qu’il soit minéral, végétal ou animal, a son propre sens et sa propre finalité et dans laquelle nous, les humains, sommes aussi des enfants de la Terre, un être vivant qui nous accueille.
Il est urgent de sauver une vision spirituelle du monde et de ses êtres, d’introduire dans l’éducation plus d’histoire des civilisations anciennes, plus d’anthropologie, plus de philosophie et moins de dogmes. Notre façon de vivre est le résultat de la vision du monde que nous avons façonnée.
Peut-être la nécessité, les cycles historiques eux-mêmes et l’échec ou l’épuisement d’une vision purement mécanique de la nature nous ouvrent-ils déjà à de nouvelles perspectives plus élevées du monde et de ses êtres. C’est seulement ainsi que nous choisirons naturellement de vivre en conséquence avec lui.
(1) Rapport de la Plateforme Intergouvernementale scientifique et politique sur la Biodiversité et les Services écosystémiques (IPBES), dont la synthèse a été approuvée lors de la 7e session plénière de l’instance, à Paris, le 19 mai 2019
par Lola Fernández
Nouvelle Acropole Espagne
Paru dans la revue Sphynx d’Avril 2022
À lire
La sagesse de la nature sauvage
Comment la nature donne à chacune de nous ce dont il a besoin
Liberté, sérénité, courage, gratitude
par Elli H. RADINGER,
Éditions Guy Trédaniel, 2022, 248 pages, 19,90 €
L’auteur a passé vingt-cinq ans à observer la nature sauvage, notamment les loups, les coyotes, les grizzlis ou encore des bisons, dans de nombreuses contrées. À travers ses témoignages agrémentés de magnifiques photographies, elle nous fait découvrir ce qu’ils lui ont inspiré : aventure, sérénité, étonnement, quiétude, communauté, résilience, confiance, mais également sobriété et peur. La nature sauvage, dit-elle « n’est pas toujours ce que nous imaginons sous ce terme. Ce n’est pas de la nature pure, sans êtres humains ni constructions. Elle est partout. Dans la forêt, dans la mer, dans les champs devant la maison – et parfois très proche, en nous-mêmes. Ce qui nous appelle là est notre propre nature sauvage, la nostalgie de retourner à notre propre nature. Le besoin de sentir nos limites personnelles et de les élargir, de nous surpasser. De nous exposer à de nouvelles situations et de nous affranchir des rôles et des devoirs quotidiens que nous devons exécuter. Chacun de nous peut le faire, partout. »
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