Écologie-Nature

No Future ? de la fragilité à la résilience 

Une population mondiale qui a quasiment triplé en une vie humaine, un prélèvement par tête sur l’environnement qui a explosé et une pollution généralisée de tous les environnements (terre, eaux, océans, espace), tel est le constat.

Nos modes de vie nous placent aujourd’hui, sinon devant une situation de « no future » tels que certains esprits lucides l’ont vue il y a des décennies (1), mais devant l’urgence de changer notre vision du monde et nos finalités de vie afin de la préserver, dans sa dimension matérielle au moins.

Du rêve au cauchemar

En 1970, l’âge où on passe le bac, ma génération a été prise entre l’injonction contradictoire de l’alerte du rapport Meadows (2) et l’enthousiasme dominant basé sur la recherche du confort qui donnera plus tard naissance à la société de consommation, puis de loisirs. C’était l’époque où le PDG d’alors d’EDF (3) vantait la progression de la consommation d’énergie en France qui doublait désormais tous les sept ans, preuve de la place de la France dans le concert des nations et le progrès mondial.
Mais cinquante ans plus tard, il est temps de se réveiller, et de trouver une voie de sortie de ce rêve qui est en train de se transformer en cauchemar.

Penser autrement ?

« Seuls les économistes ou les fous peuvent penser un avenir basé sur une croissance infinie dans un monde physiquement limité » dit une célèbre remarque pleine de sagesse et souvent reprise comme boutade cynique. « Tout est mental, l’univers est mental » disaient les Égyptiens il y a des millénaires. Notre situation le prouve, et la possible sortie de cette situation doit se fonder sur ce principe très ancien. Avant qu’une chose puisse se produire, il faut la penser, se projeter, et pour cela capter un « archétype », un idéal d’harmonie que l’on souhaite se donner comme étoile lointaine pour s’orienter dans l’obscurité de notre perception des choses.

Changer d’étoile

Actuellement, nous vivons les résultats d’un monde dirigé par l’étoile « progrès matériel et bonheur individuel par la consommation et le loisir » basée sur un paradigme matérialiste et utilitariste des choses. Nous voyons l’impasse, voire la catastrophe qu’il nous promet à court terme. Il y a l’alternative de choisir une autre étoile pour nous diriger, celle d’une intégration harmonieuse dans la complexité du Vivant. Ceci n’est pas facile car il nous faut vaincre, dans un premier temps, l’arrogance de l’homme moderne. Ce qui l’amène à penser tout savoir et faire mieux que quiconque l’a précédé ou que ce que la Nature lui montre au quotidien. Mais aussi, l’aveuglement de croire que la réalité se réduit à ce qui est mesurable et quantifiable, monétairement valable, etc.

Il ne s’agit pas de faire « la même chose, différemment, plus vert », mais de « faire autre chose » !

Look up !

Imaginons que cela puisse se faire. Il y a en effet de plus en plus de personnes qui ont ouvert les yeux malgré l’environnement que l’on pourrait qualifier de « Don’t look up » (4), entretenu par les politiciens et les médias. On voit de plus en plus d’initiatives, mêmes marginales, d’ouverture vers des solutions innovantes, réellement orientées vers la nouvelle étoile. En effet, il ne s’agit pas de faire « la même chose, différemment, plus vert », mais de « faire autre chose » !

Résilience n’est pas résistance

Mais ne nous trompons pas, résilience n’est pas résistance !
Si l’on n’a pas compris que pour faire une volte-face de 180° il fallait changer de paradigme, on se mettra en quête de solutions qui permettent de poursuivre le modèle actuel. On cherchera à développer des modes de vie, de production, de consommation qui seront « à l’épreuve des changements anticipés ». On ne changera pas de modèle, au contraire, on l’adaptera pour le rendre plus résistant. Exemple : toujours plus de climatiseurs pour lutter contre le réchauffement climatique, alors que ces engins contribuent eux-mêmes au réchauffement de l’environnement. Ou se tourner vers des voitures électriques qui exigent une plus grande ponction des ressources rares de la nature, etc. Au final, nous serons non seulement toujours en retard d’une bataille car les modifications seront ponctuelles, non systémiques et réalisées en retard, mais surtout on n’aura pas changé de paradigme.

Green washing et bonne conscience

C’est le danger de cette vision qui se développe via le « green washing » généralisé :  surtout ne changeons rien de profond ; adaptons-nous par de petites choses dont les résultats insignifiants ne bouleverseront pas le système général, mais donneront à chacun l’impression d’avoir fait ce qu’il faut. Le désarroi, le découragement face aux résultats, et la colère avec son cortège de révoltes ne peuvent qu’en naître. On les voit déjà profondément ancrés et ceci met à mal l’unité de la nation dont nous avons besoin face à ce tournant historique nécessaire.

Passer du combat de rue au Tai Chi Chuan

La véritable résilience n’est pas un retour à l’état initial. Elle consiste à reconfigurer le système pour en mettre en place un autre qui soit en harmonie avec l’environnement et ses altérations présentes et à venir.
Quittons donc une vision occidentale de sport de combat comme confrontation aux difficultés pour entrer dans une vision orientale des arts martiaux. Utiliser l’énergie de l’adversaire pour arriver à nos fins ! Il ne s’agit pas de rendre notre mode de vie « résistant » aux changements (climatique, environnementaux, …) mais de voir ces évolutions et directions, et d’épouser leurs orientations en s’adaptant en profondeur. Il s’agit d’identifier les causes de ces mouvements et pas seulement leur expression momentanée. D’utiliser l’énergie de leur orientation pour rétablir un équilibre global.
En un mot, passer du combat de rue à celui qui se pratique en se plaçant en harmonie avec la nature, comme le Tai Chi Chuan.

Adieu la révolution verte

Pour faire ceci, la posture actuelle ne permet rien. Elle est stérile. Pour comprendre le mouvement de l’adversaire/partenaire, il faut non pas regarder son corps et ses mouvements, mais être dans sa pensée, dans sa logique, dans ses intentions. Il en est de même dans notre relation à la Nature. Il nous faut revoir notre interprétation de ses mouvements en nous basant, soit sur une vision ancienne de la Nature comme Être vivant – l’hypothèse Gaïa (5) –, soit sur les découvertes scientifiques majeures de ces dernières décennies qui mettent à mal la vision de la révolution « verte » du XXe siècle qui a remplacé le vivant par le chimique (intrants pesticides, remembrements), ou mieux, sur les deux à la fois !

Sauver l’essentiel

Si l’on parle de véritable résilience, il nous faut faire un choix et accepter de « mourir » à une réalité psychologique. La résilience ne signifie pas que l’on va tout sauver. Mais l’essentiel. Qu’est-ce que cela signifie ?
Si l’on prend l’exemple de la chaîne alimentaire pour nourrir l’humanité, cela implique qu’on privilégiera le fait de nourrir la population de façon saine et quantitativement suffisante, mais pas forcément de maintenir les mêmes acteurs en place ni la chaîne des intermédiaires, actionnaires inclus. Ou changer le contenu de nos assiettes pour réduire la pollution engendrée par l’élevage intensif. Ou encore redistribuer les surfaces cultivables pour l’alimentation des humains et pas des animaux ou des bio- carburants, etc.

Un autre paradigme vous dis-je ! 
Et maintenant,

Let’s just do it ! (Passons à l’action ! )

(1) Lire l’article sur le rapport Meadows, « Il y a 50 ans… le rapport Meadows » d’Isabelle Ohmann, revue N° 341 (06/2022) https://revue-acropolis.com/?s=rapport+meadows
(2) Rapport Meadows au Club de Rome avertissant sur le danger du modèle de développement choisi qui donna naissance aux réflexions sur une « croissance zéro »
(3) Marcel Boiteau en 1972
(4) En référence au film du même nom (traduit par Déni cosmique) sorti en 2021 sur Netflix, réalisé par Adam Mc Kay
(5) Lire l’article Peut-on sauver la planète Terre ? L’Hypothèse Gaiä, de Délia Steinberg Guzman, paru dans la revue n° 203 (03/04/2008)
Hans LUWEI
Permaculteur
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page