Pourquoi la terre tremble-t-elle ?
Les tremblements de Terre, notamment ceux qui ont affecté la Turquie et la Syrie nous incitent à nous demander quelle est la cause de ces phénomènes. La réponse des scientifiques est empirique voire mécanique ? En 1985, Jorge Angel Livraga, fondateur de Nouvelle Acropole dans le monde avait envisagé une autre réponse.
Peu après mon arrivée à Lima, j’ai fait l’expérience, qui n’était pourtant pas nouvelle pour moi, de sentir la terre trembler. Face à cela, comme à tout autre phénomène naturel plus ou moins impressionnant, notre culture matérialiste nous apporte des explications plus empiriques que philosophiques. Et ainsi l’étude finale et les causes profondes disparaissent confortablement enveloppées dans des raisons mécaniques qui peuvent expliquer les moyens, mais jamais les fins ni les principes.
Pourquoi la terre tremble-t-elle ?
Sans être des géologues experts, nous savons que les volcans de la Cordillère des Andes, dits de marge continentale, sont la conséquence de la subduction de la plaque océanique de Nazca, située dans l’océan Pacifique, sous le continent sud-américain. Outre cette activité volcanique, les grands tremblements de terre qui secouent périodiquement cette région sont également la conséquence de cette subduction. Ces derniers résultent de l’affrontement des deux plaques, lorsque leur force de friction devient supérieure à la résistance et à la compression des roches mises en jeu : il se produit alors une brusque rupture, dont la propagation en surface se manifeste sous la forme d’un tremblement de terre.
Mais toutes ces explications ne répondent pas en profondeur à la question posée ci-dessus : Pourquoi la terre tremble-t-elle ?
Il convient de noter que nous ne demandons pas comment, mais pourquoi ?
Si une automobile se déplace, par exemple, de Lima à Cuzco, l’explication du pourquoi de son déplacement serait liée aux êtres intelligents et vivants qui la conduisent ; et le comment, à l’ensemble de compression des gaz qui transmettraient leurs impulsions, à travers une machinerie motrice, aux roues qui tournent, reposant sur le sol et provoquant le mouvement de l’automobile sur la route.
Ainsi, la deuxième explication, purement mécanique, est vraie et explique le strictement mécanique, mais elle ne suffit pas à résoudre le problème de savoir pourquoi cette voiture va de Lima à Cuzco et pas à Callao ou Nazca ou ailleurs. La raison purement mécanique n’expliquerait pas non plus pourquoi elle s’est mise en mouvement, puisque l’allumage est « en chaîne », mais que quelque chose d’extérieur à elle a dû le provoquer ou l’initier. Et tout cela est pertinent pour ce qui suit.
Les scientifiques à la mode se contentent d’explications mécaniques des tremblements de terre, s’attardant sur le comment, sans jamais arriver au pourquoi. Il est clair que la Terre possède une écologie thermomécanique, pour ne pas dire plus, qui est inhérente à tout être vivant. Comme tous les êtres vivants, elle est soumise à des fluctuations périodiques de température, allant de fluctuations quotidiennes à des glaciations, suivies de hausses fébriles à des intervalles de plusieurs milliers d’années.
Elle a été une enfant et maintenant elle vieillit, durcissant sa peau et l’alourdissant de rides. Elle porte les cicatrices de ses collisions avec le monde environnant dans des cratères de météores. Elle a changé plusieurs fois d’inclinaison par rapport au plan de l’écliptique comme le fait un être vivant, même lorsqu’il dort sur le sol.
La Terre, un être vivant
La Terre, pour les philosophes platoniciens et néoplatoniciens, a toujours été définie comme un macrobios, c’est-à-dire comme une grande unité vivante, semblable à un animal. Les représentations hindoues archaïques d’hommes élevant leurs palais sur le dos d’un monstre cosmique, qui sont aujourd’hui interprétées comme de simples formes d’ignorance, avaient des significations plus ésotériques et étaient plus proches de la vérité que les scientifiques contemporains. La Terre est un être vivant.
Notre planète tremble, souffre de maladies, vieillit et mourra un jour. Son cadavre s’effritera en poussière cosmique comme le fait le corps de tout autre être vivant sur la poussière de la terre. De même que dans les interstices de notre peau nous portons des millions de microbes, de même la Terre Mère nous porte sur la peau de ses boucliers continentaux. Parallèle ne signifie pas identité. Similitude n’est pas égalité.
Nous anticipons la critique en acceptant les différences que contiennent nos exemples, mais en tant que philosophes, nous demandons que les similitudes soient également méditées. Et nous vous demandons de méditer, non pas par simple désir spéculatif ou sensationnel, mais parce que comprendre et percevoir que la Terre est un être vivant nous conduira inexorablement à une autre vision du monde, en éclaircissant de nombreuses énigmes pour nous, en réconfortant nos cœurs pour qu’ils perçoivent que nous ne sommes pas de simples « coïncidences » vivant pour le plaisir sur un rocher mort tournant stupidement dans un vide inerte, mais des êtres humains dans le meilleur sens du terme, liés par des lois de cause à effet à nous-mêmes, à nos semblables et à tous les êtres qui peuplent l’univers, quelles que soient leur forme et leurs dimensions.
Et la Terre est l’une d’entre elles. Un être vivant dont nous nous nourrissons et dans lequel nous vivons, un compagnon de route, enfin, dans cette errance aventureuse sur les chemins du temps et de l’espace, que nous devons veiller à ne pas empoisonner avec nos détritus artificiels et polluants, parce que le destin de l’humanité, depuis plusieurs milliers d’années, est toujours lié au destin de la Terre. Et parce que nous devons respecter et ne pas détruire inutilement toute forme de vie, que ce soit une planète ou une fourmi.
Pourquoi la terre tremble-t-elle ? Pour la même raison que, parfois, vous, lecteur, tremblez… La Terre est un être vivant.
Article publié dans la Revue Nueva Acrópolis, n° 63, novembre 1985 à Lima, Pérou
N.D.L.R. : Le chapeau et les intertitres ont été rajoutés par la rédaction
Légende des photos : Antakya, février 2023 (DR)
Jorge Angel LIVRAGA
Fondateur de Nouvelle Acropole dans le monde
Une flamme éternelle
Voici le témoignage d’un secouriste français, qui a participé aux recherches de personnes disparues après le tremblement de terre de Turquie, dans la province de Hatay (au sud de la Turquie et limitrophe de la Syrie).
Cela faisait quatre jours. Personne n’était venu la chercher. Les yeux clos, son visage tourné vers le ciel, elle semblait dormir sous le pan de mur qui l’avait écrasée. Sur son front, un éclat blanc laissait voir un morceau d’os au milieu d’une auréole de sang séché. La secousse l’avait surprise en plein sommeil, elle avait à peine eu le temps de se redresser. Lorsque nous soulevâmes la charge qui l’oppressait afin de la dégager, elle resta prisonnière des décombres. Ses cheveux étaient longs et bruns, finement ondulés, légers comme des fils de soie. En l’approchant, je crus effleurer la coiffe d’une poupée. Près de sa main repliée, aux ongles décorés de motifs roses et noirs, une peluche penchait tristement la tête. C’était un ours blanc dont les pattes serraient un gros cœur bordé de dentelles, où l’on pouvait lire en lettres dorées le nom de la jeune fille. Avec des manières peu conventionnelles, nous nous étions introduits dans sa chambre, profanant son intimité. Ce lieu était étranger à la souffrance et à la mort. Il n’avait jamais porté que des marques de douceur et d’amour. Mais la terre s’était ébrouée, violant dans son indifférence le temple et les secrets d’une âme qui se dédiait tout entière à la vie. Nous l’avons saisie fermement et tirée de toutes nos forces. La raideur de ses membres amplifiait la sensation que nous avions de soulever un mannequin lesté de plomb. Nous comprîmes que son haut de pyjama était coincé dans une fêlure du mur de briques. Il fallut déchirer le tissu à l’aide d’un couteau cranté tout en inclinant vers l’avant sa nuque marbrée. En faisant levier avec une barre à mine, mal à l’aise sur ce bord d’immeuble et ses cinq mètres de vide, nous parvînmes à la soustraire de l’étreinte des gravats. Son corps inerte, parcouru d’angles disharmonieux, fut ensuite allongé dans une couverture où il disparut à jamais.
Un soir, la jeune fille s’est couchée. Sans oublier de nouer ses cheveux pour qu’ils fussent beaux au réveil, elle avait posé sa joue sur l’oreiller et abandonné ses pensées aux rêves que lui inspirait sa jeunesse. Quatre jours plus tard, des hommes inconnus, parlant une langue qu’elle ne connaissait pas, découpaient son vêtement dans les ruines de sa chambre pour l’ajouter au bilan de milliers et milliers de morts. Dieu, vas-tu dire que cette vie a un sens ? – Sans être l’auteur de ces terribles tragédies, tu permets qu’en un instant les charmes de ta création soit rompus. Non, cette vie n’a pas de sens, à moins que nous-mêmes, par notre conscience et par nos actes, nous ne lui en donnions un. Seule l’idée d’une humanité une et fraternelle peut donner sens à cette absurdité de la souffrance et de la mort. Par son engagement, le secouriste sort un cadavre des décombres, mais plus encore un individu de son anonymat. L’indifférence de l’univers est corrigée par le regard d’un homme. Peu m’importe que la jeune fille fût une inconnue. Son histoire fait désormais partie de la mienne. Sa flamme éteinte continuera de briller en moi.