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Société

Pourquoi le beau dérange-t-il ?                                                 

« La Joconde entartée », « les Tournesols » de Van Gogh aspergés à la soupe à la tomate : les actes de vandalisme d’activistes à l’égard d’œuvres d’art prestigieuses, en guise de protestation contre les énergies fossiles ou autre réchauffement climatique, se sont multipliés.  Quel rapport, vous demanderez-vous ?

Nouvel avatar de la cancel culture, les chefs d’œuvres patrimoniaux sont assimilés à une politique destructrice pour la planète. Par un curieux glissement de la logique, puisque le système capitaliste est injuste pour la planète, il faut en détruire les fondements en s’attaquant à ce qui le représente, ce qu’il valorise, son patrimoine, ses œuvres d’art, sa richesse.
Ces actes de désespérance de jeunes exaltés traduisent une impuissance à se faire entendre : plus que détruire les œuvres (généralement protégées), il s’agit par des actes extrêmes, choquants, d’attirer l’attention sur une cause. D’autres formes d’actions comme la destruction de statues ou de temples obéissent à une idéologie encore plus radicale, celle de la table rase. « Il y a une continuité entre le principe d’ouverture radicale prônée par les démocraties libérales et l’idée progressiste de table rase, terreau sur lequel s’épanouissent les rêves rageurs de déconstruction. » (1)

Quand le nihilisme se fait moralisme

« Détruire de l’art semble être la nouvelle activité à la mode. Après Damien Hirst brûlant 5 000 de ses créations dans une galerie, et un dessin de Frida Kahlo réduit en cendres par un collectionneur, cette manie s’invite sur le petit écran. La chaîne télévisée britannique Channel 4 s’apprête en effet à lancer une nouvelle émission intitulée « Art Trouble »… au concept étonnant (2). Il s’agit d’acheter et de détruire des œuvres d’artistes jugés problématiques tels que Pablo Picasso. Comme l’exprime Alain Bloom : (3) « le nihilisme s’est fait moralisme ». » Autrement dit, tout grand homme se verra réduit et jugé implacablement à l’aulne d’une facette de sa personnalité jugée « problématique » c’est-à-dire incompatible avec l’idéologie actuelle de la victimisation, credo et moteur d’action de la « pensée » woke (4).

Un aveuglement partisan

Le dénominateur commun de ces modes d’action est un aveuglement partisan, une incapacité à intégrer la complexité, c’est-à-dire à faire la part des choses entre ce qui est valable, et même essentiel dans une culture, et ce qui doit être modifié. C’est accepter que chacun de nous, que toute institution humaine, tout système est perfectible et porte une part d’ombre et de lumière.
« On sanctifie tout ce qui semble moderne, subversif et transgressif. » (5) Mais toucher à l’art, méconnaître le rôle du Beau, qui est par essence gratuit, accessible à tous, c’est renier un pan fondamental de ce qui nous humanise.

L’art contemporain ne se donne plus la beauté pour destination

En effet, « le gros de l’art contemporain ne se donne plus du tout la beauté – même en un sens élargi – pour destination, et cela au nom de ce qu’il croit être l’histoire. » (6)
Au nom de la modernité, on a balayé les critères traditionnels qui ont produit tant de chefs- d’œuvre caractérisés par une capacité d’irradier quelque chose de supérieur : « La beauté d’ici-bas ne pouvait qu’être l’indice d’une beauté supérieure, suprasensible, irréductible au visible qui n’en serait qu’une version biodégradable, donc dégradée » (7)
Cela nous interroge sur l’importance du beau dans une société humaine. Même si les critères de beauté sont subjectifs, l’aspiration au beau est naturelle. Mais en rejetant les critères artificiels de beauté tels qu’ils nous sont vendus par les médias et autres influenceurs, on a jeté le bébé avec l’eau du bain en considérant la beauté comme superflue et l’apanage de nantis ou de ceux qui en sont injustement dotés par les bonnes fées ou le hasard.

Changer de regard, recouvrer le bon sens

Au-delà de la pluralité des goûts, est-il possible d’apprendre à voir en profondeur ce qui nous entoure, ce qui nous relie à autrui, à la nature, à l’essentiel ? Car « la beauté est aussi un mystère, qui laisse sourdre, à travers ce qui se voit, davantage que ce qui se voit. Le visible devient alors seuil de l’invisible » (8). Détruire une œuvre d’art, n’est-ce pas quelque part, renier son âme, son humanité ? « Il y a toujours dans l’âme humaine un besoin d’image, de musique, de narration, de poésie et de beauté. » (9)
Le Beau peut déranger car sa fulgurance nous émeut, nous sort de notre petitesse. Mais c’est folie que de détruire ce qui peut nous construire. Comme le disait Winston Churchill : « construire peut être le fruit d’un travail long et acharné ; détruire, l’œuvre d’une seule journée. »

Face à la désespérance et au fanatisme, osons l’option philosophique de toujours, la construction dans le visible, reflet de l’invisible, pour en épouser les lois et la beauté. Faisons de notre vie une œuvre d’art !
« Le véritable homme augmenté de demain, ce n’est pas l’homme numérique. C’est l’homme artiste. » (10)

(1) Helen Pluckrose et James Lindsay, Le triomphe des impostures intellectuelles, par Helen Éditions H&O, 2021, 380 pages, citant Allan Bloom, L’Âme désarmée, Éditions Les Belles Lettres, 2018, 504 pages
(2) Par Joséphine Bindé, Beaux-Arts magazine, le 20 octobre 2022
(3) Helen Pluckrose et James Lindsay, Le triomphe des impostures intellectuelles, par Helen Éditions H&O, 2021, 380 pages
(4) Lire les articles sur le wokisme dans les revues N° 337 (02/2022 : Gilard Somer, Libre expression ou parole juste), N°338 (03/2022 : Sylvianne Carrié, La culture « woke » et le délit de parole) et dans le Hors-série N° 12 Quelle culture pour construire l’avenir (10/2022, Sylvianne Carrié, Culture woke et cancel culture, délit de parole, déni de réalité, page 17)
(5), (6), (8) Helen Pluckrose et James Lindsay, Le triomphe des impostures intellectuelles, Éditions H&O, 2021, 380 pages
(7) Paulin Césari, Botticelli ou les infortunes de la beauté, Figaro Magazine, 15/10/2021
(9) Ibidem
(10) Thierry Hillériteau, Anne Queffélec, L’artiste est l’homme augmenté de demain, Le Figaro, 11/11/2022
par Sylvianne CARRIÉ
Formatrice à Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole
La revue est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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