Pratique Philosophique – #15 Être sincère
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« La politesse est plus généreuse que la franchise, car elle signifie qu’on croit à l’intelligence de l’autre. » Roland Barthes
Je pense que nous aimerions tous être plus « authentiques » – fidèles à nous-mêmes dans tous les aspects de notre vie – mais ce n’est pas toujours facile à réaliser, surtout lorsque nous sommes dans un environnement où nous ne nous sentons pas à l’aise.
De nos jours, être authentique est le plus souvent confondu avec une spontanéité qui tend à exprimer tout ce que l’on ressent ou qui nous passe par la tête à un moment donné. Certes, il peut parfois être amusant d’entendre quelqu’un dire sans fard ce qu’il a sur le cœur, d’autant que nous vivons dans un monde où la franchise n’est pas vraiment encouragée. Mais reconnaissons que ce type d’expression « brut de décoffrage » est rarement respectueux de la sensibilité des uns et des autres.
Le courage de la vérité
Il ne s’agit pas pour autant de tomber dans l’hypocrisie de paroles mielleuses qui seraient éloignées de ce que nous pensons et croyons profondément. Être sincère est une exigence pour être en accord avec soi-même, et c’est donc un défi. Le philosophe Michel Foucault appelait cela « le courage de la vérité ».
Épictète faisait l’éloge de la parrêsia. Étymologiquement, cela signifie « tout dire ». Elle implique un discours « sans dissimulation, sans ornement rhétorique ».
Épictète posait le dilemme en ces termes « À partir d’ici, je ne sais plus comment te parler. Car si je te dis ce que je pense, je vais te faire de la peine et peut-être que tu sortiras pour ne plus revenir. Mais si je ne te parle pas, vois le rôle que je tiendrai si, alors que tu es venu à moi pour que je te sois utile, je ne te sers à rien, et si tu t’es adressé à moi comme à un philosophe et que moi je doive ne rien te dire en tant que philosophe » (Entretiens, III, 1, 10).
La parole bienveillante
Mais de son coté, Démétrios souligne la douceur indispensable à l’entretien philosophique. Cette douceur, cette sociabilité se situe à l’opposé de la brutalité des cyniques. C’est une courtoisie qui cherche à introduire la bienveillance dans une parole sincère.
Comprenons alors que la sincérité ne nomme pas tant notre relation de vérité avec les autres que la maîtrise que nous avons de nous-mêmes. Parler avec douceur et vérité est un art !
La fausse franchise n’est en réalité, que l’expression de notre moi inférieur, le fruit d’une paresse ou d’un emportement, qui nous laisse aller à formuler nos paroles de manière brute pour ne pas dire brutale. Alors qu’être véritablement authentique exige un travail sur soi-même pour s’efforcer constamment d’exprimer le plus élevé.
Comment pratiquer l’art de la sincérité ?
C’est travailler à la courtoisie qui est l’art d’exprimer la vérité sans blesser l’autre. Nous pouvons commencer par écrire ce que l’on veut dire, comme si l’on s’adressait à un ami cher. Ceci nous oblige à élever notre pensée et à employer un vocabulaire bienveillant. Cet exercice élève l’âme et nous permet d’entrer en contact plus aisé avec nos sentiments supérieurs. Répété, il rendra plus facile et agréable notre expression orale.