Société

Les faux rêves ou les chimères de l’époque

Le récent empaquetage de l’Arc de Triomphe nous interroge : pourquoi une telle débauche de moyens pour réduire un monument à la gloire de notre pays à l’état de momie ?

Art du non-sens et triomphe des charlatans, l’analyse de Mikaël Faujour (1) est sans appel : « Qu’y a-t-il de plus à signaler que la débauche de moyens (financiers, bureaucratiques, juridiques, logistiques…) et l’effet spectaculaire qu’elle produit logiquement ? Car, au fond… il n’y a pas de fond, rien d’autre à en dire. Le spectacle, la prouesse technique ne renvoient à rien d’autre qu’eux-mêmes, ne produisent ni valeur symbolique, ni surcroît d’intelligence du réel. » 
Sans valeur symbolique, car ces œuvres mortes ne renvoient qu’à elles-mêmes, elles n’apportent « aucun surcroît d’intelligence du réel » car elles ne suscitent aucun élan d’élévation, aucune compréhension intuitive, aucun sentiment d’union avec la réalité.
Le seul critère qui semble motiver ces créations est la glorification de la différence.
Mais comme le soulignait très justement Albert Camus : « La tentation la plus dangereuse [est de] ne ressembler à rien ». À rien ni personne. L’obsession du nouveau a remplacé l’inspiration créatrice née de la contemplation de la nature, source de toutes les œuvres et découvertes qui ont fait grandir l’humanité. La platitude s’impose quand on ne sait plus regarder le ciel ni les autres.

« Clonez votre chien pour 100.000 $ » ou la chimère de l’immortalité matérialiste 

« Le docteur Hwang veut recréer le mammouth laineux à partir du spécimen découvert congelé. » […] « Nos rêves d’enfant sont définitivement envolés : il n’y aura jamais de bébé mammouth gambadant en liberté dans les plaines » (2).
Anecdotique ? Vouloir cloner son animal familier, aspirer à recréer des espèces aujourd’hui disparues ne traduit-il pas le refus de la disparition programmée de tous les êtres vivants, en l’occurrence d’assumer le tabou de la mort ? Rend-on service à un enfant en lui laissant croire que son hamster est immortel ? La négation des cycles vitaux ne va-t-elle pas l’enfermer dans une utopie dangereuse, insensibiliser sa conscience, évacuer la responsabilité du soin à apporter à l’animal, qui de toute façon sera interchangeable comme une denrée de supermarché ?

Langue appauvrie et endoctrinement : l’imaginaire de nos enfants en miettes

« Le Club des cinq (célèbre ouvrage de littérature enfantine) réécrit dans un français élémentaire et plat, les classiques pour enfants, victimes de jugements moralisateurs et anachroniques : le poète Alain Duault (3) s’inquiète d’une aseptisation des œuvres destinées à l’enfance et de la caporalisation moralisatrice de la jeunesse. » 
Quand Le Prince ne peut plus réveiller sa Belle (au Bois Dormant) d’un baiser sans son consentement, on touche le fond de l’absurdité. Et quand la seule perspective est l’appauvrissement des consciences et le nivellement vers le bas, l’utilitarisme prend le pas.

Déchetterie spatiale ou tourisme spatial ? Mars ou le rêve d’une planète de substitution

On dépense des milliards pour le tourisme spatial alors que des milliards de gens vivent dans des conditions indécentes, on saccage la planète par cupidité, certains allant même jusqu’à rêver à d’une planète de substitution ! Et quand nous croulons sous nos déchets, que la terre et les océans les vomissent, alors nous les mettons en orbite ! Loin de se contenter de polluer la Terre, l’homme a réussi à faire de l’espace une immense décharge au-dessus de nos têtes. Des milliers de particules et de débris dérivent ainsi dans l’espace à des milliers de km/h, slalomant entre satellites et autres engins. Prenons garde à ce que le ciel ne nous tombe pas sur la tête !

Les aberrations du langage de la culture woke ou les délires de l’égalitarisme

Saviez-vous qu’on ne peut plus parler de lait maternel, car ce serait stigmatisant pour les mères qui ne se reconnaissent pas … comme femmes : parlons plutôt de lait « humain » !

L’allaitement masculin, c’est sans doute pour demain. De même, le vocable de fraternité a mauvaise presse : aux oubliettes la devise machiste de la République française, (bien féminine elle, pourtant).  Alors vive l’adelphité (4) qui vaut pour les deux sexes (et plus..).
Ces quelques cas pris isolément relèvent-ils d’un catalogue du Docteur Foldingue ? Derrière ces douces (et parfois coûteuses) utopies libertaires ou égalitaristes, se cache le désir toujours inassouvi de l’homme de bousculer les normes et de reculer sans cesse les frontières du possible. 
Mais on peut se demander où est le bon sens là-dedans. Où sont les valeurs qui font sens ? Car chercher le sens des choses, c’est-à-dire leur direction et leur signification, est devenu coercitif pour certains adeptes de la table rase qui font fi de tout ce qui les précède, et n’aspirent qu’à une autoglorification narcissique érigée en dogme.  Alors le chemin ressemble plutôt à un rond-point sans aucune sortie, qui ne conduit nulle part.

On peut donc s’interroger sur ce que valent nos rêves.
« Les rêves, selon les philosophes classiques, ne sont pas le produit des hommes mais leur seraient préalables. Tout existe dans la Nature au-delà de ce que l’Homme peut découvrir ou pas. » (5) Ainsi, toutes les grandes créations et réalisations humaines ont été le fruit d’hommes reliés à une aspiration transcendante.
On doit à Paul Eluard la jolie formule : « Une vie sans étoile est un rêve oublié ». Un homme sans idéal passe à côté de ses aspirations profondes. En effet, « Le monde est devenu plus confortable, mais il ne nous parle plus », alerte Olivier Rey (6). Alors réapprenons le langage muet de la Nature, à l’extérieur et à l’intérieur de nous-mêmes, pour y puiser sens et inspiration. 

(1) Mikaël Faujour, dans le journal Marianne le 14/9
(2) Jean-Jacques Valette, Journaliste à We Demain
(3) Par Alain Duault  le 05/02/2021, Figaro Vox
(4) Adelphité : néologisme qui englobe la fraternité et la sororité, pour fédérer autour d’une même cause, sans que la binarité (homme ou femme, frère ou sœur) entre en compte
(5) Voir article : Comment s’incarnent les rêves, par J.A.Livraga dans la revue page 31
(6) Olivier Rey : Le monde est devenu plus confortable, mais il ne nous parle plus, par Eugénie Bastié, Le Figaro, 15/11/2021
par Sylvianne CARRIÉ
Formatrice à Nouvelle Acropole de Lyon
© Nouvelle Acropole

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