Philosophie

Rencontrer notre vie intérieure

« Même en le jetant, on ne peut pas perdre ce qui nous appartient réellement. »

Yi Jing (1)

Qu’est-ce que la vie intérieure ? Elle commence, dès lors que l’on s’éloigne de l’agitation extérieure et mentale pour entrer en contact avec son intimité et son soi. Tout un parcours.

Parlez-moi de la vie intérieure. C’est ce qui est toujours vivant en nous, indépendamment des circonstances extérieures. Un rayon de lumière dans les ténèbres. Un trésor dormant au fond d’un lac. Une source inépuisable de vie. Une force invincible. Une épée qui tranche les obstacles et vainc la peur avec une détermination sans faille. Le recueillement devant un jardin zen, aux rochers nus au milieu des tourbillons de sable.

La vie intérieure est tout cela, et aussi ce qui reste quand une grande souffrance ou une terrible épreuve vient de passer. Un ciel bleu transparent, lumineux et sans nuages malgré la tempête dans notre cœur.

Comment la rencontrer ?

En fermant les yeux, car « c’est avec les yeux fermés que nous faisons les plus beaux voyages », comme le dit Moassy (2). En sentant doucement notre respiration qui gonfle et dégonfle le soufflet de notre poitrine. En nous vidant des coups de tonnerre, des éclats des éclairs ou des nuages sombres de nos passions – émotions pour apaiser notre lac intérieur, où peuvent enfin se refléter sans déformation, la pureté du ciel, le scintillement de la lumière du jour et le soir venu, le croissant argenté de la Lune et les lointains diamants des étoiles. En empruntant d’un pas calme et décidé le chemin de notre forêt intérieure et avançant jusqu’au cœur de nous-mêmes. La vie intérieure commence lorsque nous dépassons la peur des ombres, et que nous parvenons au mystérieux palais, au cœur de nous-mêmes où réside le vieillard qui garde le mystérieux livre de la sagesse du monde.

Comment la nourrir ?

Par la contemplation de la beauté dans la nature : un couchant majestueux de soleil sur la mer, la chute paisible d’une feuille tourbillonnante ou la fureur rugissante d’un volcan en flammes. En s’émouvant de la bonté qui émane d’une mère attentive aux premiers pas de son enfant, d’un geste solidaire et anonyme envers la détresse d’un autre être humain. En s’associant à la quête du juste, en sortant de l’indifférence en portant secours à quelqu’un en danger. À chaque fois que la corde profonde de notre être intérieur résonne et vibre à l’unisson avec cette beauté, cette bonté et cette justesse, notre vie intérieure se fortifie silencieusement.

Comment la partager ?

Pour que notre vie intérieure soit toujours vivante, telle une source d’eau, elle doit couler constamment. Ainsi, il ne nous suffit pas de la nourrir en regardant ce que font les autres, car cela serait comme se rassasier en regardant quelqu’un manger à la télévision ou à travers les vitres d’un restaurant. Nous dépéririons si cela était notre unique alimentation.

À notre tour, de savoir recréer en nous-mêmes, par émulation, des paroles, des pensées et des gestes, beaux, bons et justes, pour embellir le monde et pour maintenir en vie notre vie intérieure. Cela demande de nous élever. Élever notre vie en respectant notre corps par une saine hygiène de vie et un bon rythme vital ; élever nos émotions en cultivant les sentiments supérieurs qui nous permettent de nous intérioriser davantage pour trouver l’éternel dans le périssable, le positif dans le négatif, le beau dans la laideur ; élever nos pensées, en sortant des idées circulaires pour avoir davantage de clarté mentale et de discernement pour agir avec justesse dans le monde.

Et lorsque nous aurons fait ce travail, le parcours de la forêt nous aura conduit vers la clairière intérieure, le lieu et l’état de réceptivité, au cœur de notre propre vacuité à ce qu’il y a de meilleur en nous-mêmes, « le Dieu en nous », le Soi dont parle C.G. Jung ou toute autre forme de ce qui réside dans le plus profond de la nature et de l’homme.

(1) 25. Wu Wang – L’inespéré (ou l’inattendu) – Yi King
(2) Jorge Angel Livraga, Moassy le Chien, Éditions Acropolis, 2021, 88 pages   
Article paru dans la revue Acropolis N° 177 (mars-avril 2003)
Laura WINCKLER
Co-fondatrice de Nouvelle Acropole en France
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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