Éducation

Un peu d’histoire : l’apport de Rousseau et de Kant à l’éducation au XVIIIesiècle

Nous traiterons ce sujet en trois temps. Après un point rapide sur l’état de l’éducation en Europe jusque dans la première moitié du XVIIIsiècle, et l’évolution des mentalités au XVIIIe siècle, nous présenterons l’apport de Rousseau puis celui de Kant.

Émile ou de l’éducation écrit par Jean-jacques Rousseau et, traduit dans presque tous les États européens, connaît un énorme succès, il est encensé et fait scandale.
Émile ou de l’éducation écrit par Jean-jacques Rousseau et, traduit dans presque tous les États européens, connaît un énorme succès, il est encensé et fait scandale.

Paru en 1762, l’ouvrage de Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation,traduit dans presque tous les États européens, connaît un énorme succès, il est encensé et fait scandale. Il est immédiatement confisqué par la police, dénoncé à la Sorbonne, condamné par le Parlement, et Rousseau est obligé de fuir en Suisse pour échapper à l’arrestation.
Pourquoi à la fois ce succès et ce scandale ?

L’éducation et l’instruction aux XVIet XVIIsiècle

Aux XVIet XVIIsiècle, dans toute l’Europe, l’éducation et l’instruction sont sous l’autorité de l’Église et basées sur les finalités données par la Réforme et la Contre-Réforme : la pédagogie est au service de la foi, l’édification des âmes. Faire des chrétiens : évangéliser, moraliser, accorder le chrétien à la cité. Le recours à l’Antiquité n’existe plus que pour sa rhétorique et ses modèles de vertus au service de la formation de l’homme chrétien. L’enfant est soumis à une contrainte permanente et la pédagogie fait essentiellement appel à la mémoire.

Il se produit un début d’évolution à la fin du XVIIesiècle, sous l’influence de René Descartes, de Nicolas Malebranche (1) et des Jansénistes : l’introduction dans la formation des jeunes générations de nouvelles disciplines (histoire, géographie, sciences).

En France, les enfants sont élevés dans les collèges tenus par les congrégations religieuses et plus particulièrement par les Jésuites qui ont la haute main sur l’éducation.

L’évolution des mentalités au XVIIIesiècle

Au XVIIIe, surtout dans la deuxième moitié du siècle, l’évolution des mentalités et l’influence des Lumières entraîne une désaffection à l’égard de cette éducation, liée à :
• La désacralisation du christianisme et la contestation de l’autorité de l’Église
• Une morale devenue déiste
• Une vision centrée non sur Dieu mais sur l’humanité
• L’intérêt pour les sciences
• L’apport de la philosophie de l’histoire qui montre que l’évolution des mœurs n’est pas dépendante uniquement de la Providence.

Les Jésuites, dont les grands collèges au début du XVIIe  siècle comptaient entre 400 et 1000 élèves ont été chassés de France en 1762. Mais les collèges religieux qui les remplacent n’ont presque plus d’élèves à la fin du siècle. On leur préfère les écoles payantes, les leçons particulières, les précepteurs (dits gouverneurs à l’époque).
Dans la deuxième moitié du siècle, tout le monde s’intéresse à l’éducation, devenue un sujet central de préoccupation et de réflexion. La relation entre l’instauration d’un nouvel ordre social et politique et l’éducation suscite une grande effervescence et un foisonnement de propositions.

 L’impact de l’Émile à son époque

L'Émile, livre de Rousseau a du succès car il correspond aux préoccupations et aux aspirations de l’époque.

L’Émile, livre de Rousseau a du succès car il correspond aux préoccupations et aux aspirations de l’époque.

Le succès du livre de Rousseau vient de ce qu’il correspond aux préoccupations et aux aspirations de l’époque, en y rassemblant les réflexions sur le sujet et en les intégrant à une philosophie de la vie, outre son propre apport sur le sujet.

Les critiques viennent à la fois de l’Église, pour laquelle ce livre est inacceptable car il implique la laïcisation de l’enseignement dont elle avait le monopole et des philosophes qui jugent la proposition de Rousseau utopiste et inapplicable, que le concept de l’état de nature et de la bonté originelle de l’homme choquent dans leur conviction d’un progrès continu de l’homme et de la raison.

 

C’est en Allemagne que les idées pédagogiques de Rousseau, soutenues et prolongées par Emmanuel Kant, ont eu le plus de répercussion. Cela a entraîné toute une série d’expériences en Allemagne et en Suisse. C’était sans doute aussi le pays où l’enseignement laissait le plus à désirer (manque d’écoles, incompétence des maîtres non formés, fréquentation irrégulière particulièrement à l’université, politique réactionnaire des Princes et de l’Église : l’objectif principal étant l’enseignement du latin pour enseigner la théologie et du grec parce que c’est la langue de l’Évangile).

L’impact des idées de Rousseau sur la postérité

Les idées de Rousseau ont eu une influence profonde sur l’éducation et la vision de ce qu’est l’enfant dans toute l’Europe dans son siècle, en France particulièrement lors de la Révolution (ses cendres seront transférées au Panthéon en 1794). Au XIXe siècle, lors des débats qui accompagnent l’instauration de l’instruction publique et obligatoire. Et encore aujourd’hui, dans la réflexion sur l’enfant (classes enfantines et classes maternelles en France, fleuron jusqu’à ce jour de l’Éducation Nationale). Elles ont joué un rôle important non seulement dans le développement de la pédagogie mais aussi dans celui de la psychologie de l’enfant (fin XVIIIesiècle), puis de la pédiatrie au XIXesiècle.

(1) Philosophe, prêtre oratorien et théologien français (1638-1715) qui s’est intéressé à la pensée de saint Augustin et Descartes. Connu pour ses doctrines de la vision des idées en Dieu et de l’occasionnalisme
Par Marie-Françoise TOURET
Hippolyte Haine
Hippolyte Haine

Hippolyte Adolphe Taine écrit, à la fin du XIXesiècle, dans Les origines de la France contemporaine :

« Si vous voulez comprendre le succès de l’Émile, rappelez-vous les enfants que nous avons décrits, de petits Messieurs brodés, dorés, pomponnés, poudrés à blanc, garnis d’une épée à nœud, le chapeau sous le bras, étudiant devant la glace les attitudes charmantes, répétant des compliments appris, jolis mannequins en qui tout est l’œuvre du tailleur, du coiffeur, du précepteur et du maître à danser ; à côté d’eux, des petites Madames de six ans, encore plus factices, serrées dans un corps de baleine, enharnachées d’un lourd panier rempli de crin et cerclé de fer, affublées d’une coiffure haute de deux pieds, véritables poupées auxquelles on met du rouge et dont chaque matin la mère s’amuse un quart d’heure pour les laisser toute la journée aux femmes de chambre. Cette mère vient de lire l’Émile : rien d’étonnant si tout de suite elle déshabille la pauvrette, et fait le projet de nourrir elle-même son prochain enfant. »

(1) Philosophe et historien français (1828-1893), auteur de nombreux ouvrages

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