« Demeure, Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel », ce qui donne un sens au mouvement, c’est ce qui demeure
« Ce qui est simplement nécessaire à l’homme, dépasse de très loin la simple satisfaction de ses besoins. Il ne suffit pas que le corps soit à l’abri : l’âme aussi a ses droits. »
Après avoir exploré les origines et les ressorts de la crise de transmission en France dans l’ouvrage Les Déshérités (1), le jeune philosophe et homme politique, François-Xavier Bellamy, clame aujourd’hui le besoin de retrouver des points fixes pour donner un but au mouvement. S’il estime nécessaire de vouloir aller plus loin et de se surpasser, il pose la question : « Vers où aller ? ».
Demeure, cela rappelle la maison, le havre de paix que chacun de nous semble avoir délaissé, et cela sonne comme une injonction pour ne plus avoir à subir l’obligation de mouvement perpétuel, cette course au quotidien sans limites que la modernité nous impose.
Le cœur de la modernité n’est pas tant, à ses yeux, la raison critique que la passion de la nouveauté et de la transformation à tout prix ; c’est à elles que notre civilisation doit d’être entrée en crise, faute de se révéler capable de donner un sens à la vie.
De ce mouvement prôné comme une loi universelle, l’auteur reconstitue l’histoire de l’Antiquité à la révolution copernicienne et démontre la vacuité de la course au progrès.
Il met en exergue l’abîme métaphysique d’un mouvement érigé en vertu suprême, et nous exhorte à nous interroger sur le sens profond de nos vies, de nous re-poser afin de retrouver de la stabilité au fond de notre être, stabilité nécessaire pour faire face à la violence du flux incessant, par l’intelligence, la force de l’esprit et de la contemplation.
Son propos n’est pas d’appeler à l’immobilité ou à l’inertie, qui serait contraire à la vie, mais entre le mouvement permanent et la permanence des choses, d’habiter le monde.
La demeure contient en elle-même un but, une activité quotidienne pour l’entretenir, l’animer, la faire vivre ; cela suppose de faire preuve d’imagination, d’être créatif, avoir de l’exigence en ayant en tête un objectif qui donne sens à notre effort.
Le philosophe ne s’arrête pas au domaine individuel mais élargit sa pensée à la sphère du politique en mettant le doigt sur le paradoxe actuel qu’est le sentiment de stagnation, comme si rien ne changeait dans le fond malgré les promesses de renouveau et les réformes, et nous questionne sur les illusions du progrès et du tout numérique. Là aussi, la politique doit consister à prendre soin de notre monde pour l’améliorer. Pour lui, la demeure s’oppose à la révolution parce qu’elle n’est pas une vaine agitation, vide de sens, mais une vigilance, un effort constant et humble avec le souci pour l’homme politique qui œuvre de chercher à préserver le monde et à le faire évoluer dans ce qu’il a de meilleur.
Pour François-Xavier Bellamy, la réponse à la question Où va-t-on ? est chez soi, à la maison, pour reconquérir notre pensée, réinvestir le champ collectif, se réapproprier notre histoire personnelle, et par là-même, l’histoire commune. C’est ce que nous avons de plus essentiel car vital.
À l’instar d’Ulysse, qui après les combats, aspire à retrouver Ithaque, sa demeure, et Pénélope, son âme, re-définissons les points fixes à atteindre, même sans la certitude d’y arriver un jour, et qui pourtant donnent sens à nos engagements présents.