Écologie-Nature

Le monde 2.0 face à la Terre

La récente crise du monde agricole, dont les causes matérielles visibles sont d’ordre économique, exprime de plus en plus clairement une crise de civilisation.

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Cette crise se joue entre des décideurs citadins, vivant dans un monde robotisé et hors-sol. Ils sont réduits dans leur perception du monde à la seule dimension économique par laquelle ils pensent pouvoir tout régler. Ils considèrent la production agricole comme un « service » qu’on pourrait « sous-traiter » plus efficacement par la technique. Face à eux, le monde du « peuple de la Terre » vit cela comme un « mépris » quant à son mode de vie et ses activités, sur fond de non-reconnaissance de son travail.

Des tracteurs autonomes ?

Un exemple parlant illustre le problème : les propos du chef de l’Etat durant le salon de l’agriculture 2023 où il développait fièrement devant les agriculteurs l’idée d’un futur basé sur des tracteurs autonomes qui éviteraient aux agriculteurs de s’exposer aux produits dangereux et aux aléas climatiques. Vision technocratique des choses qui a dû faire rire jaune des gens déjà endettés pour toute une vie à acheter les monstres agricoles actuels, non-autonomes, que leur impose l’agrandissement des surfaces voulu par l’Europe rationaliste et productiviste.

Exploitants industriels et techno agriculture

D’un autre côté, une grande partie des agriculteurs n’est plus, depuis longtemps, composée de « paysans » au sens noble du terme. On y voit le plus souvent des techniciens de l’agriculture, « intervenants » hors-sol (dans le sens propre du terme, juchés à plusieurs mètres au-dessus de celui-ci sur leurs machines). Ils sont de bons connaisseurs de la chimie organique et des produits phytosanitaires. Ces produits agissent sur un support qui ne nourrit plus les plantes semées. Il ne sert plus que de « substrat », permettant de faire assimiler ces substances directement par les plantes sur une terre désormais en grande partie dépourvue de vie.

Un modèle révolu ?

Ainsi, nous nous trouvons au milieu d’une lutte entre deux visions du monde qui sont tout autant l’une que l’autre du passé : une vision utopique d’un monde sans agriculteurs remplacés par des robots et produisant une nourriture artificielle digne des films de science-fiction des années 70 ; et un lobby agricole réactionnaire qui cherche à faire perdurer un modèle productiviste et industriel qui n’a pas d’avenir avec la restriction des sources d’énergie et le réchauffement climatique à venir.

La sagesse paysanne

Cette incompréhension, ou plutôt cette divergence de finalités, révèle une cécité profonde quant à la production agricole, car, malheureusement, le problème est beaucoup plus profond. Depuis soixante ans, les paysans ont été aculturés par la technocratie industrielle, et sa recherche de rendements élevés « à n’importe quel prix ». Ils ont ainsi oublié, voire rejeté la sagesse de leurs grands-parents qui, s’ils n’avaient pas les mêmes diplômes, n’en avait pas moins beaucoup de bon sens et d’expérience du vivant. Malheureusement, aujourd’hui encore, ces anciennes façons de faire (haies, labour superficiel, polyculture,…) restent inaudibles, même si elles ont été (re)validées par les découvertes scientifiques de ces vingt dernières années.

Le peuple de la Terre

Finalement, le grand perdant de ce combat de boxe de parade est le monde de la transition agricole. Et par là-même le peuple, la qualité de son alimentation, l’autonomie et la résilience alimentaires du pays ainsi que ses conditions de vie dans un environnement toujours moins adapté au réchauffement climatique. Malgré cela, les paysans, dans leur imaginaire, sont encore le « peuple de la Terre » et c’est pour elle qu’ils se battent. Ils ont raison, bien que les pouvoirs publics ne leur offrent aucune perspective d’alternative viable aux modèles industriels révolus.

La fin de la mondialisation

La solution existe pourtant. Elle est dans un changement de paradigme, qui ne s’applique pas uniquement à l’agriculture. Il nous faut quitter une vision purement quantitative, technologique et industrielle. Faute de quoi, il ne sera pas possible de gérer la croissance énorme de la population mondiale sans affrontements. En effet, depuis les années 80, les études de management ont prouvé qu’au-delà d’une certaine taille, une entreprise devenait non efficace, produisait du désordre, de l’anonymat, et des souffrances, en même temps qu’elle s’épuisait. Il en est de même de notre vision de la « mondialisation », tellement à la mode à la fin du XXème siècle, mais dont les attentats du 11 septembre ont symboliquement marqué la fin.

Relocaliser et relier

Il nous faut désormais reconstruire des unités humaines, des unités économiques, des unités sociales, de plus petite taille, sans quoi on multipliera les conflits, par manque de territoires, par manque de ressources, par manque … de finalités et de vie heureuse. L’être humain a besoin de se relier et de partager. Avec d’autres humains, avec la nature, avec les mystères du monde. Tout n’est pas mesurable, commercialisable, objet de spéculation ou d’appropriation.

La Terre nourricière

Dans le domaine de l’agriculture, les petites exploitations tournées vers la transition, le respect de l’environnement, des lois de la nature et d’une façon générale, du vivant, sont une solution à la crise alimentaire qui se profile. Utiliser les terres pour de l’agriculture durable, qui agrade les sols plutôt que de les dégrader. Ne pas les gaspiller pour des productions sans intérêt direct local – comme des aliments destinés à du bétail lointain ou la confection de substituts à l’énergie thermique (servant majoritairement à un tourisme par ailleurs destructeur). Favoriser le retour à une polyculture durable, le reboisement intelligent et la récupération des eaux de pluie pour cultiver ou pour des utilisations basiques (plutôt que le pompage dans la nappe phréatique d’une eau qui a mis des années à se purifier et s’imprégner de multiples oligoéléments et éléments utiles à notre santé).

Il y a tant de solutions à notre portée ! Mais elles enrichissent peu. Dans ce cas, changeons nos indicateurs de croissance ! Quittons les indicateurs monétaires pour des indicateurs d’épanouissement collectif, de santé collective et de durabilité de notre environnement.

Jour de la Terre 
Samedi 20 Avril 2024

Pour la première fois le 22 avril 1970, le Jour de la Terre, fondé par le sénateur américain Gaylord Nelson, fut célébré avec des actions de sensibilisation à l’écologie et au nettoyage de la planète. Aujourd’hui, le Jour de la Terre est reconnu comme l’événement environnemental populaire le plus important au monde et plus de 500 millions de personnes dans 184 pays y participent. Nouvelle Acropole s’y associe dans tous les pays où elle est représentée, notamment en France, par le biais d’action de volontariat, de conférences, d’ateliers de sensibilisation ou encore des moments de connexion à la nature.
Le Jour de la terre s’inscrit dans le Festival Jour de la Terre-Mère, auquel Nouvelle Acropole France participe en tant qu’association partenaire.

Informations :
www.nouvelle-acropole.fr
https://www.nouvelle-acropole.fr/actions/agenda/day/20240420
Jean-Pierre LUDWIG
Formateur à Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole 
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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