Philosophie

Erato, muse de la poésie amoureuse

Une des neuf muses, filles du dieu grec Zeus, Érato représente la muse de la poésie lyrique et amoureuse. Elle chante l’amour et la beauté.

Érato, muse de la poésie amoureuse
Érato, muse de la poésie amoureuse

J’ai vu aujourd’hui une autre des muses, généreuses créatures qui descendent de temps à autre dans le monde aride des humains pour verser une goutte de leur éternelle inspiration. Et, au milieu de ce monde étrange dans lequel nous vivons, au milieu de ce monde sec et torturé, j’ai vu devant moi la douce Erato, reine de la poésie, génie de la poésie lyrique, fontaine de l’amour.

Cédant à ma première impulsion, j’ai vu d’elle son apparence et, comme cela m’est toujours arrivé, je suis restée absorbée dans sa présence, essayant de chercher un peu plus loin le contenu interne des nombreux symboles qui la paraient. J’ai vu sa simplicité, sa modestie et sa délicatesse, j’ai vu sa tête couronnée de roses ; j’ai vu les plis de sa mante, qui dans leur chute étaient un chant d’harmonie, j’ai vu sa lyre et sa flèche, et le petit Éros tournant autour à ses pieds, cherchant lui aussi — bien que petit dieu — l’appui de la muse pour avoir plus d’impact sur les hommes.

Et, après la vision, est venu le rêve… rêve qui amplifie l’énorme différence entre l’environnement qui a vu naître la muse et celui qui nous entoure aujourd’hui. Rien apparemment de plus dissemblable que ces temps anciens, héroïques et passionnés, et ces autres, veules et malveillants, entre ces époques de poèmes et de sentiments raffinés et ces autres, de bruit et d’instinct. Et ceux qui, aujourd’hui, aspirent au bon et au juste, ce qui doit vivre au fond de tout être humain, portent en plus la douleur que suppose devoir le cacher, le dissimuler, le taire ou pleurer seul à seul, puisque la mode ne permet pas ces « faiblesses ».

Erato chante un amour sublime, qui échappe totalement à notre à notre temps et à notre espace.
Erato chante un amour sublime, qui échappe totalement à notre à notre temps et à notre espace.

Des chants d’amour accompagnés par la lyre

C’est ainsi que parmi des vagues de douleur est venu le rêve… J’ai entendu des vers, pure merveille au sein d’un rythme suave, avec de vieilles paroles oubliées, si simples et si pures qu’elles n’ont aucun sens si elles ne sont pas chargées de sentiments concordants. J’ai entendu les sons lyriques qui réunissent toute la Nature en un seul chant à la beauté. La lyre de la muse s’exprimait en mélodies ténues pour accompagner ces vieux poèmes d’amour.

Alors, j’ai vu prendre vie le petit Éros. Le tendre enfançon divin fixait ses yeux espiègles sur la flèche que la muse tenait à la main, et tout acquérait une couleur plus profonde, plus intense.

J’ai compris — une fois de plus — qu’Erato chante un amour sublime, qui échappe totalement à notre à notre temps et à notre espace. J’ai su que la muse ne vit plus parmi nous, parce que très peu nombreux sont les hommes qui veulent connaître cet amour sans limites qui s’appuie à peine sur le corps, pour s’élever vers des strates subtiles où se trouve la racine même de la vie. J’ai vécu l’intense nostalgie de ces vagues cadencées où la poésie prend le même rythme que l’écoulement du sang, où les mots ont la même exubérance que les eaux de la mer, et où le sentiment est matrice de visions célestes.

Belle et chaste Érato : ton lyrisme n’est pas mort avec le temps, ton antique mythe n’est pas le mensonge qu’on nous conte aujourd’hui. Ton existence est aussi réelle que l’impérieux besoin que ressentent les hommes de ce que tu représentes. Mais, comme tes autres sœurs, personne ne te comprend par peur de te comprendre ; personne ne te suit du fait de l’immense travail que signifie s’extirper de la boue. Peur de voler comme toi, de chanter comme toi et de ressentir comme toi, parce que tout cela équivaudrait à  vivre l’âme propre, ouverte et à nu. C’est pourquoi aujourd’hui, les corps se dénudent et les âmes se couvrent de guenilles sales… C’est pourquoi la poésie est morte, c’est pourquoi meurent peu à peu les paroles amoureuses et c’est pourquoi le geste de douceur de ton royaume a été remplacé par la brutalité et l’ironie…

Mais je t’ai vue et je sais que tu existes… Bien que ta vision soit fugace, j’ai été avec toi un instant et, depuis mon humble condition de mortelle, je fais désormais l’effort nécessaire pour perpétuer ta gloire et ta beauté. Laisse-moi chanter pour toi, laisse-moi me servir de la lyre et inspire mes cris, couvre-moi de ta tendresse et fais que ce que je dis aujourd’hui — ce que j’ai vu aujourd’hui — soit réalité pour tous ceux qui, muets et désespérés, rêvent de toi sans le savoir.

Traduit de l’espagnol par Marie-Françoise TOURET
N.D.L.R. Le chapeau et les intertitres ont été rajoutés par la rédaction
Par Délia STEINBERG GUZMAN
Présidente internationale de Nouvelle Acropole

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