Entre blockbusters et films d’horreur, dans une société happée par la distraction permanente, et à une époque où les jeunes enchaînent les séries sans en garder la moindre trace, la production audiovisuelle semble avoir perdu son rôle de déclencheur de conscience. C’est pourtant le défi que tente de relever Jupiter Films depuis trente-cinq ans. Pour en parler nous avons rencontré Thomas Roeloffs-Nuthmann, son directeur adjoint.
Revue Acropolis : Bonjour Thomas, nous allons découvrir votre maison de production, Jupiter Films, qui se bat pour offrir des contenus qui élèvent l’esprit et transmettent une connaissance. Pour commencer, pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a amené à rejoindre Jupiter Films ?
Tom Roeloffs-Nuthmann : Avec plaisir. Je suis le fils du fondateur et président de Jupiter Films, créée en 1986 par Jan Roeloffs. Depuis mon enfance, j’ai baigné dans l’univers du cinéma. Mais au-delà de cette passion familiale, j’ai développé un intérêt profond pour la transmission de thèmes peu abordés par les médias traditionnels : la santé, l’éducation, la spiritualité, la connaissance et les sciences. Je me souviens encore d’un salon de à Bâle en l’an 2000, où je présentais des films sur ces sujets à partir de simples VHS. Après des études en gestion et compatibilité, j’ai intégré Jupiter Films et gravi les échelons jusqu’à devenir directeur adjoint il y a une dizaine d’année.
Revue A. : Quelles sont les activités principales de Jupiter Films ?
T.R-N : Nous faisons de la production, de la distribution et de l’édition de films cinématographiques. Mais avant tout, c’est une histoire de passion : nous choisissons des thèmes qui nous touchent et que nous souhaitons partager. Certains films sont produits en interne, d’autres uniquement distribués.
Nous organisons aussi des événements comme des ciné-débats, ciné-rencontres. Ces moments de partage enrichissent la réflexion collective et permettent d’ancrer nos films dans une dynamique locale et universelle.
Revue A. : Comment choisissez-vous vos thèmes et votre ligne éditoriale ?
T.R.-N. : Nous cherchons à questionner et à élever les consciences. Le cinéma est un outil culturel puissant, mais il gagne encore plus d’impact lorsqu’il est accompagné de rencontres et de débats. Nous valorisons les initiatives locales et les thèmes qui résonnent avec le présent. L’idée est de partager une vision du monde positive et diversifiée.
Revue A. : Les jeunes consomment de plus en plus de contenu via des plateformes comme Netflix. Quel est votre point de vue sur cette évolution ?
T.R.-N. : Le contenu audiovisuel peut provoquer des prises de conscience, mais la surabondance actuelle submerge souvent les spectateurs. Il est essentiel de choisir des informations de qualité pour éviter l’anxiété et maintenir un équilibre. Chez Jupiter Films, nous évitons les contenus violents ou anxiogènes, préférant diffuser des messages qui élèvent l’esprit, favorisent le bien-être et partagent la connaissance.
Revue A. : Trop d’écrans ou pas assez ?
T.R.-N. : Nous vivons dans une ère numérique fascinante, mais elle pose des défis. L’instantanéité des smartphones est à double tranchant : on accède à une encyclopédie dans sa poche, mais cela affaiblit notre mémoire interne. Tout va dépendre de l’usage que nous en faisons. Nous sélectionnons des films positifs qui poussent les spectateurs à vivre et partager des expériences réelles. Le cinéma peut créer des cercles vertueux s’il permet aux gens de se regrouper autour de questions universelles. Le cinéma doit amener la rencontre.
Revue A. : Quels principes guident vos choix de films ?
T.R.-N. : Nous avons plusieurs mantras. « Partager la connaissance, favoriser le bien-être et élever les consciences ». « Il n’y a pas de vision unique ; la diversité est une richesse ». Nous croisons les perspectives scientifiques et spirituelles pour offrir des contenus complets et nuancés. Par exemple, dans L’intelligence des arbres, nous montrons comment la forêt prospère grâce à l’écosystème entier, sans hiérarchie. Chaque film est choisi avec intuition et vision.
Revue A. : Quel film vous a le plus impacté ?
T.R.-N. : C’est n’est pas une question facile, tous les films du catalogue de Jupiter sont comme mes enfants. Chaque film est pour moi une pièce de l’ensemble, un fragment de ce grand tableau que nous pouvons appeler la Vie.
Si je devais en sélectionner un seul, je choisirais L’Intelligence des Arbres, c’est une belle introduction sur les nombreux thèmes présents dans le catalogue de Jupiter Films, qui contient de nombreuses références à d’autres films : Ayurveda, l’Eau, etc. Toujours avec cette même idée de fournir aux spectateurs les outils et connaissances nécessaires pour agir et approfondir les sujets.
Revue A : Quels sont les défis actuels pour un producteur comme vous ?
T.R.-N. : Nous cherchons un équilibre entre profondeur et accessibilité. Les modes de consommation évoluent rapidement. Les spectateurs préfèrent les plateformes et les formats courts, ce qui nous pousse à réfléchir à des mini-séries ou des documentaires condensés. Mais peut-on vraiment transmettre une réflexion complexe en 15 minutes ?
En effet un film construit son impact progressivement : parfois, il faut une heure pour atteindre son point culminant. Cette heure n’est pas du remplissage, mais une préparation essentielle. Si l’on coupe ce temps pour ne consommer que des moments forts, on oublie que le cheminement fait partie de l’expérience. Sans cette progression, l’émotion et la réflexion s’effacent plus vite, et l’impact ne s’ancre pas durablement dans les mémoires.
Revue A. : Un conseil pour la jeunesse ?
T.R.-N. : Croquez la vie sans excès. Expérimentez, informez-vous, vérifiez vos sources et prenez du recul. Soyez observateurs de vous-mêmes pour développer une résilience face aux aléas de la vie. En cultivant des cercles vertueux, nous pouvons avancer ensemble et construire un monde meilleur. Ne pas regretter le passé, appréhender le futur, mais vivre chaque instant dans le présent, ici et maintenant et regarder nos films ! (1).
Revue A. : Quels sont vos projets à venir ?
T.R.-N. : Nous travaillons sur plusieurs projets passionnants. Fin 2024, nous avons sorti Toucher Terre, Construisons en terre, un film sur les aspects philosophiques, écologiques et pratiques de la construction en terre. Mais aussi Krishnamurti, la Révolution du silence, film poétique presqu’initiatique à travers la pensée de ce philosophe. C’est une grande joie de faire vivre ces films et leurs nombreux thèmes si actuels. En 2025, nous sortirons le film Wildind, Ré-ensauvagement sur une exploitation agricole en faillite, qui retrouve la profitabilité en faisant confiance à la nature sauvage dans toute sa diversité originelle.
