Philosophie

L’attention juste

Dans l’exercice de la discipline mentale de « L’Octuple sentier » de l’enseignement du bouddhisme, après l’effort juste, nous sommes conduits à nous exercer à l’attention juste.

L’attention est indispensable à notre vie consciente, puisque c’est l’outil intérieur qui fixe notre esprit sur un objet, quel qu’il soit, mental, émotionnel ou physique.
Le manque d’attention, dispersion, oubli, négligence est semblable à un « trou » de conscience, qui fait que nous nous échappons à nous-même.

L’attention juste consiste à rester vigilant, à prendre soigneusement conscience des activités du corps, des sensations et des émotions, des activités de l’esprit, des idées, des pensées et des choses elles-mêmes.
Dans le Dhammapada (1), le Bouddha enseigne : « La vigilance est le sentier de l’immortalité. La négligence est le sentier de la mort. Ceux qui sont vigilants ne meurent pas. Ceux qui sont négligents sont déjà morts. Par sa diligence, sa vigilance, sa maîtrise de soi, l’homme sage doit se faire une île que les flots ne pourront jamais submerger ».

Nous comprenons ici que l’attention ou vigilance est un vecteur de vie. Et tout exercice d’attention est un merveilleux entraînement de l’esprit. Il s’agit de capter ce qui nous vient de l’extérieur, un bruit, une image, une sollicitation, pour le conduire vers l’intérieur, vers la conscience. L’attention nous offre alors sa qualité d’organisation. Si on travaille avec en fond sonore un brouhaha confus, notre attention l’intègre comme présence et peut avoir la capacité de s’en extraire pour se concentrer sur une lecture par exemple. Mais si notre attention est trop sensible, le brouhaha au lieu de rester une présence de fond va devenir une sollicitation qui empêche la concentration sur l’objet choisi.
D’où l’importance d’exercer notre attention sur nos cinq sens pour apprendre à les intégrer en soi, et à les qualifier, à les raffiner. Alors au lieu d’être source de dispersion, ils peuvent devenir l’aliment d’une vie intérieure plus riche.

Nos cinq sens, un bon support pour le travail sur soi

Le toucher passe par le ressenti des sensations sur la peau, chaud, froid, douceur d’un tissu… En exerçant un subtil travail d’attention sur ce sens, nous verrons une extension possible jusqu’à « sentir » les gens autour de soi, ou se laisser « toucher » par une belle musique, ou un sentiment supérieur, comme un vieil ami qui par ses mots peut nous toucher jusqu’au plus profond de nous-mêmes. Est-ce seulement la peau qui peut sentir le toucher ? Non, visiblement pas. Ce tact qui nous touche prouve que ce sens exercé va bien au-delà.
L’ouïe nous permet d’écouter les sons et parfois de percevoir au-delà de ce qu’on écoute, ce qui n’est pas forcément dit, mais que l’on entend, que l’on appréhende, que l’on devine…
La vue, c’est voir avec nos yeux physiques. Mais c’est aussi voir au-delà des apparences, intuiter, pénétrer au-delà des formes pensées, percevoir (voir à travers) des situations. Dans la tradition taoïste, on parle de voir avec les yeux du dedans…
Le goût nous fait apprécier la saveur des aliments, mais n’y a-t-il pas un bon goût, du goût pour décorer sa maison, pour se vêtir. L’attention affinée sur ce sens nous fait goûter le beau, qui donne une autre saveur à la vie.
Enfin c’est l’odorat qui couronne les sens, en nous permettant de sentir les odeurs des plus grossières jusqu’au parfum les plus subtils… mais pas que, car « avoir du nez » est une autre façon d’exercer son attention sur ce sens. C’est découvrir ce qui apparemment est caché, c’est sentir les situations, parfois même avant qu’elles ne nous arrivent.

L’attention sur nos sens développe notre intuition, et la vie ainsi trouve une autre dimension, plus profonde et plus subtile à la fois.

Exercice philosophique :
Exercice d’écoute des bruits sans se laisser happer par l’un d’eux en particulier. 3 mn
Qu’il y-a-t-il de difficile ?
Quand quelque chose vient cogner notre organe sensoriel, ne pas y répondre demande une grande détente intérieure. Profondément détendu. Une fois que le bruit arrive, c’est un réflexe de sortir de soi-même pour aller vers la source. C’est une fuite de soi. Le mouvement que les organes sensoriels font vers l’extérieur, on s’exerce à l’arrêter.

Ecoute musicale pour votre méditation :
Rachmaninoff: Piano Concerto no.2 op.18 – Anna Fedorova – Complete Live Concert – HD
https://www.youtube.com/watch?v=rEGOihjqO9w

(1) Texte le plus célèbre des recueils qui composent le canon bouddhique pâli, contenu dans le Tipaka, les « trois corbeilles », où sont réunis les discours et enseignements du Bouddha et constituent la base du bouddhisme 
par Catherine PEYTHIEU
Formatrice de Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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