Philosophie

Le couple, une alchimie et un parcours initiatique de tous les jours

Une meilleure compréhension des similitudes et des différences entre hommes et femmes, peut nous permettre d’apprendre à construire une relation plus riche et la conduire vers sa plénitude en toute conscience.

Le couple est cet autre dont on se sentira le plus proche, en partageant notre intimité et en dévoilant notre vulnérabilité. Apprendre à créer ce troisième terme entre soi et l’autre par la relation est une expérience unique et enrichissante qui nous permet d’inclure peu à peu toutes les formes de l’Autre dans sa richesse et sa diversité, si nous ne faisons pas du couple une entité fermée sur elle-même et trop protectrice.

La tendance qui guide aujourd’hui le couple est de vivre ensemble tout en préservant l’autonomie de chacun.
La tendance qui guide aujourd’hui le couple est de vivre ensemble tout en préservant l’autonomie de chacun.

Une nouvelle vision du couple

Si dans notre société la notion du couple a évolué, on veut toujours constituer un couple, tout en faisant évoluer la façon de vivre à deux. On est davantage attaché à la vie à deux mais dans de bonnes conditions, plutôt qu’à la personne avec laquelle on s’unit.
Si le couple concentre de fortes attentes en matière d’épanouissement sexuel et de liberté individuelle, il est aussi source de tensions et de conflits nés de la gestion du quotidien. Donc, si le couple en soi n’est pas menacé en tant que valeur, on cherche de nouvelles manières de le construire, dans la répartition des rôles conjugaux et la satisfaction des besoins masculins et féminins qui ne mettent pas l’accent sur les mêmes choses.La tendance qui guide aujourd’hui le couple est de vivre ensemble tout en préservant l’autonomie de chacun.

Semblables mais différents

         Sur le plan biologique

La différence biologique entre les hommes et les femmes est gérée par le processus hormonal qui différencie les caractères sexuels primaires et secondaires chez l’homme et la femme et également la manière de gérer le stress.
Les hommes gèrent la pression en alternant les prises de décision pour régler les problèmes et les temps de repos et de détente. La femme trouve son équilibre entre le don aux autres et les moments pour elle, où elle reçoit le soutien d’autrui. La détente aide à restaurer le taux de testostérone et le soutien procure des montées d’ocytocine.
De plus, l’ocytocine est l’hormone de l’amour et la testostérone celle du désir sexuel. Ces hormones ont par ailleurs un effet bénéfique sur la santé.
Sur le plan du cerveau, on constate aussi des différences qui conduisent l’homme plutôt vers la compétition et la femme vers la coopération.
Pour améliorer leurs relations, les femmes et les hommes doivent apprendre à parler deux langages et comprendre que les besoins de l’autre ne sont pas les mêmes que les leurs.

          Sur le plan psychologique

Les valeurs masculines et féminines en tant que telles peuvent être symbolisées par les images du logos, la raison et la pensée, associées au masculin, et de l’eros, le sentiment et la relation associés au féminin.
Le psychiatre Carl G. Jung expliquera les caractéristiques du masculin (logos) et du féminin (eros) et, d’autre part, comment en chacun de nous existent des images de l’âme (archétypes) (1) complémentaires de notre polarité sexuelle.
Donc, si l’homme manifeste sa nature masculine dans son conscient, son inconscient comportera une figure du féminin qu’il a nommée l’anima. Si la femme manifeste sa nature féminine dans son conscient, son inconscient comportera une figure du masculin qu’il a nommée l’animus.

L’homme maîtrise la vie par l’entendement mais la vie vit en lui par le truchement de l’anima. Elle correspond à la vie relationnelle et affective (l’eros). L’anima est comme une médiatrice ou guide de l’homme, comme une muse inspiratrice.
La femme maîtrise la vie, elle vit habituellement à travers l’eros, mais la vie réelle, qui va jusqu’à entraîner son sacrifice, parvient à la femme à travers la raison, qui est en elle incarnée par l’animus. L’animus correspond à l’intelligence, à l’esprit. Sa principale caractéristique est le rationalisme créatif.

On choisit son couple en fonction des images projetées de l’autre sexe. Au cours de notre vie, ces images évoluent, car elles doivent nous aider à réaliser la totalité de notre potentiel.

Le premier Adam serait un modèle d’humanité androgyne, porteur des deux genres : « mâle et femelle il les créa ».
Le premier Adam serait un modèle d’humanité androgyne, porteur des deux genres : « mâle et femelle il les créa ».

          Sur le plan symbolique

Dans de nombreuses traditions, de l’unité primordiale naît une dualité, polarisée en deux principes émetteur et récepteur qui gardent, malgré leurs différences, cette « nostalgie » des origines et d’une unité perdue qu’ils cherchent à reconstruire par leur union.
La Bible aussi parle d’une première création où masculin et féminin sont unis, avant la première division et tout ce qui s’en suivra.Tant que le premier anthrôpos était un, il ressemblait à son niveau, par son unicité, au monde et à Dieu. « L’égalité partagea l’anthrôpos en homme et en femme, deux portions, inégales dans leurs forces mais tout à fait égales pour le but vers lequel se hâte la nature, la génération (genesis) d’un troisième être semblable. Il est écrit en effet, « Dieu fit l’anthrôpos ; il le fit selon l’image de Dieu ; il le fit mâle et femelle », non plus « lui », mais « eux », ajoute-t-il au pluriel [GN I, 27], passant du genre aux espèces qui comme je l’ai dit, furent divisées par la loi d’égalité » (2).

Le Zohar soutient une lecture dite « androgyne » de la création de l’homme. (3) Le premier Adam serait un modèle d’humanité androgyne, porteur des deux genres : « mâle et femelle il les créa ». Un homme à deux visages et à deux genres aurait été créé en un seul corps (à la manière de l’androgyne du Banquet de Platon). D’après cette lecture, le deuxième chapitre décrirait une séparation ultérieure, ce que la tradition juive appelle la césure originelle. De l’être à deux genres du premier chapitre surgissent les deux êtres sexués et différenciés par leurs tâches et leurs lots, et destinés à évoluer côte à côte. La conception de la femme dans le judaïsme évolue entre l’appréciation flatteuse et une vision péjorative. Mais, il ne développe pas la théorie du « pêché originel » dont la femme aurait été l’origine. L’acte d’Ève introduit du désordre dans le projet divin pour l’homme (le « paradis »), mais à travers l’histoire – qui débute alors – le couple humain se voit reconnaître la possibilité de se racheter par ses actes.

L’alchimie de la relation

Construire un couple c’est se confronter à l’héroïsme au quotidien. Le mariage est un parcours initiatique, un combat et une aventure.  Comme dit le philosophe Alain de Botton : « On devrait vivre sa vie de couple comme un roman d’amour écrit à deux. Un roman d’apprentissage. Car aimer, ça s’apprend, ça n’est pas inné. L’amour est un talent à cultiver et pas seulement une émotion. Il nait d’un enthousiasme, mais pour durer et se fortifier, il requiert du savoir-faire, comme une œuvre d’art. (…) Si deux personnes qui s’aiment pensaient qu’elles sont cocréatrices de leur couple, de leur amour, elles en tireraient de la fierté et du courage. C’est ainsi que l’amour peut faire grandir les deux protagonistes. » (4)
Aimer quelqu’un, c’est avoir la générosité et l’énergie d’aller au-delà des paroles blessantes, pour identifier l’ancienne douleur qui les fait naitre et aider à y remédier. Tout le monde, a fortiori son conjoint, mérite d’être compris et pardonné. Il faut cesser d’exiger l’amour parfait, pour se mettre à le prodiguer sans calcul.

L’amour vrai est réciprocité, il stimule et donne le sentiment d’être reçu, d’être accueilli, d’être amplifié.

(1) Formes ou images de nature collective universelle qui constituent le fondement des mythes. Ces formes primordiales se chargent de contenus particuliers par le vécu de l’individu
(2) Philon d’Alexandrie, Commentaire allégorique, in Eros enchaîné, André Paul, Éditions Albin Michel, Paris, 2014
(3) Lire En tenue d’Ève, féminin, pudeur et judaïsme, Delphine Horvilleur, Éditions Points, 2018, 194 pages
(4) L’odyssée du couple, article d’Astrid de Larminat, Le Figaro, 29 septembre 2016
Par Laura WINCKLER
Philosophe, écrivaine et conférencière, licenciée en lettres classiques et en philosophie, Laura Winckler s’est spécialisée dans l’étude de la pensée symbolique à travers de l’œuvre de Mircea Eliade et de Carl Gustav Jung. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages, parmi lesquels Comprendre les âges de la vie, Femme, fille des déesses, les Dieux intérieurset de très nombreux articles sur la philosophie et le symbolisme. Son dernier ouvrage est L’alchimie du couple, paru aux éditions Cabedita, 2017, 168 pages

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