Le symbolisme du football
Alors que l’année s’achève avec le sacre de l’Argentine en tant que vainqueur de la Coupe du monde, la 21e Coupe du monde touche à sa fin. Qu’est-ce qui peut bien pousser des hommes et des femmes à jouer et à s’enthousiasmer pour le football ?
Cette 21e Coupe du monde restera dans les mémoires pour de nombreuses premières : la première fois que le tournoi a été organisé dans le monde arabe, la première fois qu’il s’est déroulé dans un pays musulman, la toute première Coupe du monde en hiver, la première fois que des femmes ont été autorisées à arbitrer dans le tournoi de la Coupe du monde masculine.
L’une des questions que l’on me pose souvent est la suivante : « Je ne comprends pas, pourquoi tant de gens s’enthousiasment pour 22 hommes en sueur qui courent après un ballon ? »
Qu’est-ce qui peut bien pousser un groupe d’hommes et de femmes à s’entrechoquer spontanément, à exploser de joie et à lancer des verres de bière en l’air lorsqu’un but est marqué ? Bizarre, non ? Ces événements sont remplis de chants qui protestent et raillent les adversaires et de chansons qui expriment la joie et l’admiration. Et pour l’équipe perdante, nous voyons des hommes et des femmes adultes réduits à des flaques de larmes lorsque leur équipe a perdu.
Pour les apathiques, cela n’a aucun sens, peut-être même trouvent-ils cela légèrement incroyable.
Alors pourquoi cette fascination ?
L’espace sacré, lieu du combat
Le sport offre un espace sûr pour la compétition et le combat. Un endroit où l’on peut se battre pour surmonter les obstacles et les épreuves. C’est quelque chose que nous comprenons tous. La compétition est peut-être moins présente au quotidien, mais les conflits et les obstacles sont toujours présents dans la vie. Que ce soit au travail, à la maison avec la famille, ou à l’école pour tenir tête à celui qui vous intimide, pour décider de ce qu’il faut choisir pour le parcours des études supérieures. Ou comment se rendre au travail si tous les trains sont annulés.
Le jeu de football est simple : deux équipes s’affrontent dans un même espace et doivent respecter un ensemble de règles. Marquez un but de plus et la victoire est à vous.
Ce qui distingue le football de la vie, c’est que le football se déroule sur un terrain. Des lignes marquent les limites d’un terrain de football. Elles créent un espace où le jeu peut se dérouler. Et pas un millimètre ou un pied en dehors de cet espace. Le football moderne dispose de la technologie de l’arbitrage assisté par vidéo (VAR) pour garantir le respect des règles du football. Des millions d’euros sont dépensées dans les stades, ces temples sportifs modernes où le football se joue dans cet espace sacré. Dans cet espace, les deux buts représentent la partie la plus sacrée du terrain pour les deux équipes. C’est là que la victoire peut être obtenue si des buts sont marqués ou que la défaite peut être infligée s’ils ne sont pas soigneusement protégés.
Et que représente le ballon ? La plupart des sports modernes utilisent une forme de ballon sphérique. Football, rugby, snooker, golf, tennis, etc. Le ballon représente le « centre ». Le centre est ici et il peut être partout. Dans de nombreuses cultures proto-indo-européennes, il marque le commencement (1). Le début du jeu est marqué par le coup de pied du ballon au centre du terrain. Chaque fois qu’un but est marqué, le ballon revient au centre, ce qui représente la fin d’un cycle de jeu, une remise à zéro et le début de la période suivante. Chaque joueur veut être relié au ballon et être au centre de l’action. Il représente l’opportunité et le progrès. Avec le ballon, vous avez la possibilité de créer des ouvertures, du mouvement, de l’élan et surtout de marquer des buts.
Marquer un but représente un progrès qui vous permet de faire évoluer votre jeu, de vous donner le temps de réfléchir et de réévaluer votre stratégie.
Du point de vue du joueur, il est important de connecter le centre de l’individu avec le centre du ballon. Ce n’est que lorsque l’harmonie est atteinte que l’homme et le ballon ne font qu’un, lorsque le ballon est à sa disposition.
Le combat entre deux opposés
L’un des aspects symboliques intéressants du football, et de tous les sports, est son lien avec le conflit éternel, la bataille entre la lumière et les ténèbres, le Yin et le Yang, le bien contre le mal. Cette danse entre les deux forces est projetée à travers le jeu de football. Votre équipe est toujours les « bons » et vos adversaires sont toujours considérés comme les antagonistes. La victoire de votre équipe représente la victoire pour vous. La défaite, en revanche, marque une mort symbolique, l’achèvement et la fin du combat. Cependant, le match suivant est comme le phénix qui renaît de ses cendres. L’équipe perdante a une nouvelle occasion de se relever, de se remettre de ses blessures, d’ajuster sa stratégie et de participer à nouveau au combat éternel.
Pour ceux qui regardent le match, il ne s’agit pas seulement de regarder un match. Ils sont « dans » le jeu, ils « jouent » le jeu. Ils vivent la même expérience que les joueurs. Du point de vue scientifique, on appelle ce phénomène le « neurone miroir », c’est-à-dire que la personne qui regarde le match fait fonctionner les mêmes neurones que celle qui y joue. Ce phénomène a été découvert par Giacomo Rizzolatti et son équipe en 1992 (2). C’est pourquoi, que vous soyez au stade, au café ou chez vous en train de regarder le match, vous vous sentez connecté et partie prenante du jeu, vous sentez la douleur du tacle (3) de l’adversaire, le but manqué de peu et surtout la joie et la satisfaction lorsque votre équipe a marqué un but.
Le football a touché les cœurs et les esprits de nombreuses personnes à travers le monde et nous a permis de nous unir dans son langage. Mais peut-être ne s’agit-il pas seulement d’un jeu, mais d’une compréhension partagée que le football signifie beaucoup plus, une reconnaissance qu’il peut refléter nos luttes quotidiennes et donner une voix à nos conflits intérieurs qui peuvent être exprimés dans ce beau jeu appelé football.
