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Arts

L’Empereur romain, un mortel parmi les dieux 

Le Musée de la Romanité de Nîmes a organisé une exposition remarquable à partir d’Auguste, sur l’instauration du culte impérial et ses caractéristiques particulières. Elle s’est déroulée entre le 13 mai et le 19 septembre 2021 (1).

Auguste est le premier empereur romain, fondateur d’un nouveau régime, le Principat (Princeps inter pares). À la mort de César, après diverses confrontations, il met fin aux guerres civiles et restaure en apparence la République. Mais, il concentre progressivement entre ses mains la majorité des pouvoirs civils, militaires et religieux. 
Il règne pendant 40 ans et reçoit de nombreux hommages officiels et spontanés.

En 27 avant J.-C., il reçoit le surnom d’Auguste (Augustus) qui possède une dimension religieuse et sacrée. L’origine de ce nom est à rapprocher des augures qui interprétaient les volontés de Jupiter, déterminant ce qui était fas, permis par Jupiter et les dieux, et nefas, interdit par eux. Georges Dumézil (2) fait dériver le mot « augure » d’augus qui signifierait « plénitude de la force sacrée ». Augustus signifiera également : celui dont la parole a force d’augure. 

Il porte également l’auctoritas principis, autorité conférée à l’empereur romain en raison de son titre de princeps (premier citoyen de Rome). Chez Cicéron, l’auctoritas du princeps repose sur une supériorité morale presque surnaturelle. Mais elle est elle-même d’essence politique et non morale. Elle complète l’imperium et la potestas qui représentent son pouvoir judiciaire, militaire et administratif.

En l’an 2 avant J.-C., on lui octroie le titre de « Père de la patrie », en tant que protecteur du peuple romain. 

Destinataire d’honneurs exceptionnels, Auguste, le « fils du Divin César », bénéficie d’une aura exceptionnelle qui le situe au-dessus du commun des mortels sans pour autant l’élever au rang de dieu, en évitant toute accusation de despotisme, associée à l’époque aux royaumes orientaux. 

L’image de l’Empereur

Dans le cadre du culte public, la dévotion s’adresse à son Genius (double divin associé à chaque êtreet à son Numen (puissance d’action divine propre aux dieuxet pas à sa personne. On divinise les qualités sans le diviniser lui-même, en rendant culte au Genius Augusti. Par ailleurs, Auguste refuse tout honneur divin de son vivant.
Les Lares Augustes, divinités protectrices de sa famille font l’objet d’un culte populaire dans les quartiers. 

Les pouvoirs d’Auguste et les bienfaits qui en découlent sont personnifiés et divinisés comme des Vertus inspiratrices. Ces vertus sont la Victoire, la Fortune, la Paix Augusta, la Prévoyance Augusta, la Concordia, la Félicité. Le Senat lui octroie le bouclier des vertus (Clipeus vertutis) où sont inscrites la vaillance, la justice, la clémence et la piété.
Tout en étant le garant de la religion traditionnelle, il favorise les divinités attachées à la protection de sa famille (gens) et à son destin : Apollon, Mars Ultor (Vengeur), Venus.

Son règne, mythologisé avec l’image du retour de l’Âge d’or, a en effet marqué un apogée de la civilisation romaine. Il a favorisé les arts, la littérature ou l’architecture, pendant les 40 années de paix. Il a su s’entourer de personnages exceptionnels comme Agrippa et Mécènes qui ont permis le développement et embellissement de Rome. On dit qu’ayant trouvé une Rome en briques, Auguste laissa une Rome de marbre. L’Eneide de Virgile est l’œuvre magistrale qui retrace la grande épopée de Rome à partir de la fuite d’Énée de Troie jusqu’à cet âge d’or ou nouvelle renaissance de l’ère d’Auguste.

Les signes célestes : de la comète de César à la constellation du Capricorne

Auguste se sent particulièrement relié avec le signe du Capricorne, dans lequel se trouve sa Lune et qui serait au Fond du Ciel de son thème astrologique.

Des évènements marquants renforceront le lien qu’il éprouve avec le Capricorne, d’une part en 44 avant J.-C., il voit passer une comète lors des hommages funéraires de César qu’il associe avec son âme divinisée. La constellation de la Lyre (Apollon) était associée à l’époque au Capricorne. Pour Octave, ce jour-là marque sa « naissance symbolique ».
Il recevra le cognomen (nom) d’Auguste le 16 janvier 27 avant J.-C., lorsque le Capricorne est à l’honneur.

Pourquoi choisir ce signe froid, hivernal et féminin ? D’une part, parce qu’il débute avec le solstice d’hiver, le jour le plus court de l’année et le moment où la force solaire commence sa remontée, ce que l’on célébrait avec le culte mithriaque du Sol Invictus, la lumière qui triomphe des ténèbres. Ce renouveau de la lumière était aussi en rapport avec l’avènement de l’Âge d’or patronné par Apollon et qu’Auguste apporte au monde.
C’est un hybride entre terre et eau : son symbole est une chèvre à corps de poisson qui prend ses racines dans la représentation babylonienne du Capricorne, liée à un ancien dieu de la sagesse (Ea). Auguste pacifie le monde terrestre et aquatique.
Sa position au couchant du ciel, renforce également son rôle de maître de la Méditerranée.

Dans la mythologie, le dieu Pan, fils d’Hermès, devient le Capricorne mais une autre version parle d’Aegipan, Pan de la chèvre, frère de lait de Jupiter, associé à la même nourrice, Aix qui deviendra Amalthée. Il aidera Zeus à lutter contre les Titans et en particulier contre Typhon. Zeus l’élèvera au rang de constellation dans le ciel. 
Il apparaît comme une figure de Pan stratège, sauveur de la communauté divine, digne de devenir une constellation sous la forme du Capricorne.

Certains auteurs (3) ont établi le parallélisme entre la carrière d’Octave-Auguste et le Capricorne. Octave était proche du cercle du pouvoir par Jules César, comme Pan l’était de Zeus. Octavien devient le sauveur du corps politique suite aux guerres civiles et ensuite se trouve dans un affrontement semblable à celui de deux camps divins qui oppose les Titans, divinités primitives et sauvages aux dieux olympiens. Il remet de l’ordre sur le chaos. Et il obtient à son tour une récompense pour ses actions en devenant Auguste de son vivant et divus après sa mort. 

« Divus Augustus »

Après sa mort et ses funérailles grandioses, le Senat décrète l’apothéose d’Auguste (consecratio) qui rejoint alors les dieux de Rome, comme être sacré mais pas comme dieu. On le nomme divus (divin) et non deus (dieu). Presque tous les empereurs seront divinisés après leur mort ainsi que quelques-unes des leurs épouses.

Juste après la mort, la Lune recevait les âmes des défunts pour une dernière purification avant qu’elles ne soient accueillies par le Soleil. Le ciel était divisé en une partie supérieure, habitée par les Dieux et les Divi avec un registre inférieur parmi les étoiles et la Voie lactée, réservée aux grandes âmes. 

Le « culte impérial » sera institutionnalisé progressivement à partir du règne d’Auguste, à l’initiative du pouvoir central et des provinces qui témoignent ainsi de leur loyauté. 
Dans les provinces occidentales, les hommages s’adressent à la fois au Génie de l’Empereur et à la déesse Rome.  

Les rites et célébrations sont réalisés par divers représentants de l’État, dont les prêtres flamines sont les plus prestigieux.

Hommages publics

Agrippa, en tant que gouverneur de la Gaule transalpine, favorisera le développement de Nîmes comme Colonia Augusta Nemausus. Deux témoignages majeurs illustrent le lien privilégié des élites locales avec l’empereur Auguste et sa famille : la Maison carrée et l’Augusteum
Le temple du Forum (Maison carrée) est dédié aux petits fils d’Auguste, Lucius et Caius, héroïsés après leur mort et assimilés aux jumeaux divins, Castor et Pollux.
L’Augusteum (4) est un sanctuaire majestueux avec un édifice cultuel, un théâtre et probablement un autel construit dans les Jardins de la Fontaine, où jaillissaient les sources consacrées déjà au dieu local Nemau, qui donnera le nom à la ville.

Hommages privés

La dévotion à l’empereur s’exerce aussi dans la sphère privée. Les images de l’empereur (imagina) sont vénérées dans la maison familiale avec les divinités domestiques (Lares, Pénates et Genius et Juno des maîtres de la maison).
Lors des banquets, on offre une libation en l’honneur du Genius Augusti, par des offrandes d’encens et de vin. 

Le Genius est la divinité immortelle qui représente l’âme immortelle ou double divin de chaque être. La Junon sera l’équivalent féminin du Genius à partir du 1er siècle, avant le mot était le même pour les hommes et les femmes. Il est l’ange gardien qui assure la continuité de la gens et qui accompagne le chef de famille toute sa vie. On lui fait des offrandes le jour d’anniversaire.  Il n’y a pas de lieu de culte pour le Genius, mais il est salué par les libations lors des banquets. 
Depuis les institutions humaines de la cité les plus prestigieuses jusqu’aux ateliers d’artisans, chacun possède un Génie qui les accompagne pendant toute leur existence.  

On peut retenir que ce culte impérial ne s’adresse pas tant à la personne mortelle de l’empereur qu’à son Génie et aux Vertus qu’il doit incarner au service de la grandeur de Rome. Et lors de sa mort, il est divinisé, comme divus mais sans se confondre avec les dieux.

Concluons avec ces mots d’un Parisien de Lutèce du temps de Marc Aurèle : « Ce sera l’honneur d’Auguste, animé par son génie, d’avoir fondé un empire assez souple pour être accepté, assez ferme pour être craint, d’avoir compris que Rome devait accepter les dieux de tous les panthéons, pourvu que chacun fît preuve du loyalisme à l’égard de l’empereur. Chaque cité de l’Empire devint à elle seule une petite Rome, avec son Sénat, ses institutions municipales proches de celles de Rome, mais elle put conserver ses mœurs, ses coutumes et à côté des dieux de l’Olympe, elle eut le droit de placer ses divinités traditionnelles. » (5)

(1) https://museedelaromanite.fr/les-medias-numeriques-de-lexposition-temporaire-de-cet-ete-sont-en-ligne
Divus Augustus : https://youtu.be/_rf5YetYgGk
(2) Philologue, historien des religions et anthropologue français (1898-1986), auteur de nombreux ouvrages sur les mythologies et religions des peuples indo-européens et d’Asie centrale
(3) L’empereur romain, un mortel parmi les dieux, collectif, Éditions Musée de la Romanité, 2021, page 45
(4) Reconstituions sanctuaire Augusteum Nimes : http://www.archeo3d.net/?page_id=3337#jp-carousel-2944
(5) Mémoires d’un parisien de Lutèce, Joel Schmidt, Éditions Albin Michel, 1984
par Laura WINCKLER
Co-fondatrice de Nouvelle Acropole France et auteur

Repères chronologiques

63 av. J.-C. : naissance à Rome d’Octave, le 23 septembre (Caius Octavius Thurinus)
45 av. J.-C. : Adoption d’Octave par Jules César, son grand-oncle
44 av. J.-C. : Mort de Jules César. Octave devient Octavien (Caius Julius Cesar Octavien)
43 av. J.-C. : Jules César est divinisé et Octavien devient « fils du divin Jules »
31 av. J.-C. : Bataille d’Actium, Octavien prend le pouvoir sur l’Empire
30 av. J.-C. : Décret du Senat, instaure libation en l’honneur d’Octavien. (sa date anniversaire devient une fête officielle)
27 av. J.-C. : Octavien reçoit le cognomen (nom) d’Augustus avec une dimension religieuse et sacré. Il devient Imperator Caesar Augustus
14 ap. J.-C. :19 août, mort d’Auguste à Nola à 75 ans. 17 septembre : le Sénat vote sa consecratio (apothéose, déification, cérémonie par lequel un mortel devient un dieu)

Illustrations
(1) Buste d’Auguste , couronné de chêne, Prima porta, Musée du Louvre
(2) Bouclier des vertus, Clipeus virtutes, Arles, musée archéologique
(3) Apollon citharède reçoit une libation d’une Victoire, relief architectural en terre cuite
(4) Comète Divus Iulius, denier d’Auguste
(5) Dessin de l’Autel des Lares et du Genius Augusti, Londres, British Museum
(6) La Maison carrée de Nîmes
(7) Vue des Jardins de la Fontaine avec source


Exposition

Lyon
EnQuête de pouvoir
De Rome à Lugdunum
Jusqu’au 27 février 2022

Cette exposition enquête sur la notion de pouvoir à Rome, ses facettes, ses stratégies, ses alliances, ses oppositions », à travers une crise politique de l’Empire romain qui se cristallisa à Lyon, en 197, avec la bataille de Lugdunum (Lyon). Le 31 décembre 192, l’empereur Commode meurt sans avoir désigné de successeur. Une crise politique qui conduit à une guerre civile. Pertinax, le candidat désigné par le Sénat pour succéder à l’empereur est rapidement assassiné par sa garde rapprochée. Quatre sénateurs s’affrontent alors pour le pouvoir : Julianus, Niger, Septime Sévère et Albinus.

 
Musée lyonnais Lugdunum – Musée et théâtres romains
17, rue Cleberg 69005 Lyon
Tel : 04 72 38 49 30
https://www.museemusee.com
https://www.museemusee.com/musees/424-lugdunum-musee-theatres-romains-lyon.html
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