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ArtsRevue

Notre-Dame de Paris : L’âme de la France et des bâtisseurs (2ème partie)

Le 8 décembre 2024 la cathédrale Notre-Dame de Paris a rouvert ses portes. Cinq années de chantier ont mis en lumière le savoir-faire des bâtisseurs d’hier et d’aujourd’hui, qui, inspirés par un idéal plus grand qu’eux, ont (re)construit ce chef d’œuvre, tout entier chargé de l’âme de la France.

Plus qu’un monument, c’est avant tout un symbole à la résonnance universelle que l’incendie du 14 avril 2019 a détruit. Pour l’évoquer Fernand Schwarz, anthropologue, philosophe, fondateur de Nouvelle Acropole en France, et Philippe Giraud, artisan tailleur de pierre du Perche, compagnon du Devoir et ouvrier sur le chantier de restauration, se sont réunis autour d’une conférence réalisée à la Cour Pétral (Perche), le mercredi 16 Octobre 2024.

Un chantier de construction de bâtisseurs et de compagnons

Comme l’explique Philippe Giraud, la construction des cathédrales a exigé une très grande spécialisation dans des techniques qui pouvaient se révéler complexes, notamment avec l’arrivée de l’art gothique et des nouvelles contraintes.
L’existence de confréries d’artisans remonte à l’Égypte ; puis on les retrouve en Grèce et à Rome pour les constructions de temples ; au Moyen-Âge avec les moines bâtisseurs d’abbayes et de monastères ; ensuite ces techniques se transmettent à des artisans laïcs qui eux-mêmes les transmettront dans la relation de maître à disciple et grâce à la thésaurisation de l’expérience. Des écoles se créent, certaines autour des cathédrales en construction, pour apprendre ces savoirs anciens dont certains ont été perdus.

Les valeurs des compagnons

À l’époque des cathédrales, il existait un lien très fort entre le clergé et les artisans qui travaillent en lien avec le monde invisible.

Une des devises des compagnons est : « se construire en construisant ».

Pour les Compagnons, se construire implique d’avoir des valeurs, du respect pour les autres, transmettre humblement, savoir écouter, mettre en avant des valeurs du savoir être, complémentaires du savoir-faire. En travaillant on apprend à la fois une technique mais on apprend également sur soi, sur sa façon d’agir, de réagir devant les obstacles et de les dépasser. Tout comme le philosophe qui pratique la philosophie dans sa vie quotidienne comme un mode de vie. 

Une autre devise que l’on voit affichée à l’entrée d’une maison de compagnons est : « Ne pas s’asservir, ni se servir mais servir. » Le travail des Compagnons n’est pas de se soumettre ni de profiter de ce qu’il fait mais de servir pour un idéal ou une cause plus grande que soi, qui nous fait grandir et nous libère. Un autre texte fondateur est la Prière de l’artisan, créée par des moines enlumineurs du Haut Moyen-Âge, vers le huitième siècle. Elle porte les valeurs des compagnons.
On peut lire : « Montrez-moi Seigneur – Les Compagnons l’ont transformé en Rappelons-nous, parce qu’ils sont laïcs –. « Montrez-moi Seigneur, que l’ouvrage de nos mains t’appartient, et qu’il nous appartient de le rendre en le donnant ». « Dans tout labeur de mes mains, laisse une grâce de toi, pour parler aux autres et un défaut de moi, pour me parler à moi-même ». On ne construit pas pour soi mais pour quelque chose de plus grand que soi et on reste humble, en gardant l’esprit de service.

Cette prière évoque l’histoire des trois tailleurs de pierre. Le premier travaille mécaniquement sa pierre avec un air sombre et fatigué. Il taille une pierre. Le second tailleur effectue le même travail, mais de façon un peu moins mécanique. II taille une pierre pour construire un mur. Le troisième tailleur de pierre semble heureux, voire radieux, nulle trace de fatigue ne se lit sur son visage alors qu’il taille une pierre avec exactement les mêmes outils et la même technique que les deux autres. Il est en train de construire une cathédrale. Il est heureux car il est motivé, engagé dans une tâche qui élève son âme vers quelque chose de plus grand que lui, qui le dépasse et le transforme. 
Quand les moines chrétiens et ensuite les confréries d’artisans bâtissaient les monuments religieux, l’ouvrage était une forme de prière, une offrande au divin. Ils reliaient la prière et le labeur, ce qu’exprimait la devise « Ora et labora ». Cette devise a été reprise par les artisans bâtisseurs des cathédrales. Tous les acteurs du chantier (maître d’œuvre, ouvrier, apprenti, artisan expert, généreux donateur…) partageaient la même ferveur dans un chantier colossal. Les artisans (mathématiciens, géomètres, maîtres verriers, sculpteurs, charpentiers, couvreurs…) mettaient en commun leurs expériences pour développer leur art respectif et découvrir de nouvelles techniques.

Les trois étapes de l’apprentissage

Chez les Compagnons, l’apprentissage d’une technique ou d’un savoir-faire passe par trois étapes ou règles des trois I : imitation, initiation et innovation. D’abord on imite ce qu’on voit faire par les plus experts, et à force d’imiter, on arrive à une forme d’initiation, c’est à dire que le geste devient naturel. Et enfin, on innove.

C’est une méthode efficace et progressive, qui apprend à un faire un cube, une moulure droite, etc. Autrefois, cette méthode était appliquée aux Beaux-Arts. On savait faire une main, un visage, on savait modeler. Après mai 68, on a perdu cette transmission du savoir-faire, et aujourd’hui, on n’imite personne, on innove directement. Ainsi, le niveau des sculpteurs du XIXe par exemple a été perdu.

Le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris

Philippe Giraud a participé au chantier de restauration de Notre-Dame de Paris. Comme au Moyen-Âge, sur le chantier, il y a les loges des charpentiers, celle des tailleurs de pierre, celle des sculpteurs et celle des verriers. Parmi les artisans, certains sont contemporains, d’autres font de la création dans un esprit médiéval, dynamique et enthousiaste. C’est parfois difficile à cause de la fatigue, l’extrême exigence des architectes. Mais il règne un esprit de fraternité.

Actuellement ce chantier ne représente qu’environ dix pour cent de l’activité de chantier du Moyen-Âge. À l’époque, il existait de nombreuses interactions entre les artisans, les corporations et le clergé qui portait des valeurs de la religion chrétienne et de symbolisme antérieure à cette religion. Les évêques de l’époque étudiaient l’astronomie, l’alchimie, les mathématiques et lors des constructions, ils demandaient de rajouter des détails, comme par exemple, les signes du zodiaque.

Après la réouverture de la cathédrale Notre Dame de Paris, il y aura un autre chantier pour restaurer les pierres abîmées par l’incendie. Avec quel esprit sera-t-il animé ? Avec un esprit cloisonné ou avec un savoir-être et un savoir-faire du type des compagnons ?

Cet article est extrait :
– de la conférence animée par Philippe Giraud et Fernand Schwarz Les bâtisseurs de cathédrales et le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, donnée à la Cour Pétral, le 18 octobre 2024 https://www.youtube.com/watch?v=ka2w3kwHnQQ&t=486s
– du livre de Fernand Schwarz : La symbolique des cathédrales, Éditions du Palais, 2021, 184 pages https://nouvelle-acropole.fr/ressourc…
– du livre de Philippe et Raphaëlle Giraud, Le chant de la Reine, Éditions ADLP, 2029, 124 pages https://stagesatelierdelapierre.weebl…
Marie-Agnes LAMBERT
Rédactrice en chef de la revue Acropolis
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de l’école de philosophie Nouvelle Acropole Fra

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