Éducation

Renouer avec les rites de passage ? 

Les rites de passage, dans les sociétés traditionnelles et celles qui nous ont précédés, étaient chose commune. Dans nos sociétés contemporaines, ils sont de plus en plus inexistants. Ne serait-il pas opportun de renouer avec eux ?

Œuvrer pour permettre à chaque âge d’avoir une place et lui permettre de l’occuper est un outil privilégié, simple et puissant, pour pacifier le tissu social et pour que les âges, au lieu de se confondre ou de s’affronter, puissent vivre leur spécificité, se rencontrer et collaborer afin que fructifient leurs différences. Les rites de passage relèvent des moyens pour y parvenir.

Distinguer pour relier

Lors d’un des premiers séjours organisés par un groupe de parents et amis pour leurs adolescents, le premier soir, à notre arrivée sur place, nous avons tous dîné autour de la même table. Nous avons bien vite constaté que ni les animateurs ni les participants n’étaient à l’aise, gênés d’aborder des sujets qui les concernaient respectivement. Aussi avons-nous décidé pour les repas qui ont suivi de faire deux tables, une pour les adultes, une pour les jeunes. Tout s’est bien passé. Et lors du repas de fête de la dernière soirée, les ados ont d’eux-mêmes préparé une seule table commune et les échanges ont été aisés, simples et chaleureux.
De même, lors du séjour organisé pour les plus jeunes (7 à 12 ans), avec, pour la première fois, une quinzaine d’enfants, alors que jusque-là ils étaient nettement moins nombreux, ils se sont avérés, la première journée, très difficiles à gérer. Déconcertés, les animateurs, après réflexion, ont décidé de faire 3 équipes : une pour les plus jeunes, une pour les moyens, une pour les plus grands, avec des activités tantôt communes, tantôt séparées. Et tout est rentré dans l’ordre.

Cette double expérience nous a mis face à l’évidence que, pour pouvoir relier, il faut d’abord distinguer, en fonction, selon les circonstances et les objectifs, des âges, des fonctions, des sexes, du nombre, etc. C’est aussi appliquer la règle d’or : une place pour chacun, chacun à sa place. Dans le cas qui nous occupe : une place pour chaque âge, chaque âge à sa place.

La confusion des âges

Force  est de constater que, de nos jours, règne la confusion dans la place qui revient à chaque âge.

Nous vivons aujourd’hui ans un monde où, bien souvent, l’on ne laisse pas l’enfant vivre son enfance jusqu’au bout, dans la hâte qu’on a d’en faire un adulte miniature.
Où, bien souvent, l’adolescence se poursuit au-delà de tout bon sens.
Où, bien souvent, à 50 ans, alors qu’on est en pleine possession de ses moyens, d’une riche expérience et d’une véritable compétence, on est rejeté par le monde du travail.
Où les retraités n’ont plus guère d’intérêt qu’en tant que consommateurs et bien souvent, pour ceux qui peuvent se le permettre, n’aspirent qu’à une nouvelle jeunesse, meublée de loisirs.
Où les très âgés, qui vivent de plus en plus longtemps, sans plus de place ni d’utilité, sont bien souvent contraints de se réfugier dans une forme ou une autre de sénilité ou de vivre parqués dans des ghettos où ils sont fréquemment l’objet de maltraitance par manque de personnel pour s’occuper d’eux.

Dans un monde où l’idéal est devenu celui du jeune adulte qui, bien souvent, paradoxalement, est à la fois adulé, au lieu d’être formé, et exploité puis jeté quand on l’a pressé comme un citron. Dans un monde où l’on cherche à paraître plus âgé ou plus jeune que son âge, où le mot vieux est quasi une insulte et où l’on s’excuse de l’avoir employé lorsqu’il nous a échappé, force est de reconnaître qu’il serait utile de donner aux différentes générations les outils qui permettraient à chacune de redéfinir sa place et à toutes de vivre ensemble dans une cohabitation pacifiée et féconde.

Renouer avec les rites de passage ?

C’est, entre autres, à la fois notre expérience avec les plus jeunes et ces constatations sur l’état actuel de notre société qui nous ont convaincus de l’intérêt de (r)établir des rites de passage adaptés à l’époque actuelle. Nous avons, au fil des années, élaboré et testé cinq rites de passage à destination des plus jeunes, de la naissance à dix-huit ans : le rite d’accueil sur terre au moment de la naissance, le rite de passage des 7 ans, le rite de sortie de l’enfance, le rite d’entrée dans l’adolescence et le rite de sortie de l’adolescence.

Ce sont ces rites que nous allons, dans les numéros à venir de notre revue, présenter, comme participation à une réflexion sur les âges de la vie et leur vivre ensemble.

Par Marie-Françoise TOURET

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