Redécouvrir la magie Le premier niveau : la magie des sens
Aller à la rencontre de la magie nous fait poser quelques questions. Avec cet article, nous irons à la découverte d’une magie inoffensive mais qui révèle chez nous des moteurs d’empêchement et de désenchantement. Il s’agit du premier niveau de la magie.
Nous, les enfants d’un mode de pensée qui a donné priorité à la rationalité sur une approche plus intuitive du monde, au fil des ans, nous nous sommes coupés de nos racines mystérieuses et nous avons oublié que la vie est avant tout une magie.Cet excès de rationalisme nous a « illusionné ». Il nous a fait croire en la toute souveraineté de l’intelligence humaine sur la nature. La conséquence a été une forme de désenchantement. Nous n’entretenons plus avec la Nature un rapport de respect mutuel ni un dialogue d’être vivant à être vivant. Elle est devenue un objet que l’homme exploite sans plus aucune forme de considération.
L’homme désenchanté
Cette rupture l’a privé d’une source d’inspiration que seule la connexion à la Nature pouvait lui offrir. Lentement et progressivement, l’homme s’est coupé de lui-même. Il a plongé dans un monde tentaculaire, à la merci d’une machine qui de décennie en décennie s’est emballée dans un rythme de plus en plus frénétique et mécanique. Insidieusement mais inexorablement, le désenchantement s’est installé en l’homme, entraînant avec lui une vague dévastatrice dont la dépression et le burn out peuvent en être les témoins.
Replacer la magie au centre de notre vie
Face à cela, un retour à l’émerveillement apparaît comme une nécessité vitale. Mais, comment y parvenir ? N’ayons pas peur des mots : en replaçant la magie au centre de notre vie.
La magie qui perturbe nos sens pour étonner petits et grands ; la magie qui embellit nos sentiments pour purifier nos intentions ; la magie qui éclaire nos idées pour nous placer face au mystère : trois niveaux de magie, trois attitudes, trois attentes. Allons à leur découverte.
Débutons cette série de trois articles par la magie la plus périphérique à nous-même, la magie qui trouble nos sens.
La Nature, une « escamoteuse » de nos cinq sens
En suivant l’escamoteur, célèbre tableau de Jérôme Bosch (1450 -1516), qui met en scène la magie du premier niveau (s’amuser en trompant nos sens), nous pouvons dire que la Nature, dans ses premiers apparats se présente à notre entendement avec la même volonté que l’escamoteur du tableau. Plaisanter avec nous en détournant nos sens. À la naissance, quand nous ouvrons les yeux, petit enfant, quand nous faisons nos premiers pas, loin de nous est l’idée de penser que la nature est espiègle et qu’elle se joue de nous avec des tours de passe-passe, les plus désopilants les uns que les autres.
Comment opère-t-elle ? Plaçons-nous au fond de la caverne de Platon, dans le monde du simulacre et des fausses croyances, là, où le Réel se voile et la réalité se déforme. Assis, bien installés dans ce palais des glaces, méditons.
Si nous observons la course du Soleil, nous sommes persuadés que c’est bien lui qui tourne autour de la Terre, sauf si nous nous référons à Copernic (1473-1543) qui nous enseigne le contraire, avec l’héliocentrisme. Il nous faudra du temps pour accepter la révolution copernicienne comme réalité de vie.
Si, nous levons la tête le soir pour contempler le ciel c’est bien un moment présent que nous admirons en regardant les étoiles. Toutefois, le temps mis par la lumière pour se réfléchir dans nos télescopes prouve bien que c’est un moment passé que nous contemplons.
Lors des journées ensoleillées le ciel paraît bleu. En fait le ciel est noir comme la nuit, car seule l’ionisation des atomes en contact avec l’atmosphère produit la couleur bleue.
Quand nous touchons un objet, il nous paraît solide mais la physique quantique nous démontre que la matière n’est que du vide. Nous pourrions multiplier les exemples.
Ainsi, lors de notre premier contact avec la réalité, nous sommes « illusionnés » par une Nature taquine jouant avec nos modes de perceptions.
Comment sortir de nos fausses croyances induites par nos sens ?
Partons au musée Cluny de Paris à la rencontre d’une grande magicienne, une autre personnification de la Nature, la Dame à Licorne. À chacun de nos pas, elle nous guide pour éduquer nos cinq sens et les élever au rang d’une autre perception du Réel (deuxième niveau de la magie, qui sera abordé dans un prochain article).
La magie, quête de la Sagesse
Avant cela, arrêtons-nous sur le mot magie.
Il vient du perse ou la racine mag – magus qui signifie « science, sagesse ». La magie est donc une quête de sagesse. Comment y parvenir ? En gravissant les trois marches qui nous conduisent de la magie phénoménale, à sa dimension la plus mystérieuse, notre captation de l’invisible dans le visible avec comme agent intermédiaire, le cœur.
Le renard du Petit Prince nous ne dit-il pas : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ». Jonathan Livingston le Goéland dit également à Fletcher son disciple « Ne te fie pas à tes yeux. Tout ce qu’ils te montrent se sont tes propres limites, les tiennes. »
Comment franchir les trois étapes qui mènent vers la sagesse ? Tout d’abord en se déconditionnant du premier niveau, avec tous ses faux-semblants, ses préjugés, ses projections, sa doxa (monde de l’opinion) mais aussi en sortant de la méfiance qui s’y installe pour aller vers la confiance qui vit dans le mystère.
Développer le discernement et la confiance
Se déconditionner du monde de l’opinion demande que nous développions en nous-même la voix du discernement, celle qui fait la différence entre ce qui nous unit et ce qui nous sépare. Passer de la méfiance à la confiance nécessite de sortir de la peur. La peur de ne pas comprendre, la peur de ne pas savoir en acceptant l’ignorance. C’est le premier pas de la voie socratique : « Je ne sais qu’une seule chose, c’est que je ne sais rien ».
En quoi, la magie du premier niveau (monde de l’opinion et de la méfiance) agit-elle comme le principal agent de la déformation de la réalité et comment voile-t-elle le Réel ?
Prenons place dans le monde du simulacre pour assister à un tour de passe-passe dont les magiciens ont le secret. Regardons les analogies que nous pouvons en retirer pour une meilleure connaissance, de nous-même et des mécanismes qui nous empêchent de vivre la vie comme une magie.
L’objectif d’un tour de magie est de nous amuser et de provoquer en nous un émerveillement qui peut réveiller en nous l’indicible et glisser à notre oreille : « mais oui, c’est possible, la magie existe ». Un tour de magie est totalement inoffensif et n’implique pas notre morale. Pourtant, dès que l’artiste s’exécute, des freins se mettent en place. Un quelque chose, nous dit : « Ne te laisse pas berner, il y a un truc. N’y crois pas, la magie n’existe pas ». Quel est ce quelque chose ? C’est le mental discursif, celui qui veut tout analyser, tout contrôler, le castrateur du rêve que certaines philosophies appellent le mental inferieur. Il répond à une logique, la logique du OU, logique binaire.
En érigeant la suprématie de la raison raisonnante sur la beauté du providentiel, nous nous coupons du mystère et de l’émerveillement. Nous nous enfermons dans une vie séculière et banale dont le terminus peut-être le nihilisme et l’indifférence. Avec une telle posture, la magie n’existe pas, nous voilons le Réel. Nous nous enchaînons un peu plus au fond de la caverne de Platon.
Comment en sortir ? En se disant : « je peux échapper au mental du tout contrôlable ». Il faut simplement lâcher prise et vivre en confiance pour que le sentiment du « tout magique » nous envahisse comme chez le tout petit enfant (avant quatre ans). Serait-ce cela, retrouver l’âme de l’enfant ? Mais c’est plus fort que nous, nous restons sous l’emprise du faux mental.
Alors, ayons le courage de rompre les liens avec ces attitudes de peur et de crainte qui nous réduisent à vivre la vie avec méfiance. Changeons de logique, respirons avec la confiance et l’acceptation de notre infini.
Ce sera l’objectif des deux tours de magie suivants, des deux articles à suivre qui présenteront le deuxième et le troisième niveau de la magie. Au plaisir de vous retrouver.
Par Olivier LARRÈGLE
À lire
Philosophie de la magie, Remi DAVID
Préface de Michel ONFRAY
Éditions Autrement, 2017, 177 pages, 18 €
Au cœur de la magie, des questions philosophiques importantes se posent liées à l’illusion, la perception, la croyance, le réel, la vérité. Le rôle du magicien est de donner l’illusion d’installer une autre réalité dans la réalité réelle, qui a toutes les apparences du réel mais qui n’est pas réelle. Michel Onfray, qui a préfacé le livre, dit : « La magie, [… ] fait apparaître des erreurs et disparaître des vérités ; elle fait croire vrai ce qui est faux, et faux ce qui est vrai ; elle montre ce qu’il faut cacher et cache ce qu’il faut montrer. [… ] Elle fait du vrai avec du faux et du faux avec du vrai… elle met dans la lumière ce qui est dans l’obscurité et dans l’obscurité ce qui est dans la lumière. En un mot : elle ment, mais c’est sa façon à elle de dire la vérité. Ou bien alors, [… ] elle dit la vérité, mais c’est sa façon de mentir. » Tout ceci avec l’accord du spectateur qui sait qu’il va être abusé. Et le magicien utilise à bon escient l’art de la parole : « Faire ce qu’on ne dit pas, dire ce qu’on ne fait pas, ne pas faire ce qu’on dit, ne pas dire ce qu’on fait ». On appréciera les anecdotes et les portraits de grands illusionnistes comme la réflexion sur les pratiques du monde contemporain, notamment le monde politique qui utilise l’illusion à des fins manipulatoire ou le monde des arts (théâtre et cinéma) qui joue sur des rôles joués et non réels.
Le manteau de magnificence
par Jacqueline KELEN
Éditions Le Relié, 2004, 126 pages,14 €
Une Dame, un chevalier errant, un chien aux yeux bleus, il s’agit d’un conte dans la plus pure tradition médiévale du Songe. Il se passe dans un pays introuvable et inoubliable que certains nomment le Royaume du Cœur Tous les personnages sont portés par un désir plus grand qu’eux. Rencontres, attentes, douleurs, tout s’enchaîne et s’entremêle même à travers les époques. Quelqu’un les observe, un être mystérieux, assez volubile qui entreprend de tisser un vêtement de pourpre et d’écarlate. Mais destiné à qui et pourquoi ?