Philosophie

Cycles historiques et cycles cosmiques : À la recherche de sens

En cette époque où les certitudes de la Modernité (primauté exclusive donnée à l'être humain, toute-puissance de la raison, croyance au progrès illimité) s'effritent, toute discipline, toute méthode qui donne des repères et permet de relier le passé et l'avenir est la bienvenue.

L’astrologie explique et rend tangibles les cycles que parcourt l’histoire. « Comme la science, elle possède ses postulats indémontrables : mais tout comme les théories scientifiques, elle prouve sa valeur dans la mesure où elle fait émerger l’ordre du chaos », écrit Dane Rudhyar, à son propos dans son ouvrage, L’histoire au rythme du cosmos (1).
Elle permet de comprendre le comment et le pourquoi de nos difficultés actuelles. Elle montre la possibilité de faire un choix entre deux avenirs possibles en donnant un sens à notre existence. « La recherche du sens est la fonction la plus vitale de la pensée et du sentiment intuitif de l’homme », écrit Victor Frankl.

L’existence de cycles

L’astrologie est l’étude de la structuration des événements existentiels dans un temps cyclique. Il s’agit donc de l’étude des cycles pour la mesure desquels les mouvements périodiques des corps célestes constituent une « horloge » complexe mais efficace. Elle se fonde sur le postulat selon lequel tout processus existentiel a un commencement et une fin, et passe entre temps par une série de phases reconnaissables et mesurables, articulées sur des tournants, points critiques de la transformation. Si tous les processus cosmiques, planétaires, biologiques et psychologiques sont de nature cyclique, on peut aussi les étudier comme des « ensembles », donc les aborder comme un « tout » de façon holistique.

Comme dans les âges de la vie, les tournants du cycle déterminent des crises, non prévisibles, pour l’être qui ne connaît pas le développement de la vie humaine dans le cycle qui conduit de la vie à la mort. Seule la connaissance des structures permet de discerner la signification des événements.
L’astrologie fait appel aux cycles que mesurent les mouvements de la Terre et des planètes du système solaire. Ceci va du cycle journalier, tour de la Terre sur elle-même en vingt-quatre heures, jusqu’au grand cycle de la précession des équinoxes qui dure 26 920 ans et qui est le fondement de la théorie des ères astrologiques, en passant par tous les cycles planétaires, qui vont de 28 jours pour la Lune à environ 250 ans pour Pluton, sans compter les cycles de relations planétaires qui marquent le début de certains processus historiques pour les plus lents, comme le cycle Neptune/Pluton, d’une durée d’environ 500 ans. Et dans cet Univers en mouvement permanent, n’oublions pas que notre système solaire lui-même accomplit un tour autour de l’axe galactique au cours d’une période de plus de deux cents millions d’années.

De l’Ère des Poissons à l’Êre du Verseau

La théorie des ères se fonde sur le phénomène de précession des équinoxes. Ces 26 920 ans, le temps d’une ère, correspondent au temps nécessaire à la Terre pour parcourir le cercle des constellations zodiacales dans son entier. Chacun des douze mois de cette « grande année » a une durée d’environ 2160 ans. En tenant compte de légères différences de chronologie entre les diverses écoles, nous pouvons dire que nous vivons la période de transition entre l’Ère des Poissons et celle du Verseau. Cette période de transition, ou « période semence » correspond à un dixième de l’Ère, soit 216 ans. Elle sera un temps de confusion, car les valeurs d’une période commencent à s’effondrer, alors que celles de la nouvelle ère commencent seulement à émerger, sans être encore différenciées.

Dans L’histoire au rythme du cosmos, Rudhyar situe cette période entre 1846 et 2062, moment où commence l’Ère du Verseau. Elle se subdivise en trois périodes de 72 ans :
– de 1846 à 1918, la « grande époque », apogée de la Modernité et de la civilisation occidentale européenne ;
– de 1918 à 1990, l’époque des « guerres religieuses » ou idéologiques, chaudes ou froides et le triomphe du communisme russe ;
– de 1990 à 2062, l’époque où peut émerger la manifestation d’idéaux et d’états de conscience encore assez confus, qui seront éventuellement actualisés dans l’Ère du Verseau à venir. Cela peut s’accompagner d’un processus de désintégration, processus qu’une forme de dictature de facto pourrait arrêter. Car toute idée nouvelle provoque une réponse négative de la part des institutions enracinées dans une tradition rigide et l’homme exerce toujours une résistance au changement.

Durant la première moitié de l’Ère des Poissons, on a constaté une descente ou incarnation des forces spirituelles apparues sous l’impulsion du signe des Poissons ; dans les derniers mille ans, une montée des énergies créatrices du mental humain, sous la forme d’une civilisation aux caractères du signe de la Vierge. À la fin du Moyen-Âge, avec le Gothique, apparaît le culte de la Vierge­ Mère au service de la Lumière ; on voit se développer ensuite un aspect analytique, critique et personnalisé qui a conduit au triomphe de la science, à la technologie et au productivisme modernes. Il faut à présent dépasser ce type de conscience intellectuelle, basée sur des crises personnelles sans fin à la recherche de l’auto-guérison et sur des miracles technologiques. Ce changement, qui ouvre de nouvelles perspectives, peut être un nouveau paradigme, un nouveau cadre de pensée, lié aux qualités que l’astrologie attribue au Verseau. L’enjeu de cette ère est de concilier tradition et innovation, de relier les contraires, symbolisés par les planètes maîtresses du signe : Saturne, la rigueur, la méthode et l’auto-discipline, mais aussi les limites du connu, l’attrait du passé et Uranus, l’innovation, le génie créateur, les idées nouvelles, la conquête de nouveaux espaces, mais aussi la brusquerie, l’utopie et l’abstraction.
Séparément, cela donne des paysans face aux eurocrates ; des guerres tribales face à la conquête de l’espace ; une nouvelle spiritualité, tolérante, face aux intégrismes de tout bord. Mais, si les contraires se concilient et se potentialisent, cela peut donner les bases d’une nouvelle mentalité et d’une nouvelle civilisation, dont les caractéristiques échappent à notre référentiel culturel actuel.

DE L’INFLUENCE DES PLANÈTES LENTES

C’est par le cycle des planètes lentes que l’on pourra le mieux comprendre les étapes du passage d’une ère à l’autre. En effet, le premier enjeu de notre temps consiste à assumer la lutte entre les forces qui poussent les êtres humains à s’organiser en États relativement étroits (Jupiter, Saturne), aux cultures nationalistes, et les forces qui cherchent à réorganiser l’humanité dans le sens d’une prise de conscience de l’interrelation globale inévitable. Là interviennent les planètes trans-saturniennes : Uranus, Neptune et Pluton qui nous obligent à nous repositionner de façon plus globale et inclusive respectivement au niveau de notre pensée, de nos sentiments et de notre action.

L’éveil de l’humanité à une existence planétaire

Ce phénomène a commencé dans les années 60, au moment de la conjonction (2) Uranus/Pluton en Vierge. L’humanité a eu alors une première opportunité de s’éveiller consciemment au passage par un processus de transition, vers une forme d’existence planétaire plus globale, dont la marche du premier astronaute sur la Lune fut un exemple catalyseur. Aujourd’hui, l’accent se trouve sur les signes cardinaux (3) (Capricorne) et c’est au niveau de l’action que nous sommes sollicités. Cette accentuation sur le Capricorne nous demande de réorienter mentalement notre attitude par rapport à la vie, à la société et à cette Terre qui est notre foyer. Nous devons agir de façon plus adulte et assumer notre responsabilité planétaire, car le rôle de l’humain sur cette planète est d’agir comme son mental, de « cosmiser » la planète, selon les traditions, selon aussi la vision de Teilhard de Chardin et de Mircea Eliade. Il est en notre pouvoir soit de la détruire, soit de retrouver une source d’harmonisation et de coopération avec elle.

En 1961, il y eut une conjonction Jupiter/Saturne en Capricorne qui a renforcé les réactions protectionnistes de la guerre froide, déjà marquée, par exemple, par l’érection du mur de Berlin. En 1989-90, les deux planètes sont arrivées à la moitié du cycle, Saturne de nouveau en Capricorne et Jupiter en Cancer. Cette opposition représente la culmination d’un processus économique et socio-culturel. Donc le début d’une réorientation, avec la chute du mur de Berlin, la disparition de l’Association européenne de libre-échange (AELE), avec nécessité pour ses membres de se joindre à la Communauté économique européenne (CEE) (qui deviendra l’Union Européenne (UE) en 1993). 

Il s’agit pour l’humanité d’apprendre à renoncer aux frontières sociales et culturelles étroites. Les différents conflits, y compris la guerre du Golfe, s’inscrivent dans ce besoin de dramatisation mondiale due à l’exacerbation des nationalismes, des racismes et des égocentrismes qui conduisent toujours vers une politique de pouvoir, vers des guerres ou vers toute autre forme de violence. Le défi lancé à l’humanité est d’édifier une société globale, en termes d’intégration économique, politique et spirituelle à grande échelle. Mais à ce besoin d’ouverture s’opposent beaucoup de peurs, d’égoïsmes et de particularismes tribaux et régionaux qui occupent l’horizon sombre d’un nouveau moyen-âge.

L’humanité vers un processus d’ouverture

Alexander Ruperti précise sur les temps actuels : « Les conjonctions de Jupiter et de Saturne avec Uranus et Neptune et aussi celle d’Uranus/Neptune en 1993 représentent le point de départ d’un vaste processus historique. Ce processus inclut l’éclatement de nos schémas saturniens de comportement, de pensée et de sentiment, du fait de l’introduction, dans nos vies, de facteurs et de possibilités jusqu’ici inconnus. Nous sommes poussés inconsciemment à agir d’une nouvelle manière au niveau saturnien. Notre sens social, commercial et religieux rigidement limité à nos cultures nationalistes, n’est plus un cadre de référence suffisant : tout s’entremêle. Les peuples se mélangent, immigrants et réfugiés cherchant de meilleures conditions de vie, Les familles, cultures tribales, idéaux religieux se désagrégeant sous les pressions économiques et politiques, le désarroi social de l’homme et son déracinement contraignent tous les esprits à essayer d’évaluer de nouvelle manière les questions et problèmes qui les confrontent. »

Nous sommes à tous les niveaux face au besoin de réviser nos « frontières », donc les limites de nos connaissances et de nos préjugés, de nos croyances et de nos valeurs, de nos décisions et de nos actions. Dans cette situation de chaos et de bourrasque générale, nous sommes obligés de nous interroger et surtout de chercher de nouvelles solutions aux situations complexes que le monde vit aujourd’hui et pour lesquelles les solutions d’hier ne sont plus valables. Mais partout ces solutions exigent, du fait de l’intervention des planètes saturniennes, plus d’ouverture.

Quelle est l’ouverture exigée en cette fin de XXe siècle ? Celle de nous savoir, de nous sentir parties vivantes d’une seule et néanmoins multiple humanité et d’agir en tant que telles. Plus d’ouverture d’esprit avec Uranus : il nous faut dépasser les frontières de notre raison raisonnante saturnienne et de notre curiosité mercuriale superficielle pour intégrer une véritable philosophie des paradoxes, harmonisatrice des contraires, selon la voie d’Hermès.

Plus d’ouverture de nos cœurs avec Neptune, pour dépasser les frontières de l’humanitarisme charitable jupitérien ou de la possessivité vénusienne, pour alIer au-devant des êtres dans un véritable élan de solidarité et de compassion dans le sens bouddhiste du terme, en ressentant réellement l’humanité comme un Tout. Et plus d’ouverture de nos mains avec Pluton, pour dépasser l’activisme d’une production sans fin, dans une société technocratique qui reste dans le monde du faire et du paraître, ayant depuis longtemps, comme Faust, vendu son âme aux démons du confort, du progrès à tout prix et du bien-­être égoïste du chacun pour soi.

Pluton, planète guide de l’humanité

Rejoignant la théorie de l’astrologie humaniste de Rudhyar, nous pensons que la clé de cette mutation se trouve pour le XXe siècle dans la planète Pluton, la dernière découverte en 1930, au moment de la grande dépression qui affecta brutalement l’Occident. Rudhyar dit : « Cette planète est le symbole pour l’homme de ce qui arrive inévitablement lorsque nations, groupes et individus poursuivent sans relâche la voie de l’ego agressif, de la soif de pouvoir et de sensualisme en refusant d’abandonner les anciens privilèges et les croyances périmées. Les ténèbres intérieures explosent en violence extérieure impitoyable. […] Tromperie et destruction sont acceptées comme principes de conduite. Toute chose tend à être réduite à sa nudité la plus essentielle : mais, au milieu des ténèbres spirituelles, l’essentiel devient l’absurde. […] Cependant, Pluton ouvre la voie à une éventuelle renaissance, partout où le chaos accepte d’être fécondé par une nouvelle révélation du cosmos : une nouvelle vision d’ordre universaliste prend alors forme dans la conscience purifiée » (4).

Il se peut que nous n’ayons pas encore atteint une situation de chaos suffisamment étendue pour accepter collectivement un nouvel ordre possible sur une grande échelle.

LA TRANSITION DE PLUTON DANS LE SIGNE DU SCORPION

Entre 1984 et 1995, Pluton transite par le signe du Scorpion qui lui est attribué comme domicile. Selon Rudhyar, toutes les valeurs basées sur « l’humanité commune de l’homme » sont alors accentuées. Il y a désir émotionnel intense d’union profonde avec les autres. Pour certaines, sous la forme d’expériences mystiques intenses, pour d’autres à travers des mouvements de masse très forts. Pendant ce transit, Pluton coupe l’orbite de Neptune et se rapproche de la Terre. Cela peut indiquer une nouvelle force ou impulsion révolutionnaire libérée dans l’humanité à ce moment-là. Si l’humanité n’est pas prête à s’unir dans la fraternité et l’amour, dans la compréhension et dans la tolérance, alors, une fois de plus, les individus seront alors amenés à s’unir dans la mort, comme ce fut le cas lors des deux guerres mondiales qu’a connues notre siècle. Cela peut aussi venir des catastrophes naturelles, nucléaires, accidents ou autres. Pluton apprendra aux hommes à savoir à se sentir (Scorpion) qu’ils sont tous, individuellement concernés par ce qui arrive aux êtres humains sur toute la surface du globe. Pluton en Scorpion est en sextile (avec les concentrations planétaires en Capricorne qui remettent en cause la stabilité de l’ancienne vision du monde et de l’establishment en général.

Le Scorpion a une connotation négative pour la plupart des gens, car il représente la « porte vers une communion des êtres humains en profondeur, elle se réfère à la part d’humanité qui est en chaque homme. Au Scorpion, la vie retourne aux racines : c’est l’automne. C’est là qu’on rencontre la vie dans son essence magique qui est la vie et mort à la fois. En tant que signe d’eau (5), il exprime la fonction « sentiment », donc les pulsions et pouvoirs émanant de l’inconscient. Si l’on ne canalise pas cette énergie à travers un véritable processus d’individuation, cette racine commune est vécue comme un tourbillon débordant, qui déracine tout sur son passage et nous noie dans l’indifférenciation du collectif. Selon Rudhyar, l’expérience Scorpion est la révélation de l’Homme à l’individu, l’identification de l’individu à l’homme, de la partie au Tout, du mystique à Dieu, mais pour cela il est nécessaire de se préparer en tant qu’homme global, donc autonome et responsable afin d’assumer sa part dans l’œuvre collective.

Ce que reçoit le véritable individu, au travers d’un processus initiatique, il l’offre en don sacrificiel à sa communauté, pour que le niveau de l’homme commun puisse monter. Ruperti écrit : « Ancré dans l’humanité commune de l’homme, l’individu ressent le pouvoir et la vérité par une expérience intérieure qu’il peut projeter dans l’action, mais qui échappe habituellement à la formulation rationnelle ». Pluton est aussi le symbole de la semence, il essentialise tout et nous permet de nous libérer de nombreuses formes périmées qui nous cachent la réalité. Depuis qu’il est passé dans la Balance, premier signe social entre 1971 et 1984, il demande fondamentalement de changer nos habitudes collectives dans nos diverses relations, personnelles, sociales et économiques.

Dans le signe du Scorpion, « nous ne devons pas seulement apprendre comment agir ensemble en fonction d’un but commun (Balance), mais nous devons apprendre comment sentir ensemble en fonction de notre racine commune : l’humanité commune de l’homme. Lorsque nous aurons tous « dans les tripes » le sentiment de faire partie d’une seule humanité et lorsque nous nous lierons en fonction de la contribution que nous pouvons tous apporter au développement et au bien-être de l’humanité, alors seulement la potentialité de Pluton en Scorpion deviendra une réalité. »

Les cycles actuellement significatifs pour l’humanité font apparaître un développement structurel, ordonné dans la série d’évènements enregistrés par l’historien. Comprendre le sens des évènements doit aider de nombreux individus à affronter en connaissance de cause les bouleversements révolutionnaires à venir. La préparation consciente d’un nombre suffisant d’individus aux changements structurels que l’homme devra subir leur permettrait de les assumer, avec plus de maturité, en tant qu’épreuve initiatique de l’existence plutôt que comme un fâcheux accident du hasard. Introduire un sens signifie relever le défi de cette fin du XXe siècle : transformer nos valeurs en considérant tout ce qui nous arrive comme un pas nécessaire vers un avenir plus grand et plus noble.

(1) Dane Rudhyar, L’histoire au rythme du Cosmos, Éditions Médicis/Entrelacs, 1992, 250 pages
(2) Les planètes peuvent prendre les unes par rapport aux autres des positions différentes (qui se modifient constamment), formant certains aspects.
« L’aspect planétaire est l’angle formé par les rayons émis de deux planètes, et qui, se rencontrant à la Terre, ont la propriété d’exercer quelque influence naturelle » Kepler
Sextile : angle de 60°
Conjonction : angle de 0 à 5°
Opposition : angle de 180°
(3) Les signes cardinaux Bélier, Cancer, Balance, Capricorne, ouvrent les saisons
(4) Dane Rudhyar, La dimension galactique de l’astrologie, Éditions du Rocher, 1993, 256 pages
(5) Chaque signe du zodiaque est en relation avec l’un des quatre éléments (Terre, Eau, Air Feu)
Article paru dans la revue de Nouvelle Acropole, N°129 (janvier-février 1993)
Laura WINCKLER
Co-fondatrice de Nouvelle Acropole en France
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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