Le volontariat ou la philosophie en action
Quelle relation entre philosophie et volontariat ? Cet entretien republié à l’occasion de la journée mondiale du volontariat le 5 décembre, explore comment le volontariat en tant que pratique de la philosophie peut contribuer à plus d’humanité en chacun et autour de soi.
C’est en 2004 que Fernand Schwarz, fondateur de Nouvelle Acropole en France a recueilli les propos de Délia Steinberg Guzman, ancienne directrice de Nouvelle Acropole dans le monde, sur le volontariat, une des formes d’action de Nouvelle Acropole. En voici quelques extraits.
Fernand Schwarz : Pourquoi Nouvelle Acropole qui est une école de philosophie, réalise-t-elle des activités dans la société ?
Délia Steinberg Guzmán : Tout d’abord, parce que nous pensons que la philosophie couvre absolument toutes les activités humaines. Cet amour de la connaissance, cette recherche des racines de tout ce qui a été fait par l’être humain, ne peut laisser de côté la culture ou tout autre aspect propre à l’humanité.
F.S : Quel type d’activités menez-vous, en plus des activités spécifiquement culturelles ?
D.S.G. : Les activités culturelles envisagent déjà une très large mosaïque de possibilités. Mais à celles-ci, nous en ajoutons d’autres qui sont beaucoup plus pratiques, comme le volontariat social. C’est la possibilité de se mettre en contact direct avec la société, puisqu’il n’est pas possible de vivre une philosophie qui ne sert que soi-même. De ce point de vue, si la philosophie nous amène à partager un destin et des besoins avec tous les êtres humains, le volontariat démontre à quel point la philosophie développe la générosité chez la personne, et jusqu’où cette générosité peut se manifester sans besoin de récompense. Au contraire, il n’y a pas de plus grande récompense que d’approcher ceux qui ont besoin d’éléments matériels que nous sommes en mesure de fournir.
D’autres activités sont spécialement dédiées à l’éducation, qui est l’un des piliers fondamentaux de la philosophie. Différentes publications, qui ont la philosophie comme axe central, mais qui se concentrent également sur l’art, la sociologie et la recherche.
F.S. : Quelle différence peut-on alors établir entre une organisation comme Nouvelle Acropole et un autre type d’aide humanitaire ?
D.S.G. : L’aide humanitaire a une tâche très spécifique : répondre aux besoins qui surviennent à des moments précis, lorsque des catastrophes peuvent affecter une ville ou un pays, et à ce moment-là l’aide humanitaire est dirigée vers ce pays ou cette ville qui en a besoin.
Ce que fait Nouvelle Acropole en ce sens, sans éliminer ladite aide humanitaire, c’est l’englober dans un très large spectre de possibilités autour de la philosophie comme axe fondamental. Nous pensons que si la philosophie est l’amour de la connaissance, elle est aussi logiquement l’amour de l’être humain. Mais il existe également de nombreux autres types d’aide humanitaire. L’éducation est aussi une forme d’aide humanitaire. Et la culture elle-même ; car il ne peut y avoir d’avenir meilleur si l’on ignore l’énorme valeur de l’éducation, pour ne citer qu’un exemple.
F.S. : Comment Nouvelle Acropole parvient-elle à organiser des actions communes dans différents pays alors que les gens sont si différents, comme c’est le cas par exemple dans les pays du nord et du sud ?
D.S.G. : On ne peut manquer de reconnaître que la répartition géographique des pays génère des différences : de climat, de mode de vie, etc. Mais comme notre action n’est pas dirigée vers les différences mais vers les similitudes, nous ne rencontrons aucune difficulté à développer le programme et le type de travail que propose Nouvelle Acropole.
Tout ce que nous faisons est basé sur une égalité essentielle. Les êtres humains sont essentiellement égaux sur le plan moral et spirituel. Comme c’est l’élément, l’axe sur lequel nous développons nos activités, toutes les autres différences disparaissent. En ce sens, il devient inutile de parler du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest.
F.S. : Qui sont les volontaires qui agissent à Nouvelle Acropole ?
D.S.G. : Tous les membres de Nouvelle Acropole ont la possibilité – et non l’obligation – de collaborer à nos actions volontaires envers la société, à toutes les aides que nous essayons d’offrir dans tous nos domaines d’activités. À cet égard, peu nous importe leur origine sociale, ni leur prestige, ni le pays d’où ils viennent, ni quelles sont leurs richesses personnelles. Il faut simplement un peu de bon cœur, de générosité, l’envie d’aider les autres, et cela suffit pour devenir volontaire et collaborer à toutes ces tâches que nous entreprenons.
F.S. : De tous vos voyages lors ces dernières années, qui vous ont permis de visiter des dizaines de pays, qu’est-ce qui vous a le plus impressionné ? Quels enseignements en tirez-vous pour votre organisation ?
D.S.G. : Visiter de nombreux pays est en soi un grand enseignement sur l’énorme diversité et capacité d’expressions qui existe dans le monde. De la créativité que l’on peut trouver en chaque lieu, et chez les êtres humains, s’exprimant dans une langue ou une autre et utilisant au mieux leurs possibilités économiques – plus ou moins importantes –. Mais l’essentiel, de mon point de vue, est de rencontrer l’être humain dans n’importe quel coin du monde. C’est découvrir qu’au-delà de ces différences apparentes, de la variété des paysages et du développement économique d’un pays, cinq ou dix minutes de dialogue authentique et véridique, de communication sincère, suffisent pour découvrir qu’au plus profond d’eux-mêmes, tous les êtres humains cherchent les mêmes choses, souffrent des mêmes choses, ont des désirs très similaires et des points communs fondamentaux.