Plus forts que le Diable !
Nombreux sont les contes qui mettent en scène le diable berné par de braves gens. Comment un personnage aussi puissant et terrifiant peut-il être aussi facile à tromper ? C’est que, dans les contes, s’il est richissime, le diable est aussi stupide, comme l’indique son nom lui-même.
Diable vient de deux mots grecs et signifie « celui qui désunit ». Incapable de faire des liens, le diable ne voit pas plus loin que le bout de son nez.
Voici deux contes qui illustrent cela.
Le paysan et le diable
Un paysan, de bon matin, se rendait à son champ lorsqu’une odeur de fumée attira son attention. Il pressa le pas et aperçut un tas de braises incandescentes auprès duquel s’activait une silhouette sombre. C’était le diable, tout vêtu de noir, qui attisait le feu.
« Que fais-tu dans mon champ ? dit le paysan.
– Je garde un trésor, répondit le diable. Plus de pièces d’or et de pierres précieuses que tu n’en as jamais vues. Enterrées là-dessous, continua-t- il en tisonnant les braises de son pied fourchu.
– Et moi, je dois préparer mes semailles, dit le paysan. Va-t’en d’ici.
– Pas question, dit le diable. Ce trésor est à moi.
Le paysan plissa les yeux et fixa le diable :
– Le trésor est à toi et le champ est à moi.
– Faisons un marché, dit le diable. Je renoncerai au trésor si tu me donnes, pendant deux ans, la moitié de ta récolte.
– Tope-là, dit le paysan. Et pour qu’on soit bien d’accord, quelle partie de la récolte préfères-tu ? Celle qui est sous terre ou celle qui est au-dessus ?
– Celle qui est au-dessus, bien sûr, dit le diable. Je viendrai chercher ma part à la saison. »
Le pacte conclu, le diable s’en fut et le paysan ensemença son champ.
Lorsque le temps fut venu, le diable revint chercher sa part. Mais le paysan avait semé des carottes et le diable dut se contenter des fanes.
Furieux d’avoir été dupé, il dit au paysan : « L’année prochaine, c’est moi qui aurait ce que est dessous et toi ce qui est dessus.
– Pas de problème, » dit le paysan.
Et il sema du blé. Lorsque le diable revint chercher sa part, il vit ondoyer les beaux épis sous le soleil. Le paysan moissonna son champ et le diable, qui n’y comprenait rien, dut se contenter du chaume. Il comprit qu’il n’était pas de taille à affronter le petit paysan et s’en fut, renfrogné et grommelant.
Le paysan récolta son blé et déterra le trésor.
D’après un conte de Grimm
La botte du diable
Un jeune seigneur, après la mort de son père, dilapida tout son bien.
« Refais ta fortune d’ici un an, lui dit le père de la jeune châtelaine qu’il aimait ; à cette condition, tu pourras l’épouser. »
Le jeune homme fit de son mieux mais personne n’avait plus confiance en lui et, la veille du jour où l’année touchait à sa fin, il n’avait pas un sou en poche. « Il faudrait le diable pour me sortir de là ! » s’écria-t-il au désespoir. Aussitôt une odeur de soufre se répandit dans l’air et un homme vêtu de rouge, avec des pieds de cheval, parut devant lui.
« Me voici, dit le diable. Tout l’or du monde est fabriqué chez moi. Il est à ta disposition : il suffit que tu me donnes ton âme quand tu mourras.
— Reviens demain », répondit le jeune homme qui pensait qu’il aimerait bien avoir l’or du diable et ne pas perdre son âme. Il passa la nuit à percer les planchers de la haute tour qui dominait son château. Tout en haut, il suspendit une botte dont il avait troué la semelle.
Le diable revint le lendemain, suivi d’une file de diablotins, portant chacun un sac d’or. « Si, en une heure, lui proposa le jeune homme, tu peux remplir d’or cette botte, je te donnerai mon âme. Sinon, je garde ton or et mon âme.
— Tope-là », dit le diable.
Au bout d’une heure, la botte n’était toujours pas remplie et le diable, tempêtant et jurant, dut vider les lieux. Avec l’or dont elle était pleine, le jeune homme reconstruisit la tour, plus belle qu’avant. Il épousa sa dame et y vécut avec elle.
D’après un conte du Dauphiné.
Par Marie-Françoise TOURET
À lire
Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux
par Marianne CHAILLAN
Éditions des Équateurs, 2017, 217 pages, 13,50 €
Une initiation originale à la philosophie par les contes, les dessins animés de Disney. L’auteur, professeur de philosophie, nous fait découvrir la sagesse qui s’y cache. Un ouvrage enrichissant à déguster sans modération.
Le manteau de magnificence
Par Jacqueline KELEN
Éditions Le Relié, 2016, 126 pages,14 €
Une Dame, un chevalier errant, un chien aux yeux bleus. Il s’agit d’un conte dans la plus pure tradition médiévale du Songe. Tous les personnages sont portés par un désir plus grand qu’eux, la Quête mystique, l’Amour, métaphore du divin, le dépassement de soi et l’abandon à un principe supérieur. Rencontres, attentes, douleurs, tout s’enchaîne et s’entremêle même à travers les époques.