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Sisteron, cité de tous les Temps

À Sisteron, ville des Alpes de Haute Provence, tous les temps se conjuguent. Visiter la ville est vivre un parcours de conscience entre temporel et atemporel… 

Le nom de Sisteron viendrait du substantif gaulois sego « victoire, force » (en vieil irlandais seg : « force, vigueur »). Sisteron est une place forte et une victoire architecturale, capitale des Sogiontiques (Sogiontii) avec l’antique Segusteroqui a connu dès l’époque gauloise la construction du pont sur la Durance – point de passage stratégique chez les Romains – . 
Sisteron est une ville préhistorique dont l’histoire remonte à 4000 ans. Elle fut une étape pour les Romains sur la voie domitienne (via domitia) (1). Au XIsiècle, la construction d’un château créa une place forte pour le vaste comté de Forcalquier, réuni plus tard au domaine des comtes de Provence.
Sisteron restera la ville frontière du Nord, point de passage entre la mer, la Provence et les Alpes. Ce rôle a nécessité très tôt des fortifications : la cité est protégée encore aujourd’hui par sa citadelle mais aussi, de manière naturelle, par les falaises du rocher de la Baume.
On lui attribuera, pour la protection « céleste », un évêché local dès le VIe siècle, et du point de vue civil, une charte consulaire dès le XIIe siècle. La ville se verra transformée plus tard en viguerie (2) et en district après la Révolution.

Sisteron incarne surtout, dans sa géographie sacrée, un passage entre les Temps visibles et invisibles. Une phrase inscrite au sol dans une ruelle de la ville indique : « Le temps qui passe inexorablement nous invite à la sagesse et aux dénouements, et chaque jour qui passe, nous rapproche de l’immortalité de l’âme ». Un musée propose un parcours symbolique de la ville à travers les temps.

Le temps religieux

Le point zéro de la visite est le temps religieux, celui qui rythme la vie de l’homme et le relie à son être et à l’origine du monde. Ce temps religieux est pluriel : plus feutré dans les quatre chapelles retrouvées à Sisteron – la plus ancienne des Visitandines (XVIIe siècle) abrite le Musée –, et encore plus discret dans les six couvents de la ville, dont celui des Clarisse. 
Mais le cœur battant et « public » du temps religieux est la cathédrale catholique romaine Notre-Dame-des-Pommiers – du latin pomerium, l’espace situé entre les maisons et les remparts où elle fut édifiée –, placée sous la protection de la Vierge et de saint Thyrse, (diacre originaire de Smyrne, envoyé pour évangéliser la Gaule par saint Polycarpe, disciple de l’apôtre Jean et évêque de Smyrne). Avec ses trois nefs, elle est l’un des plus grands édifices religieux de Provence, de style roman, soumis aux influences lombardes (notamment le portail et le chevet). Ses cloches rythment le temps religieux de Sisteron.

Le temps civil

Le premier Temps est le temps civil qui se trouve au milieu d’un axe sud-nord, baigné de clarté. C’est le cœur de ville avec ses andrônes caractéristiques, notamment le long Andrône. Ce sont des passages parfois couverts par des maisons ou des petites ruelles en escaliers : ils permettent la traversée d’un quartier à l’autre, d’un niveau de la ville à un autre. Tout s’interpénètre.

Historiquement, la vie civile émerge avec les consulats provençaux au XIe siècle qui libèrent les cités du pouvoir seigneurial, aristocratique ou religieux. Les habitants élisent des représentants – notamment le consul, le premier date de 1266 –, qui gèrent les villes, choisissent leur capitaine de guet et lèvent les impôts. Mais le pouvoir communal s’affirmera aux siècles suivants, par la construction de maisons communes et à la Renaissance par les tours d’horloge. En 1564, la première est construite sur le passage voûté d’une porte antérieure. Elle domine la Grand-Place, centre de l’espace civil. Jean Hugon, maître horloger de Colmar en a fabriqué le mécanisme. Au milieu du XVIIIe siècle, elle est remplacée par une horloge à pendule, référence du temps civil et du temps légal (l’heure en vigueur dans la région). Elle sera démolie en 1890 et reconstruite. Le campanile est couronné de volutes qui soutiennent un globe terrestre surmonté d’une girouette associée aux quatre points cardinaux. Sur la façade est gravée l’inscription : Tuta montibus et fluviis ou « Sûre entre ses montagnes et ses fleuves ». Deux statues dans les niches figurent des allégories de la Fortune.

Après la porte d’Ornano, dans la rue Saunerie, se trouve le Musée gallo-romain, témoin de l’histoire antique de la ville. Puis, la Fontaine ronde, construite en 1419 grâce à la reine Yolande, veuve de Louis II et régente de Provence. Sonancien bassin était rond… La statue, une femme drapée à l’Antique, sans doute la reine Yolande… 
Sisteron est aussi une ville d’eaux : baignée par la Durance et le Buëch, alimentée en eau pour la consommation et les cultures par les Combes à l’Ouest. Récoltée dans un bassin près de la Porte de Provence, elle « fuitait » naturellement grâce à la déclivité de la ville vers la grande place pour alimenter les tanneries et la Fontaine Ronde, arroser quelques cultures et enfin se jeter dans la Durance.

Le temps relatif 

Le second temps (temps relatif) commence à la fin du parcours vertical Nord où se trouve la porte du Dauphiné, face au Rocher de la Baume, à l’entrée nord de la ville. 
Pourquoi relatif ? Sisteron est la porte entre la Provence et le Dauphiné : « Ici un pays finit et un autre commence ». Là est la frontière entre le nord et le nud de la France. Mais surtout la porte du Dauphiné est face au Rocher de la Baume, de l’autre côté de la Durance. Les strates quasi verticales de la Cluse de la Baume proviennent des sédiments déposés par la mer intérieure, la Thétis, qui recouvrait la région à la fin du Jurassique. Elles ont été soulevées une première fois, à la fin de l’ère secondaire, lors de l’apparition, dans la région, des grands plis orientés est-ouest (massif du Ventoux, montagne de Lure), puis une fois encore, au tertiaire lors de la phase de surrection des Alpes.

Pour dater le temps relatif de ces strates, il a fallu reconstituer l’ordre des dépôts successifs, grâce aux fossiles, surtout les ammonites, véritables marqueurs biologiques.

Le temps cyclique

Le troisième temps est le temps cyclique. Nous avançons à l’horizontale vers l’ouest de la ville avec un parcours au-dessus du Buëch. Voilà le Faubourg du Val gelé derrière la Citadelle, où se trouvait la Porte brulée près du pont du Buëch. Des remparts descendaient jusqu’à la Durance où avait été construite une tour. Ce dispositif, l’ancien Bourg du Val gelé, protégeait des agressions.
Le temps cyclique connaît son apogée dans la forêt toute proche, lieu de la dendrochronologie (du mot grec dendron ou arbre, chronos ou temps, et logos ou intelligence) : on analyse les cernes annuels de croissance sur un tronc d’arbre pour obtenir des informations sur le passé, comme des chutes de blocs rocheux, les conditions climatiques et l’environnement qui a pu influer sur les arbres. 
Le nord et l’ombre fraîche de la forêt communale de Sisteron : la nature exceptionnelle nous invite à l’intériorisation grâce au chant des oiseaux, au vol des papillons, aux bruissements des arbres et aux senteurs exceptionnelles de la végétation provençale (thym, romarin et fleurs).

Le temps militaire 

Le quatrième Temps (temps militaire) nous amène à la Citadelle construite sur un éperon rocheux. On y a trouvé les traces d’un oppidum gaulois, d’un castrum romain et d’un castel au haut Moyen-Âge, une place forte du monde antique à la Renaissance.

La situation stratégique de la ville lui a valu d’être disputée. C’est pourquoi dès 1209, ont été construits, le chemin de ronde supérieur, le donjon de la citadelle et la guérite du diable pour abriter les sentinelles. L’ensemble est comme une figure de proue perchée dans les cieux. De là, un panorama exceptionnel sur les toits de la ville, les Alpes et la vallée de la Durance, et une vue à 150 km, permettent une surveillance à grande distance de potentiels ennemis.
En 1520, au début des guerres de religion, la citadelle devient un lieu de refuge pour des protestants, assiégés régulièrement par les catholiques. Le roi Henri IV consolide les fortifications de Sisteron. À partir de 1590, l’ingénieur militaire Jehan Errard bâtira des enceintes successives en dents de scie, sur les faces nord et sud et construira des bastions reliés aux remparts de la ville. Les fortifications seront améliorées à partir de 1633 par Vauban.
Dans la citadelle, on trouve Notre-Dame du Château, chapelle du XIVe siècle, symbole de la fidélité et de la paix. Car la guerre ne peut être conçue sans idéal de paix.

Le temps absolu 

Le cinquième Temps (temps absolu) est au nord-ouest où se trouve, perché dans un lieu préservé, le cimetière de Sisteron. Là, le ballet entre la vie et la mort. Y est enterré Paul Arène, poète né à Sisteron, et sur sa tombe est gravée une célèbre phrase provençale : Iéu m’en vau l’amo ravido D’agué pantaïa ma vido (je m’en vais l’âme ravie, d’avoir rêvé ma vie).
Pour renaître, il faut redescendre vers la ville et revenir au point zéro, temps religieux.

La vie de l’homme est un ballet continu entre invisible et visible. Sisteron permet de vivre en conscience tous les temps inclus dans le grand temps de la Vie.

(1) Voie romaine construite à partir de 118 av. J.-C. qui relie l’Italie à la Péninsule Ibérique en traversant la Gaule narbonnaise
(2) Du latin vicaria, la viguerie ou vicairie est une administration médiévale née au IXe et Xe siècles, dans le Sud de la France (notamment en Aquitaine) mais également en Catalogne. Le vicaire remplace le comte au niveau local dans certaines tâches
par Hélène SERRES
Philosophe
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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