Simone Weil – Éloge d’une philosophe engagée à la vie fulgurante
Simone Weil (1909-1943), se distingua par sa militance, son engagement à corps perdu dans les évènements du XXe siècle (défense des ouvriers, engagement viscéral contre l’Allemagne nazie). Philosophe en action, elle n’en fut pas moins mystique, préoccupée par la nécessité pour l’homme de se réenraciner et de se relier à ses besoins de l’âme.
Avez-vous déjà imaginé une famille où les jeux seraient remplacés par des livres ? C’était le cas dans la famille Weil. Les enfants parlaient le grec ancien pour ne pas être compris des adultes et lisaient Platon dans la langue originale. Ces enfants sont devenus des prodiges, André, mathématicien de renom, et Simone, philosophe engagée. Ils ont grandi dans un environnement cultivé et agnostique.
Une vie engagée au service des opprimés
Simone est de santé fragile, sujette aux migraines. Elle négligera très tôt son apparence physique. Son regard est perçant derrière ses petites lunettes rondes. Elle voit la vie avec lucidité. Son regard n’aura de cesse de se tourner vers les opprimés, et ses actes se feront pour la liberté.
Avec son intelligence acérée révoltée, elle parvient toujours à ses fins. Pendant ses études à l’École Normale Supérieure, elle lance une cagnotte pour les chômeurs et insiste auprès du directeur pour avoir son soutien financier. Lasse de ses sollicitations, il accepte à la condition de rester anonyme. Le lendemain est placardé sur tous les murs : « Faites comme votre directeur, donnez anonymement. »
À 20 ans, elle est professeure agrégée de philosophie, et pourtant, elle décide de tout quitter pour travailler dans une usine afin de vivre la condition ouvrière. Thème qui deviendra central dans ses écrits. Le philosophe se doit de vivre l’expérience pour engager ses idées sur un terrain utile et concret pour l’être humain. Elle est l’image de l’anarchiste, agnostique, syndicale et rebelle et pourtant dix ans plus tard, elle écrira que l’ordre et la hiérarchie sont des besoins de l’âme.
Les besoins de l’âme
Qu’est-ce qui a provoqué ce changement ? Un choc face à la barbarie.
En 1936, elle s’enrôle aux côtés des anarchistes et des révolutionnaires pour la guerre d’Espagne. Mais il n’aura fallu qu’un mois face à la barbarie et la violence qu’elle observe dans les deux camps pour qu’elle porte un regard critique sur la révolution et son propre militantisme. En Italie, entendant des chants chrétiens reflétant la transcendance de la souffrance, elle est touchée par cette force qui permet aux opprimés de continuer d’œuvrer, de vivre et d’aimer. Dans une église, elle ressent intimement l’ordre de se mettre à genoux ce qu’elle fait dans un acte d’obéissance à quelque chose qui la dépasse et qu’elle reconnaît, et ne cessera jamais de reconnaître.
Le combat pour la justice
Lors de la Seconde Guerre mondiale, ses origines juives ne lui permettent pas d’être sur le front et au centre des combats pour la justice. Cette mise à l’écart la révolte et la met dans un vécu d’impuissance. Elle décide de manger peu comme les rationnés, tombe malade et meurt à 34 ans en 1943. Avant de mourir, elle lègue L’Enracinement, le prélude pour une déclaration des obligations envers l’être humain commandé par le Général De Gaulle pour relever la France au sortir de la guerre. Texte dans lequel elle décrit les besoins de l’âme dont le premier est l’ordre intérieur. Simone Weil est de la lignée des platoniciens, elle a la conviction que la nature de l’être humain est le Bien. Et elle avait sur sa table de chevet le livre hindou la Bhagavad Gîta qui illustre le combat intérieur.
Si elle était assise parmi nous aujourd’hui ou si c’était elle qui nous enseignait, quel serait son message ? Quel serait le message de cette femme qui a écrit, il y a 80 ans, un traité pour relever la France par des valeurs humanistes ?